Quelques jours après son retour de Doha, où il a obtenu une 14e place aux Championnats du monde d’athlétisme, le marcheur Mathieu Bilodeau ressentait encore un petit mal de tête.

Est-ce la conséquence des deux longs vols entre le Qatar et le Canada ? Du décalage horaire ? De la fatigue après une épreuve de 50 km disputée dans des « conditions extrêmes » ? Un peu de tout ça, même si la dernière option pèse forcément très lourd dans la balance.

« Ce qui est sûr, c’est que je ne me sens pas comme d’habitude. J’ai creusé dans mes réserves et après la course, je me suis dit que ça allait me prendre du temps pour récupérer. Mais j’ai prouvé que j’avais ma place parmi les meilleurs au monde », dit-il sur son expérience dans la péninsule arabique.

Le Québécois de 35 ans, qui habite en Alberta, a donc vécu un décalage entre son excellente performance et des conditions à la limite du supportable. Comme lors du volet féminin du marathon, la température et la forte humidité ont décimé la compétition avec un taux d’abandon de près de 40 %.

Quand j'y repense, je ne sais pas comment j’ai fait pour finir.

Mathieu Bilodeau, qui a notamment souffert de maux d’estomac à cause d’une hydratation excessive

Pour s’adapter à la chaleur, Bilodeau a participé à un camp en Catalogne. Pas de chance, les températures qui ont tout juste dépassé les 20 degrés n’ont guère aidé à ce chapitre. À l’arrivée, à Doha, le choc a été terrible.

« C’est comme si j’entrais dans une fournaise. On a décidé de faire une marche le premier jour. J’avais 45 minutes à faire, mais j’ai coupé ça à 25. Rapidement, j’étais mouillé et mes souliers faisaient couic, couic, couic, répète-t-il. La deuxième journée, je n’ai même pas été capable de me rendre à 40 minutes. »

« Dès le début, on s’est demandé comment on allait faire pour finir. Au fil de la semaine, on s’est senti un petit peu mieux même si on a remarqué que l’humidité augmentait quand le soleil se couchait. »

C’est justement la nuit, à 23 h 30, que le départ de l’épreuve a été donné. Juste avant, il s’était plongé dans un bain glacé. À intervalles réguliers, il s’enroulait des bas de nylon, remplis de glaçons, autour du cou. Il changeait aussi sa casquette à chaque tour, en plus de s’arroser fréquemment avec de l’eau froide.

Malgré ces stratagèmes, il était clair que Bilodeau et les autres marcheurs n’allaient pas battre leurs records personnels ou atteindre le temps qualificatif (3 h 50 min) pour les Jeux olympiques de Tokyo. Le vainqueur, le Japonais Yusuke Suzuki, a franchi l’arrivée en 4 h 4 min tandis que Bilodeau a mis plus de 4 h 21 min.

PHOTO ALEKSANDRA SZMIGIEL, REUTERS

Mathieu Bilodeau a dû recevoir des soins médicaux après avoir franchi la ligne d’arrivée.

« Avec cette 14e place, je suis sur un nuage depuis quelques jours. J’ai eu beaucoup de tapes dans le dos et les gens d’Athlétisme Canada m’ont dit qu’ils ne m’avaient jamais vu performer comme ça. Ça me motive beaucoup pour la prochaine année, qui va être quand même très grosse avec les Jeux. Je me dis que, enfin, je peux rêver à un top 8 ou un top 5. »

Déception face à l’organisation

En plus des conditions incompatibles avec le sport de haut niveau, de nombreuses failles ont miné le séjour et la compétition des athlètes. « Un flop sur toute la ligne », tranche celui qui occupe le poste de comptable chez Deloitte.

Lors de son épreuve, Bilodeau a, par exemple, manqué d’eau vers le 30e kilomètre. À cela s’ajoutent des problèmes dans les transports, à l’hôtel, et le peu d’attention accordé par le public qatari. « On pensait tous vivre un très bon moment, mais ce n’était pas le cas du tout. On avait hâte de rentrer à la maison », souligne celui qui disputait ses troisièmes Championnats du monde.

Il a, justement, retrouvé son domicile mardi dernier. Le lendemain, il était déjà de retour au boulot. « Je n’étais pas le plus efficace cette semaine, mais je reprends le dessus. […] Maintenant, je prends un congé [de compétition] et je vais faire un gros bloc de travail pour ensuite me concentrer sur la qualification et les Jeux de Tokyo. »