À quelques semaines du lancement, encore incertain, des premières compétitions d’athlétisme de l’année partout dans la province, la Fédération québécoise d’athlétisme est à la recherche d’officiels.

La Presse s’est entretenue avec trois officielles, spécialisées en course et en sauts verticaux, pour savoir ce qui les a amenées dans cette fonction et ce qui les pousse à passer la majorité de leurs fins de semaine d’été sur un plateau de compétition.

Chantal Desrosiers : l’athlète convertie

Chantal Desrosiers faisait partie de l’équipe olympique canadienne d’athlétisme en 1980. Elle s’était qualifiée pour participer aux épreuves de 200 m et de relais 4 x 100 m aux Jeux de Moscou. Mais en raison du boycottage des Jeux par plusieurs pays, dont le Canada, Chantal Desrosiers n’a jamais vécu l’expérience olympique. Une immense déception.

L’athlète a ensuite mis sa carrière sur pause. Quelques années plus tard, l’une de ses filles s’est à son tour mise à l’athlétisme. « Je l’accompagnais aux compétitions. Je me suis dit : “Tant qu’à être là, aussi bien redonner au suivant” », raconte Chantal Desrosiers.

Après avoir suivi une formation, elle devient « starter », l’officielle qui donne le signal de départ. Depuis, elle passe ses étés sur des plateaux de compétition au Québec et au Canada.

J’aime voir les performances des athlètes. Les voir s’épanouir. Je me revois en eux. C’est une époque de ma vie que je referais n’importe quand.

Chantal Desrosiers

Chantal Desrosiers se souvient particulièrement d’une rencontre, alors qu’elle était athlète, avec l’une de ses idoles, Marlies Göhr, détentrice du record du monde au 100 m de 1977 à 1983. Chantal Desrosiers a rencontré Göhr lors d’une compétition en Europe de l’Est à la fin des années 1970.

« Après une course, je lui ai demandé d’échanger nos maillots. Ça avait dû passer par les dirigeants. Ils avaient finalement accepté. Il y a eu une remise de façon très officielle. J’ai encore ce maillot-là… », dit-elle.

Chantal Desrosiers est d’ailleurs triste ces jours-ci quand elle entend parler de demandes pour boycotter les Jeux olympiques de Pékin en 2022. « Pourquoi ce sont les athlètes qui paient pour des décisions politiques ? Pourquoi une fois de plus prendre les athlètes en otages ? Je trouve ça injuste », dit-elle.

Alors qu’une troisième vague de COVID-19 point à l’horizon, Chantal Desrosiers croise les doigts pour que les compétitions d’athlétisme aient lieu l’été prochain. Pour elle, toutes ces journées passées aux abords d’une piste d’athlétisme « font du bien ».

« Il y en a qui prennent un bain avec des chandelles pour être bien. Moi, c’est autre chose ! », lance-t-elle, tout en précisant que les officiels peuvent choisir de donner moins de temps s’ils le désirent. « Moi, j’en fais beaucoup. Mais il y a moyen d’en faire moins ! »

Karine Nadeau : la jeune passionnée

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Karine Nadeau

En temps normal, à ce temps-ci de l’année, Karine Nadeau ne se demande pas ce qu’elle fera de son week-end : de décembre à mars, elle passe ses samedis et dimanches sur un plateau d’athlétisme. Et le même horaire se répète durant l’été. Officielle des sauts en hauteur depuis 18 ans, elle parcourt le Québec en participant à différents rendez-vous d’athlétisme.

Pour Karine Nadeau, c’est une rencontre avec une enseignante de son école primaire de Pohénégamook qui a tout changé.

« C’était mon enseignante de 6année. Suzanne Lafrance. Je l’aimais beaucoup. Elle m’a recrutée avec les Vaillants de Pohénégamook », raconte Karine Nadeau. N’étant « pas très athlète », celle-ci se joint à l’équipe comme juge. On la forme pour qu’elle se spécialise dans les sauts verticaux (saut en hauteur et saut à la perche). Elle tombe rapidement amoureuse de la fonction.

Ça m’a fait rencontrer des gens. Ça m’a amenée à découvrir le Québec. Je ne serais jamais allée à Sherbrooke, à Montréal, à Québec sans ça.

Karine Nadeau

En se joignant au club des Vaillants comme officielle, Karine Nadeau y trouve une « deuxième famille ». « Comme j’étais la plus jeune, tout le monde prenait vraiment soin de moi », se souvient-elle. Au fur et à mesure qu’elle gravit les échelons (elle est aujourd’hui au niveau 4 et tentera de décrocher son niveau 5), elle est invitée dans des compétitions partout au Canada.

En 2019, Karine Nadeau a été nommée « officielle de l’année » au Québec. Un honneur d’autant plus apprécié que sa mentore, Suzanne Lafrance, a été nommée officielle de l’année au Canada. « C’était une grosse année. C’était la dernière avant que la pandémie n’arrive… », raconte Karine Nadeau, qui est aussi enseignante à Longueuil.

Au Québec, la fonction d’officiel est bénévole. Karine Nadeau reconnaît que pour cette raison, attirer les jeunes vers ce rôle pourtant essentiel au déroulement des compétitions n’est pas simple. « Mais on vit tellement de belles expériences en étant officiel. Je le recommande vraiment », dit-elle.

Cécile Lefebvre : la vétérane

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Cécile Lefebvre

Tout coureur ayant participé à des compétitions provinciales d’athlétisme depuis 30 ans au Québec a de fortes chances d’avoir croisé le chemin de Cécile Lefebvre.

Vétérane passionnée, Cécile Lefebvre a débuté dans ses fonctions d’officielle de piste et d’épreuves combinées quand ses deux filles étaient athlètes. « Mais j’ai tellement aimé ça que même quand mes filles ont arrêté, j’ai continué », dit la femme de 76 ans.

Comme arbitre de piste, Cécile Lefebvre ne donne pas le signal de départ. Mais c’est elle qui, par exemple, décide si un athlète doit être disqualifié ou non en cas de manœuvre irrégulière. Avec les athlètes de haut niveau, Cécile Lefebvre adore observer et soutenir « ceux qui mettent des efforts pour atteindre un certain niveau de performance ».

Mais avec les plus jeunes, elle ne cache pas qu’elle doit jouer souvent le rôle de « maman ».

Ce n’est pas pareil quand tu arbitres les plus vieux ou les plus jeunes. Avec les jeunes, il y a une notion d’éducation, de pédagogie… J’essaie beaucoup de les initier. De ne pas les décourager.

Cécile Lefebvre

Cécile Lefebvre a toujours aimé les enfants et la pédagogie. À la retraite depuis 15 ans, cette ex-comptable consacre la majorité de ses fins de semaine d’été à sa fonction d’officielle.

« Je n’ai plus d’enfants, je ne travaille pas… Je fais mes activités la semaine. La fin de semaine, je suis officielle ! […] C’est du bénévolat qui m’amène vraiment de belles expériences. » Cécile Lefebvre espère que les compétitions reprendront l’été prochain. « On mise encore beaucoup sur les essais olympiques… On verra ! »

Les essais olympiques auront lieu à Montréal du 24 au 27 juin. Et le 29 juin, Montréal accueillera l’un des neuf évènements du World Athletics Continental Tour, où les athlètes auront la chance de tenter d’atteindre leur standard olympique. Porte-parole de la Fédération québécoise d’athlétisme, Véronique Giroux précise toutefois que, comme pour toutes compétitions locales ou régionales, ces évènements devront préalablement obtenir l’autorisation de la Santé publique pour avoir lieu.