(Ottawa) Les Sénateurs d’Ottawa ont beau déjà regorger de jeunes joueurs talentueux, la source n’est pas encore tarie pour autant.

On connaît déjà les Brady Tkachuk, Tim Stützle, Drake Batherson, Josh Norris, Alex Formenton, Erik Brannstrom. Même Shane Pinto et Jacob Bernard-Docker ont déjà vu de l’action dans la LNH la saison dernière.

La coqueluche du camp des recrues à Ottawa est pourtant un joueur russe, ignoré à deux reprises au repêchage, et qui a dû, littéralement, réapprendre à patiner dans les rangs juniors.

Après une saison à Belleville, dans la Ligue américaine, équipe dont il a été le meilleur marqueur, Egor Sokolov débarque finalement dans la capitale fédérale. Avec dans son arsenal « un tir surréel », dixit son coéquipier Cole Reinhardt, et un irrésistible flair offensif.

Samedi, contre le Canadien, il n’a pas inscrit son nom sur la feuille de pointage, mais les trois tirs qu’il a décochés de l’enclave n’en ont pas moins donné des sueurs froides à Joe Vrbetic, désigné pour défendre le filet du CH.

Une histoire admirable

L’histoire de Sokolov suscite l’admiration. Originaire de Iekaterinbourg, en Sibérie occidentale, il a déménagé ses pénates en Amérique du Nord à 17 ans. À son arrivée dans les Maritimes, les Screaming Eagles du Cap-Breton, équipe à laquelle il s’est joint dans la LHJMQ, ont dressé le constat brutal qu’ils avaient entre les mains un patineur pitoyable.

À tel point qu’après sa première saison, l’organisation a chargé sa spécialiste du patinage de revoir sa technique de fond en comble. Au site web The Athletic, son agent a raconté que son client possédait tout pour devenir un joueur de la LNH : un gabarit plus qu’imposant – 6 pi 4 po et 240 lb à l’époque, quoiqu’il en pèse aujourd’hui 216 –, un tir foudroyant et un sens du jeu aiguisé. Mais décidément, le patin n’y était pas.

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Force est d’admettre que Sokolov a fait ses devoirs. À sa dernière campagne au Cap-Breton, il a inscrit 46 buts en 52 matchs. Et samedi, contre le CH, le défenseur William Trudeau a pu constater à quel train il avait affaire lorsque l’attaquant des Sens l’a contourné pour foncer au filet au milieu de la troisième période.

« Contrôler le jeu »

Le défenseur Maxence Guénette côtoie Sokolov depuis déjà plusieurs jours chez les Sénateurs, d’abord au camp de développement, puis ces jours-ci au camp des recrues. Mais il voit le Russe à l’œuvre depuis bien plus longtemps. Avec les Foreurs de Val-d’Or, il a eu la tâche de l’affronter pendant trois ans sur le circuit québécois.

« Il a vraiment connu toute une progression, c’est assez impressionnant », a dit Guénette, auteur d’un but et une passe samedi.

C’est un gros bonhomme, il a un très bon lancer, il protège bien la rondelle… C’est un gars qui peut contrôler le jeu à sa manière.

Maxence Guénette, coéquipier et défenseur des Sénateurs d’Ottawa

À court terme, sa progression se poursuivra probablement à Belleville. C’est du moins ce qu’a laissé entendre l’entraîneur Troy Mann, au cours des derniers jours. Les Sénateurs, après tout, ont été patients avec Batherson et Norris, et tous deux connaissent aujourd’hui du succès dans la LNH.

Samedi, Sokolov a formé un trio avec Angus Crookshank et Ridly Greig, deux autres espoirs en vue du club. L’unité n’a pas été un moteur offensif dans la victoire des Sens, mais « ce trio peut et va produire pour nous », a promis Mann après la rencontre. Les jeunes Sénateurs retrouveront d’ailleurs les recrues du CH dès lundi à Montréal.

Cela n’empêche pas que l’effet Sokolov soit déjà bien réel à Ottawa, tant auprès des partisans qu’auprès de la direction du club.

Devant les reporters qui suivent les activités de l’équipe, le directeur général Pierre Dorion s’est spécifiquement enthousiasmé au sujet de l’ailier, et Shean Donovan, directeur du développement des joueurs, l’a comparé à Mark Stone.

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À la clé, le principal intéressé n’a rien pour déplaire. Arrivé en Nouvelle-Écosse il y a quatre ans en baragouinant l’anglais, il est désormais d’une aisance absolue dans la langue maternelle de Sheila Copps. Et sa désinvolture en entrevue tranche avec la tradition établie par ses compatriotes depuis les premiers passages à l’Ouest à la fin des années 1980.

Néanmoins, en entrevue, encore auprès de The Athletic, Troy Mann a insisté : nombreux sont les joueurs qui ont « volé le show » à leurs premiers coups de patin dans la LNH, mais qui étaient déjà repartis dans la Ligue américaine en novembre.

Lisez l’article de The Athletic (en anglais, abonnement requis)

Il n’empêche qu’à Ottawa, le mal est fait. L’effet Sokolov se fait déjà bien sentir. Si bien que le surnom « Sharkolov », attribué « parce qu’il est comme un requin autour des filets adverses », selon le journaliste Marc Brassard, du Droit, fait son chemin.

Qu’on l’apprécie ou non, c’est tout de même assez éloquent.