La pandémie de COVID-19 et le mouvement Black Lives Matter ont bousculé les enjeux traditionnels auxquels font face les commissaires des ligues professionnelles. Ces six hommes ont dû composer avec des défis imprévus, qu’ils n’ont pas relevés avec la même habileté. Voici mon appréciation de leur travail.

LNH : Gary Bettman

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Gary Bettman a développé avec succès l’environnement économique et marketing de la Ligue nationale de hockey.

Note : A

Monarque de la Ligue nationale de hockey (LNH) depuis plus de 25 ans, Gary Bettman a développé avec succès l’environnement économique et marketing du circuit. Il a été beaucoup moins efficace dans la lutte contre la violence et la gestion des commotions cérébrales.

Mais quand on dressera son bilan au moment de sa retraite, on retrouvera sa gestion de la pandémie au sommet de ses réussites. Son discours public a toujours été le même, même au plus grave de la situation : pas question de faire une croix sur la saison. La Coupe Stanley serait décernée comme à l’habitude.

La manière dont la LNH a relancé ses activités est un modèle de gestion de crise, de planification et de faculté d’adaptation. Sans hésitation, Bettman a inventé de nouvelles règles pour encadrer le retour au jeu. C’est ainsi qu’un tournoi préliminaire a permis au Canadien et à sept autres équipes de poursuivre leur saison. L’intérêt des fans a été immédiat. En élargissant ainsi le cercle des clubs en lice, il a permis à sa ligue de profiter d’une couverture exceptionnelle dans des marchés importants.

Ce n’est pas tout : Bettman a profité de la pandémie pour conclure avec l’Association des joueurs une prolongation de la convention collective sans déclencher de lock-out, hélas une de ses marques de commerce. Il a remisé aux oubliettes un principe qu’il disait avoir à cœur (ne pas interrompre le calendrier) en donnant son aval à la participation des joueurs aux Jeux olympiques. On appelle ça du pragmatisme.

Grand promoteur du hockey aux États-Unis, et ayant trop souvent regardé de haut les plus modestes marchés canadiens, Bettman a aussi eu le flair de choisir le Canada pour relancer la saison du circuit. Cela a favorisé le respect des mesures sanitaires en ces temps covidiens.

À moins d’une malchance de dernière minute, la Coupe Stanley sera attribuée cet automne au terme de séries éliminatoires excitantes, qui respectent la riche tradition de la LNH.

Qui aurait parié là-dessus en avril dernier, quand on a tous compris que le confinement serait long et pénible ?

NBA : Adam Silver

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Adam Silver, commissaire de la National Basketball Association

Note : A

Ce qui est vrai pour Gary Bettman l’est aussi en grande partie pour Adam Silver. Mais des distinctions s’imposent.

D’une part, le commissaire de la National Basketball Association (NBA) a profité d’un atout : en plein été, il est plus « normal » de jouer au basketball qu’au hockey. Ainsi, aux Jeux olympiques, c’est durant les Jeux d’été que le tournoi est présenté, et personne ne s’en formalise.

En revanche, Silver a été confronté à une crise dans la crise. Les évènements de Kenosha, au Wisconsin, où un policier blanc a criblé de balles dans le dos Jacob Blake, un jeune homme noir, ont résonné très fort chez les joueurs de la NBA. Ils ont été les premiers à boycotter des matchs. Et la possibilité de mettre un terme immédiat à la saison a été envisagée.

Silver, dont l’engagement social ne fait aucun doute, a contribué à trouver une solution. Il a été à l’écoute des joueurs et ceux-ci ont pu utiliser leur tribune pour exprimer leur colère et leur espoir d’un monde meilleur. La NBA a ainsi montré une belle solidarité, surtout face aux nombreuses insultes proférées contre la ligue par le président des États-Unis.

MLS : Don Garber

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Don Garber, commissaire de la Major League Soccer

Note : B

Le tournoi « MLS is Back » a commencé sous de mauvais auspices en juillet dernier. Deux équipes en ont été exclues en raison de cas de COVID-19. Au moment où le projet semblait déraper, une accalmie est survenue et les matchs ont été présentés.

Le commissaire de la Major League Soccer (MLS) a ainsi remporté son pari. Cela a redoré son blason après le renouvellement acrimonieux de la convention collective, un processus ayant laissé de nombreux joueurs amers. Un accord a été conclu, mais les dirigeants du circuit ont tiré avantage de la pandémie pour imposer leur volonté. Cela laissera inévitablement des traces.

Dans de nombreux marchés, le tournoi n’a pas eu le retentissement espéré. Mais au moins, les activités ont repris. Et un plan est maintenant en place pour la tenue des séries éliminatoires.

MLB : Rob Manfred

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Rob Manfred, commissaire de la Major League Baseball

Note : C

En ces temps où le modèle d’affaires du sport professionnel est bousculé, une collaboration saine entre les dirigeants d’un circuit et les joueurs est essentielle. La LNH l’a compris. Au baseball, les relations entre les deux parties se sont plutôt envenimées.

Après d’interminables pourparlers, les deux parties ont été incapables de conclure un accord de retour au travail. Le commissaire a donc imposé son plan. Cela n’annonce rien de bon en vue du renouvellement de la convention collective à l’issue de la saison 2021. La méfiance caractérise les relations entre les deux parties.

Le Baseball majeur a aussi écarté le concept de « bulle » pour démarrer sa saison. Étant donné qu’il s’agit de matchs de saison et non pas des séries éliminatoires, cette décision était la plus commode. Mais les risques de dérapage étaient évidents. Il ne faut donc pas s’étonner du grand nombre de rencontres reportées en raison de cas de COVID-19.

Pour l’instant, le Baseball majeur se tire d’affaire et poursuit sa saison. Mais la manière dont Manfred a négocié avec les joueurs et communiqué avec le public ne passera pas à l’histoire.

NFL : Roger Goodell

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Roger Goodell, commissaire de la National Football League

Note : D

Si un prix devait être remis au commissaire le plus mêlé du sport professionnel, Roger Goodell le remporterait haut la main. Quatre ans après les actions de Colin Kaepernick pour dénoncer la violence policière à l’endroit des Afro-Américains, il demeure incapable de composer correctement avec la situation.

Cet été, après la mort de George Floyd au Minnesota, plusieurs jeunes vedettes de la National Football League (NFL) l’ont mis au défi, dans une vidéo percutante, de prononcer les mots « Black Lives Matter ». Goodell l’a fait le lendemain, au moment où il n’avait plus le choix. Et il est franchement pitoyable de l’entendre dire que la NFL a eu besoin de temps pour bien comprendre le sens du message de Kaepernick.

Pour l’instant, les dirigeants de la NFL appuient les revendications des joueurs en matière d’équité sociale. Mais suis-je le seul à penser qu’une série de tweets vengeurs de Donald Trump suffirait à les faire reculer, comme ce fut malheureusement le cas dans le passé ?

LCF : Randy Ambrosie

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Randy Ambrosie, commissaire de la Ligue canadienne de football

Note : E

Beaucoup d’espoir reposait sur les épaules de Randy Ambrosie lorsqu’il a été nommé commissaire de la Ligue canadienne de football (LCF) en juillet 2017. Aujourd’hui, la déception est vive.

Inutile de revenir sur la manière déplorable dont a été menée la vente des Alouettes. Tout au long du processus, les fans ont été tenus dans l’ignorance comme s’ils n’étaient pas une composante essentielle de l’équation.

La pandémie a cependant fourni l’occasion à Ambrosie de redorer son blason. Sauver la saison de sa ligue aurait été une belle réussite. Il en a été incapable, multipliant les gaffes.

Comment oublier cette première demande d’aide au gouvernement fédéral, une somme hallucinante de 150 millions ? Ambrosie a plus tard expliqué qu’il ne s’agissait pas de la somme réelle, mais le mal était fait. La LCF a perdu le ballon dès ce moment. Et elle a été incapable de le recouvrer.

La LCF tentera de reprendre du tonus en 2021. Mais si Ambrosie est toujours aux commandes, elle souffrira malheureusement d’un problème de crédibilité.