Chaque semaine, les journalistes des sports de La Presse et un invité spécial répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence. Notre invité cette semaine, celui que vous pouvez lire presque aussi souvent que nos journalistes maison dans nos écrans : Frédéric Daigle, de La Presse Canadienne.

Voici nos suggestions, mais surtout, nous voulons les vôtres ! Ressassez vos vieux souvenirs, quel joueur vous a emballé lors d’un camp avant de vous laisser cruellement tomber ?

Écrivez-nous

Frédéric Daigle, journaliste à La Presse Canadienne

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Fernando Seguignol fracassant son bâton lors d'un match en 2001

Fernando Seguignol ! En prime, il n’est pas la déception que d’un seul camp, mais peut-être cinq… Acquis des Yankees dans la transaction pour John Wetteland pendant l’infâme vente-débarras de 1995, Seguignol en imposait : 6 pi 5 po pour 257 lb ! Wow ! Les Expos nous vendaient alors la meilleure invention depuis le pain tranché. Ils n’en revenaient pas d’avoir pu mettre la main sur un jeune frappeur ambidextre comme lui.

Tout ce qu’il avait d’un frappeur ambidextre était qu’il était aussi mauvais d’un côté que de l’autre… Résultat : 17 circuits et 40 points produits en 173 matchs répartis sur 4 saisons. C’est inévitable qu’un club de baseball ait plusieurs busts avec (autrefois) six ou sept filiales à remplir. Mais Seguignol est un des beaux spécimens à avoir étalé tout son manque de talent jusqu’aux Majeures. À sa défense, il a été spectaculaire au Japon, connaissant notamment des saisons de 44 et 31 circuits à son arrivée dans la Ligue professionnelle nippone !

Mathias Brunet

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Pendant la saison 2017-2018, Mark Streit n’a joué que deux matchs dans l’uniforme du Canadien.

Marc Bergevin venait de déclarer que sa défense était supérieure à celle de la saison précédente. Le meilleur du groupe, Andrei Markov, venait pourtant de partir, tout comme Alexei Emelin, Nathan Beaulieu et Mikhail Sergachev. Le DG a embauché un bataillon complet, formé de Mark Streit, Joe Morrow, Jakub Jerabek et David Schlemko, dans l’espoir de combler le vide laissé par les départs de Markov et compagnie. On espérait sans doute qu’il reste encore un peu d’essence dans le réservoir de Streit, à 39 ans, pour combler la perte de Markov. On l’a fait jouer 25 minutes dès sa première rencontre préparatoire. Une catastrophe. Ça ne s’est pas amélioré par la suite. On a mis fin à l’association avec lui dès le deuxième match de la saison. Jerabek a disputé 25 matchs avant d’être échangé aux Capitals pour un choix de cinquième tour. Il a disputé 12 matchs par la suite dans la Ligue nationale. Morrow a joué 38 matchs avant d’être échangé aux Jets de Winnipeg pour un choix de quatrième ronde. Il joue dans la KHL depuis 2019. Ironiquement, David Schlemko est celui du quatuor qui a survécu le plus longtemps. On l’a enduré un an et demi, mais il a joué sporadiquement, quand il était en santé, avant d’être renvoyé dans la Ligue américaine la saison suivante, pour ne plus jamais revenir.

Miguel Bujold

Depuis que je couvre les Alouettes, le pétard mouillé par excellence au camp d’entraînement a été Michael Sam. C’est moi qui avais sorti la nouvelle que son nom figurait sur la liste de négociation des Alouettes, puis qu’il se joindrait au club. Sam avait bien sûr fait les manchettes parce qu’il était le premier joueur de football professionnel à dire publiquement qu’il était gai, mais il avait également été très bon dans la NCAA. Et j’étais convaincu qu’il serait un excellent chasseur de quarts dans la LCF, un circuit qui lui convenait davantage que la NFL puisqu’il n’était pas le plus imposant pour un joueur de ligne défensive. C’est lui qui allait un jour remplacer John Bowman, pas de doute ! Pas vraiment, non… L’expérience a été un échec sur toute la ligne sur le plan football. Sam s’entraînait avec très peu d’effort, semblant même désintéressé la plupart du temps. Il s’était absenté durant une semaine ou deux pour des raisons personnelles et on l’avait à peine remarqué les rares fois qu’il avait joué. L’impact qu’il a eu socialement a été aussi grand qu’important, mais son passage chez les Alouettes a été un désastre.

Frédérick Duchesneau

Au début du mois de juin 1991, des Expos en déroute (20-29) congédient le vénérable Buck Rodgers. Pour le remplacer, on fait alors appel à Tom Runnells, 36 ans. Il remporte la victoire à son premier match, mais le reste de la saison sera bien timide : 51-61 sous ses ordres (retenez ces mots). Le jeune coach est néanmoins reconduit dans ses fonctions et, au camp d’entraînement, ne craignant pas l’attention – ni le ridicule –, Runnells se présente sur le terrain en uniforme militaire. Les choses allaient tourner rondement sous son commandement cette année-là… Non. Après seulement 37 matchs (17-20), il était viré à son tour. Le nouveau venu : un certain Felipe Alou. Une relation qui durera une dizaine d’années. À bien y penser, merci, M. Runnells.

Richard Labbé

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Jiri Sekac, en 2014

Il n’avait pas été un gros choix de repêchage, et au fait, il n’a même jamais été repêché. Mais j’ai rarement vu un joueur dont la balloune s’est dégonflée aussi rapidement que celle de Jiri Sekac. Il faut savoir que ce « prodige » s’est amené au camp du CH en 2014 après que le Canadien eut remporté une guerre de négociations impliquant une vingtaine d’équipes qui voulaient toutes l’obtenir. Ensuite, Sekac est arrivé à Brossard en humiliant tout le monde lors de la journée des tests physiques, et on a cru que le Canadien avait mis la main sur un spécimen, qui allait peut-être choisir de passer ses étés en jouant pour les Alouettes et l’Impact entre trois ou quatre marathons. Mais cela fut bref, très bref, et en février, il était échangé aux Ducks contre Devante Smith-Pelly, puis deux ans plus tard, il disparaissait des patinoires de la LNH. Au bout du compte, Jiri Sekac aura été une étoile filante, comme Andrew Raycroft, John Druce ou Right Said Fred.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Saku Koivu, Claude Julien et Mariusz Czerkawski lors d’un match en 2003

Au début de l’été 2002, les partisans du Canadien surfent encore sur l’euphorie du printemps magique (car improbable) que venait de connaître l’équipe. Le directeur général André Savard s’assure de garder cette flamme en vie : il envoie Arron Asham et un choix de cinquième tour aux Islanders de New York pour acquérir l’attaquant Mariusz Czerkawski. Asham, un agitateur, n’avait encore jamais disputé une saison complète dans la LNH. Quant à Czerkawski, il venait de connaître des saisons de 21, 35, 30 et 22 buts. Un vol ! Le Polonais est tout feu tout flamme au camp d’entraînement et domine la LNH avec 11 points en 7 matchs. Il poursuit sur sa lancée avec 9 points au cours des 13 premières rencontres de la saison. Fin du rêve. Il n’en inscrira plus que 5 au cours des 30 dernières joutes de cette campagne de misère, qu’il passera en partie dans la Ligue américaine. Après une seule saison – la pire de sa carrière – à Montréal, il retourne à Long Island… où il marque 25 buts.

Alexandre Pratt

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @JOSECANSECO

José Canseco a commencé sa carrière dans la MLB avec les Athletics d’Oakland.

En février 2002, les Expos manquaient cruellement de talent. Ils ont donc invité José Canseco à leur camp d’entraînement. Canseco était un solide cogneur qui, bourré de produits chimiques illégaux, approchait les 500 circuits en carrière. Sauf qu’il avait aussi 37 ans. « Ce n’est pas un poulain du printemps, avait reconnu le DG Omar Minaya. Mais José n’a pas encore 40 ans. Tim Raines a 42 ans et il joue encore. » Canseco, lui, suintait la confiance. « Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas encore frapper de 40 à 50 circuits, produire de 120 à 130 points et voler de 20 à 30 buts par saison si je joue sur une base régulière. » Cette saison-là, Canseco n’a frappé aucun circuit. Produit aucun point. Volé aucun but. Les Expos l’ont retranché avant même le début de la saison. Ce fut la fin de sa carrière dans les ligues majeures.

Jean-François Tremblay

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Jonas Gustavsson et Travis Moen (au premier plan), en 2010

Laissez-moi vous raconter l’histoire du Monstre. Jonas Gustavsson. Un prodige devant le filet, qui jouait « gros » (d’où son surnom), qui avait réécrit le livre des statistiques en Suède. Il était arrivé triomphant, dans un Toronto dégarni devant le filet (Vesa Toskala ?). On disait de lui qu’il était le meilleur gardien du monde hors de la LNH. Je l’avais repêché comme recrue dans mon pool de hockey à vie, profitant de son inexpérience de la LNH pour étirer le règlement et choisir un joueur de 24 ans. Je me sentais comme George Clooney dans Ocean’s Eleven – sans le sex-appeal – tant j’étais fier de mon larcin. D’avoir ajouté à ma formation un mélange de Ken Dryden et de Carey Price, avec un soupçon de Patrick Roy, mais en encore plus gros et plus agile. J’avais déjà commencé à graver mon nom sur le trophée du pool. Après une première saison pas vilaine, et un bref soubresaut à Detroit quatre ans plus tard, le Monstre est lentement disparu de la surface de la Terre. Il ne m’a laissé que l’amertume d’avoir ignoré Victor Hedman.