À l’aube de ses premiers Championnats du monde, à Doha, Katherine Surin rêve d’abord de courir, d’atteindre des finales et, pourquoi pas, de monter sur le podium.

Katherine Surin n’est pas nerveuse à l’idée de disputer ses premiers Championnats du monde.

« Pour l’instant, j’ai vraiment confiance en mes habiletés et je pense que je peux bien performer », a assuré la coureuse montréalaise, jointe hier en fin de journée.

Arrivée de l’Espagne la veille, après un stage de préparation avec l’équipe canadienne, elle a pu sentir la chaleur et l’humidité accablantes de Doha, au Qatar, qui accueille ces 17es Mondiaux de l’IAAF du 27 septembre au 6 octobre. « Je n’ai jamais été témoin d’une température aussi extrême », a constaté Surin.

Les participantes au marathon, épreuve d’ouverture, risquent d’y goûter demain soir, même si le départ sera donné à… 23 h 59. Pour éviter le pire des conditions météo, toutes les courses sur route se dérouleront en pleine nuit.

Dans le Khalifa Memorial Stadium, dessiné par l’architecte Roger Taillibert en 1976 et rénové depuis à deux reprises, Surin et ses collègues auront droit à de la climatisation, malgré le toit ouvert. La jeune coureuse a foulé sa piste pour la première fois hier après-midi. « Le stade doit être à 22 °C. Je pense qu’il faisait plus que ça aujourd’hui. Il faisait chaud, mais ce n’était pas insupportable. »

À 23 ans, Surin est en pleine découverte. Contrairement à la grande majorité de ses coéquipiers, elle n’a jamais fait partie d’une équipe juvénile ou junior.

« J’étais un peu intimidée au camp en Espagne et ici, à Doha. Eux, ils savent un peu comment ça se passe. Moi, j’étais toute nouvelle. Je ne savais donc pas comment ça fonctionnait. Mais quand j’ai mis le pied dans le stade aujourd’hui, j’ai réalisé que j’avais vraiment ma place dans l’équipe. Que c’était le temps de prouver à tout le monde que, justement, je la mérite, ma place. »

Surin a assuré sa sélection en prenant le troisième rang du 400 m aux Championnats canadiens à Montréal, à la fin de juillet. Elle est l’une des six coureuses qui composent le groupe de relais 4 X 400 m et 4 X 400 m mixte. Pour l’heure, elle ne sait pas si elle sera choisie pour le relais mixte, qui fera ses débuts aux Jeux olympiques à Tokyo l’été prochain.

« Les coachs nous ont vues nous entraîner, ont regardé nos performances pendant l’année. Ils vont probablement décider le matin même qui va courir. D’ici là, notre travail est de nous assurer qu’on est encore en forme et prêtes à bien performer la journée du relais. »

La diplômée en économie de l’Université du Connecticut (UCONN) n’a pris part à aucune compétition depuis sa médaille de bronze à Montréal. Une pause de deux semaines lui a fait le plus grand bien après une longue saison dans la NCAA. « J’en avais vraiment besoin, tant mentalement que physiquement. »

Elle a renoué avec la piste à Sainte-Thérèse, sous la supervision de Nicolas Harel, son premier entraîneur au club Corsaire-Chaparral. Elle a poursuivi sa préparation au complexe sportif Claude-Robillard avec Marc-Élie Toussaint et Valéry Koménan, de Perfmax-Racing.

En Espagne, Surin a effectué un test de 350 m sous l’œil des entraîneurs nationaux, dont Charles Allen, responsable des relais 4 X 400 m. 

« Ça s’est relativement bien passé, a-t-elle jugé. J’ai couru le plus vite que j’ai pu. Ça aurait pu être mieux, il n’y a jamais rien de parfait, mais je suis quand même satisfaite de ma performance. »

Les préliminaires du relais mixte se tiendront samedi. Surin pense que les entraîneurs choisiront de préserver les deux athlètes appelées à s’aligner sur la distance individuelle à partir de lundi, ce qui pourrait la favoriser.

En mai, au Japon, le Canada a terminé deuxième du 4 X 400 m mixte et quatrième du 4 X 400 m féminin dans le cadre des Relais mondiaux de l’IAAF. Retenue par la finale de conférence avec UCONN, la Québécoise n’y a pas pris part.

« Notre équipe a juste continué de s’améliorer, a noté Surin. Je nous crois donc capables de monter sur le podium dans les deux épreuves. »

Ce serait tout un début pour la recrue.

32 ans après son père

Katherine Surin s’alignera à ses premiers Mondiaux plus de 30 ans après les débuts de son père Bruny. Un an avant sa participation aux Jeux olympiques de Séoul, ce dernier a pris part au saut en longueur des Championnats du monde de Rome, en 1987. Impressionné par la présence de son idole Carl Lewis, il avait mordu à ses deux premiers essais et passé tout droit au dernier. « À la suite de ma performance, Pierre Foglia, le chroniqueur de La Presse, m’a traité de touriste, et si nous en avons bien ri des années plus tard, je ne l’ai pas trouvé très drôle sur le moment », a-t-il raconté dans sa biographie, Le lion tranquille, écrite par Saïd Khalil. Retenu par des engagements au Québec, le champion olympique ne pourra assister au baptême de sa cadette au Qatar.

PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les Canadiens Andre De Grasse, Brendon Rodney et Aaron Brown 

À suivre aux Mondiaux

À quoi s’attendre de ce premier grand rendez-vous en plein air de l’ère post-Usain Bolt ? Tour d’horizon avec notre journaliste.

Un retour en force pour le Canada ?

Blanchie à Londres en 2017, où plusieurs athlètes avaient souffert d’un virus intestinal, l’équipe canadienne voudra renouer avec son élan des Jeux de Rio (six médailles, dont l’or à la hauteur pour Derek Drouin, aujourd’hui blessé). Lui aussi ralenti par des ennuis physiques depuis deux ans, le triple médaillé olympique Andre De Grasse tentera de retrouver sa place dans le gratin du sprint mondial. Aaron Brown, son tombeur aux derniers championnats nationaux, cherchera à prendre la sienne. Damian Warner, deuxième mondial, est une valeur sûre au décathlon. Finaliste à Londres, Brandon McBride a fini troisième du 800 m aux finales de la Ligue de diamant, à la fin d’août. Quatrième à Rio, Mohammed Ahmed, premier Canadien de l’histoire sous les 13 minutes sur 5000 m, s’annonce comme un rival aux Africains sur les longues distances. Alysha Newman, qui vient d’enregistrer deux records nationaux et de gagner le bronze aux finales de la Ligue de diamant, peut viser le podium. Même chose pour la lanceuse de poids Brittany Crew. Les relais mixte et féminin 4 X 400 m seront aussi à suivre.

Timide représentation québécoise

En l’absence du demi-fondeur Charles Philibert-Thiboutot, qui se remet d’une blessure à un pied, la représentation québécoise est bien timide au sein de l’équipe canadienne de 52 athlètes (27 femmes et 25 hommes). En plus de la recrue Katherine Surin et de la marathonienne Melanie Myrand, qui lancera le bal demain, Aiyanna Stiverne est l’autre représentante de la province. Fille d’un joueur de football montréalais, la spécialiste du 400 m, qui s’alignera aussi dans les relais, est née et a grandi en Floride. Sinon, le marcheur Mathieu Bilodeau, qui visera le top 30 au 50 km samedi soir, est un comptable qui vit à Calgary, mais il est originaire du Québec. Fait à noter, aucun Québécois – à une exception près – ne fait partie de l’équipe d’entraîneurs et du personnel de soutien.

Qui succédera à Bolt ?

Qui prendra la relève d’Usain Bolt, battu par l’Américain Justin Gatlin sur sa dernière ligne droite, il y a deux ans à Londres ? Réponse dès samedi lors de la finale du 100 m, qui s’annonce ouverte. Christian Coleman, au septième rang de l’histoire en 9,79 s, est le favori des pronostiqueurs. L’Américain de 23 ans a échappé à une suspension sur un détail réglementaire après trois manquements avérés de localisation pour un contrôle antidopage. Lui-même suspendu à deux reprises durant sa carrière, le champion olympique Gatlin est toujours là à 37 ans (9,87 s cette saison), mais sa santé soulève des questions. Andre De Grasse a toujours brillé sous pression et ses prestations récentes (9,97 s à Berlin au début du mois) laissent voir une montée en puissance. L’Américain Noah Lyles aurait pu tous les chauffer, mais il a choisi de se concentrer sur le 200 m, où il sera l’hyper favori. Du côté féminin, les Jamaïcaines Elaine Thompson et Shelly-Ann Fraser-Pryce sont nez à nez, avec des meilleurs temps de 10,73 s cette saison. La Britannique Dina Asher-Smith, triple championne européenne, peut-elle se mêler à ce duel ? Réponse dimanche.

PHOTO MARK SCHIEFELBEIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Caster Semenya

Sans Semenya

Caster Semenya brillera par son absence à Doha. Déboutée par la justice suisse en juillet, la coureuse sud-africaine n’est pas parvenue à faire infirmer une décision du Tribunal arbitral du sport. Un nouveau règlement de la fédération internationale, qui s’applique sur les distances de 400 m au mile, oblige les athlètes hyperandrogènes comme elle à se soumettre à un traitement hormonal pour réduire leur niveau de testostérone. Lasse de ce combat qui dure depuis une décennie, Semenya, tenante du titre et double championne olympique sur 800 m, a dévoilé son intention de se convertir au soccer. Quatrième à Rio, la Canadienne Melissa Bishop-Nriagu a mis un terme à sa saison à la fin d’août, jugeant être revenue trop tôt à l’athlétisme après la naissance de sa fille l’an dernier.

Ni les Russes

En début de semaine, le Conseil de l’IAAF a reconduit sans surprise la suspension de la Russie, en vigueur depuis novembre 2015 et le scandale des Jeux d’hiver de Sotchi. L’Agence mondiale antidopage soupçonne les autorités russes d’avoir manipulé les données du laboratoire de Moscou, obtenues après des mois de pression, apprenait-on au même moment. Un total de 29 athlètes russes, considérés comme au-dessus de tout soupçon, pourront concourir sous bannière neutre.

Des records vont-ils tomber ?

Noah Lyles peut-il faire tomber le record de Bolt au 200 m ? L’Américain de 22 ans, dont le tempérament se compare un peu à celui du Jamaïcain, a produit un temps de 19,50 s en juillet à Lausanne, s’installant au quatrième rang de l’histoire derrière son légendaire compatriote Michael Johnson. La marque de Bolt : 19,19 s… Le record du triple saut du Britannique Jonathan Edwards (18,29 m) tient depuis 1995, mais les Américains Christian Taylor et Will Claye (18,14 m en juin) s’en sont approchés. L’Américaine Dalilah Muhammad a battu le record au 400 m haies plus tôt cette saison. La championne olympique peut-elle rééditer l’exploit ? Dans la même épreuve, le Norvégien Karsten Warholm a raté la référence historique par moins de deux dixièmes plus tôt cette année. Parlant de records, l’Américaine Allyson Felix, déjà de retour après la naissance de son premier enfant en novembre, tentera de remporter une 17e médaille mondiale en prenant part au relais 4 X 400 m. Belle occasion pour Katherine Surin de croiser son idole.

Comment les regarder ?

Les 17es Championnats du monde de Doha se dérouleront selon un nouveau format. Exit les séances matinales au profit d’un seul programme quotidien débutant en fin d’après-midi, heure locale (généralement à partir de 9 h 30, heure de Montréal). Radio-Canada diffusera l’intégralité des compétitions sur l’internet, avec commentaires et analyses. Idem du côté de la CBC, qui télédiffusera également des épreuves les week-ends du 28 et 29 septembre et 5 et 6 octobre (15 h et 14 h).