Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence

Simon Drouin

Mon premier souper de Noël chez les parents de ma nouvelle blonde ne s’est pas terminé trop tard, le 25 décembre 2000. Au petit matin, j’étais à l’aéroport de Dorval pour un vol en direction de Pittsburgh. J’y avais croisé l’ami François Foisy, qui travaillait alors pour Le Journal de Montréal. Notre mission : couvrir le retour de Mario Lemieux après une retraite de trois ans et demi. À notre arrivée, on s’était dépêchés comme des fous pour assister à la dernière séance d’entraînement du 66 sur une patinoire extérieure en banlieue. On l’avait raté de quelques minutes. Un collègue du Pittsburgh Post-Gazette nous avait dépannés en nous fournissant quelques déclarations de Lemieux. Moi qui fuis les magasins, je m’étais ensuite retrouvé dans un centre d’achats en plein Boxing Day. J’avais fait la tournée des boutiques de sport pour mettre un peu de couleur dans mon article. Le lendemain soir, dans le vieil Igloo, Lemieux avait réussi une autre de ses performances magiques, inscrivant un but et deux passes dans une victoire de 5-0 des Penguins sur les Maple Leafs. Après sa conférence de presse, le grand homme s’était arrêté quelques minutes pour une mêlée avec les journalistes québécois. J’avais fini la soirée avec Foisy au bar du vieux William Penn Hotel. Vingt ans plus tard, cet évènement reste l’un de mes plus beaux souvenirs de couverture… et de Noël !

Mathias Brunet

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Brian Savage (49) et Dave Manson (22) mettent en échec Wayne Primeau lors d’un match opposant le Canadien aux Sabres de Buffalo, le 10 mai 1998.

Le métier de redresseur de torts n’est pas de tout repos dans la Ligue nationale de hockey. L’ancien défenseur du Canadien Dave Manson savait jouer au hockey, mais il ne craignait pas de jeter les gants non plus. Il rappelait à certains égards le « Godfather » en raison de sa voix rauque et éteinte semblable à celle de Marlon Brando dans la célèbre trilogie de Francis Ford Coppola sur la mafia. Manson, aussi surnommé Charles Manson, le nom du célèbre meurtrier, a perdu la voix lors d’une furieuse bagarre contre Sergio Momesso. Mais il a failli perdre l’ouïe également. Manson décorait tranquillement son arbre de Noël, quelques heures avant la rencontre face aux Rangers de New York, en décembre 1997. Une fois la dernière boule posée, le défenseur du Canadien s’est rendu au Centre Molson (nommé ainsi à l’époque) pour y disputer son match. Manson laçait ses patins quand il a ressenti une certaine douleur dans l’oreille. Il a immédiatement rendu visite au thérapeute sportif Gaétan Lefebvre, dans la clinique à côté du vestiaire. « Gaets, je ne sais pas si j’ai de la cire dans l’oreille ou quoi, mais j’ai mal… » Lefebvre n’en croyait pas ses yeux quand il a examiné l’oreille de Manson avec son microscope. Il distinguait quelque chose de vert, mais n’arrivait pas à identifier cet objet pour le moins mystérieux. Quand le médecin de l’équipe, David Mulder, s’est penché sur le cas, son diagnostic a renversé Lefebvre : aiguille de sapin coincée dans le fond de l’oreille… Lefebvre a téléphoné à un oto-rhino-laryngologiste. Celui-ci lui a d’abord demandé d’arrêter ses farces plates. Manson a joué son match avec son aiguille dans l’oreille, puis il s’est rendu illico au centre hospitalier, où on a retiré l’épine. L’histoire m’a donné un bon article dans La Presse, et même un court chapitre dans mon livre Avions, hôtels et… Glorieux !

Miguel Bujold

Lorsque je pense au temps des Fêtes et à mes souvenirs de sport, trois choses me viennent à l’esprit : le Championnat mondial de hockey junior, les visites de l’Armée rouge sur le sol nord-américain dont je me souviens vaguement et, bien sûr, la NFL. À l’époque, les éliminatoires commençaient un peu plus tôt que de nos jours et je me souviens d’un match en particulier. Celui que s’étaient disputé les Bears de Chicago et les Eagles de Philadelphie la veille du jour de l’An en 1988. Un match de deuxième tour qui allait être surnommé le « Fog Bowl ». Les Bears et les Eagles avaient joué durant approximativement trois heures sans rien voir devant eux, ou presque. Le brouillard au Soldier Field était épais ! Ce qui rendait le match encore plus intrigant, c’est qu’il opposait les entraîneurs-chefs Mike Ditka (Bears) et Buddy Ryan (Eagles). Ryan avait gagné le Super Bowl comme coordonnateur défensif avec les Bears trois ans plus tôt. Mais le dédain que ces deux hommes avaient l’un pour l’autre n’était un secret pour personne. Les Bears avaient gagné, 20-12, avant de perdre contre San Francisco en finale de la Nationale la semaine suivante. NFL Films a consacré un épisode entier de sa série The Timeline au « Fog Bowl », un match au cours duquel c’est plutôt le manque d’action qui avait captivé.

Frédérick Duchesneau

J’ai eu beau chercher, je n’ai pas souvenir d’évènement sportif qui m’ait marqué pendant le temps des Fêtes. De toute façon, il ne se passe pas grand-chose d’autre que le Mondial de hockey junior et les Bowls du football américain, non ? Par contre, ce dont je me souviens très clairement, c’est à quel point j’avais hâte au congé de Noël pour pouvoir jouer au hockey dehors du matin au soir. À la limite de l’obsession, confirmeraient mes parents. J’étais gardien de but. Et une balle orange, une rondelle, même molle, à -15 ˚C, ça fait son effet dans le visage ! Régulièrement, je rentrais donc en soirée avec une lèvre amochée. Additionnez-y les gerçures, vous n’obtenez pas exactement le cocktail de rêve pour attirer la jeune gent féminine… Mais je ne pense pas avoir été plus heureux que pendant ces moments-là. Ce sont mes souvenirs de sport des Fêtes. Des « évènements » sportifs dont j’étais le héros. Ou pas. À l’image de ces livres que je dévorais. Sans tricher…

Richard Labbé

PHOTO RHONA WISE, ARCHIVES REUTERS

Durant la période des Fêtes, le Canadien a l’habitude de se rendre en Floride pour y affronter les Panthers et le Lightning… devant une foule de partisans québécois !

Bien sûr que cette foutue pandémie ruine nos vies et, accessoirement, nous prive de choses importantes comme des matchs de football canadien, mais par-dessus tout, elle vient un peu ruiner nos petites traditions. Depuis environ une dizaine d’années, j’ai la chance de couvrir les matchs du Canadien en Floride pendant les Fêtes, et chaque fois, c’est le bonheur. Parce que les palmiers et la météo et tout ça, mais aussi parce que le Québec en entier (ou presque) est à l’aréna des Panthers et du Lightning à la fin de décembre. Le Québec en entier, ça inclut ma famille, qui est toujours de l’aventure et qui me rappelle que l’essence des Fêtes, c’est un peu ça : passer du temps ensemble, prendre le temps, et se rappeler ce qui compte vraiment. Sans compter que pour de jeunes joueurs de hockey comme mes deux fils, regarder le Lightning à l’entraînement, c’est excellent pour le développement.

Guillaume Lefrançois

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Brian Skrudland, lors d’un match contre les Whalers de Hartford, le 21 décembre 1991

Pour une raison que j’ignore, j’ai une mémoire phénoménale pour un bon nombre de situations assez banales de ma petite enfance. Par exemple, le match du 22 décembre 1989. C’était le vendredi avant Noël, donc le début des vacances scolaires. Nous étions chez Richard, l’oncle de ma sœur, et je me souviens d’avoir beaucoup joué au jeu de société Les grands du hockey, que j’imagine avoir reçu en cadeau ce soir-là. Il y avait aussi un classique du vendredi soir : un match Canadien-Sabres à l’Auditorium, avec la satanée sirène de buts des Sabres (je n’étais pas encore tombé amoureux de Buffalo à l’époque). Le Canadien perdait 2-1, et au tout dernier moment, Montréal a créé l’égalité, sur une séquence dont je me souvenais encore très bien avant d’avoir retrouvé le jeu sur YouTube : mise en jeu remportée en zone offensive, à Chelios à la pointe, à Corson pour le tir sur réception, avec deux secondes à jouer. Un tic-tac-toe parfait. Grâce à YouTube, je sais maintenant que c’est Skrudland qui a gagné la mise en jeu.

Simon-Olivier Lorange

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Après une retraite de trois saisons et demie, Mario Lemieux est revenu au jeu pour aider les Penguins de Pittsburgh à se sortir des bas-fonds de la LNH, inscrivant trois points le soir de son retour, le 27 décembre 2000.

Trente-trois secondes. C’est tout le temps qui a été nécessaire à Mario Lemieux pour inscrire son premier point le soir de son retour au jeu, le 27 décembre 2000, après une retraite de trois saisons et demie. Ne me demandez pas ce que j’ai reçu pour Noël cette année-là, mais je me rappelle avec précision ma fébrilité qui a culminé lors de cette soirée magique, que Lemieux terminera avec un but et deux mentions d’aide. À 35 ans, le numéro 66 a été mis à contribution pendant presque 21 minutes contre Curtis Joseph et les pauvres Maple Leafs de Toronto, vaincus 5-0. Une soirée parfaite, quoi !

Michel Marois

J’aurais pu parler du fameux match entre les Canadiens et l’Armée rouge, le 31 décembre 1975, ou encore de la victoire du Canadien Junior contre une autre équipe soviétique, quelques jours avant Noël 1965 – mon père nous avait offert un cadeau anticipé, à mon frère et moi, avec des billets pour ce match –, mais ce sont des soirées plus terre à terre qui me viennent à l’esprit. Au début des années 1990, après avoir couvert le hockey, je suis retourné travailler au bureau à la mise en page de ce qui était encore une section tabloïd dans La Presse grand format. Nous avions bien quelques congés pendant les Fêtes, mais il fallait habituellement être là à Noël ou au jour de l’An. Toujours très soudée, la gang des sports en profitait pour organiser un petit souper festif. Rien de gastronomique, mais on se régalait et la soirée passait plus facilement loin de nos familles et de nos proches. J’ai oublié les détails de plusieurs évènements que j’ai couverts, mais je garderai toujours un souvenir très cher de ces soirées avec Pierre « Titro » Terroux, Michel Magny, Normand Farly, Gaétan « Baba » Lauzon, Pierre « The Bear » Nadon, Richard Chartier, Robert Bousquet, François Béliveau, Richard René, Gaby « Toutou » Gariépy, Daniel St-Amand et tous les autres.

Alexandre Pratt

Le Championnat mondial junior de hockey, disputé à Montréal, en 2014-2015. Nous avions acheté deux billets. Pas juste pour un soir. Pour tous les matchs. Pour le duel Canada–États-Unis, nous étions tout en haut. Mais pour la partie Allemagne-Slovaquie, le 30 décembre, le Centre Bell était pas mal moins rempli. Nous nous étions procuré des billets supplémentaires pour les enfants pour le prix d’un café. Puis nous étions descendus. Descendus. Et encore descendus. Jusqu’à la deuxième rangée, derrière le banc des Slovaques. Je ne sais pas ce qui nous excitait le plus : être si près de l’action, ou avoir réussi à se faufiler jusque-là. Mais c’est le seul match du tournoi dont je me souviens encore, six ans plus tard.