Un cougar rôdait dans les environs d’East Hereford. C’est du moins ce que laissait entendre un message publié sur la page Facebook d’un groupe de chasseurs et de pêcheurs des Cantons-de-l’Est, il y a quelques semaines. Il y avait même une photo de l’animal, bien visible à travers la végétation.

La nouvelle a fait sensation dans le milieu. En moins de quelques heures, le message a été relayé sur plusieurs autres pages Facebook consacrées à la chasse ou à la randonnée pédestre.

Il y avait cependant des sceptiques, comme Annie Legault, passionnée des forêts, ornithologue, mycologue et chasseuse à ses heures, qui a suivi un cours d’agent de conservation de la faune. Avec l’aide d’autres amateurs de plein air, elle a révélé qu’il s’agissait d’un canular. La photo provenait d’un message sur la page Facebook de l’Agence de contrôle de la faune et des pêches de l’Alberta.

« J’aimerais tellement que ça soit vrai, dit en soupirant Mme Legault. Le sujet revient chaque année sur les pages de chasseurs et de trappeurs, mais il n’y a jamais de pistes, jamais de photos. »

Il était important pour elle de démontrer qu’il s’agissait carrément d’une fausse information.

« Certaines personnes deviennent craintives en lisant cela », fait-elle valoir.

Au fond d’elle-même, elle croit qu’il y a encore quelques cougars au Québec.

Mais c’est tellement un animal mystérieux et craintif, il se tient loin des humains. Et c’est mieux comme ça ! Car le jour où j’en verrai un, je ne le dirai pas, de peur que les braconniers aillent le traquer.

Annie Legault, passionnée des forêts, ornithologue, mycologue et chasseuse

Le cougar suscite la fascination et la question de sa présence au Québec revient à intervalles réguliers.

« Il n’y a rien d’impossible, mais les preuves formelles directes se font attendre, indique Claude Dussault, biologiste spécialiste de la grande faune au ministère québécois des Forêts, de la Faune et des Parcs. S’il y en a, elles sont anecdotiques. Ce serait très étonnant qu’il y ait une population viable. »

Entre 1995 et 2005, il y aurait eu 1061 observations de cougars dans la province.

Or, les gens se trompent souvent, affirme M. Dussault. Lorsqu’on leur signale un cougar, les biologistes du Ministère prennent la chose au sérieux et font des vérifications, pour conclure la plupart du temps qu’il s’agit d’une autre bête.

Ça ne veut pas dire que tous se trompent : des habitués de la faune et de la forêt, comme des trappeurs d’expérience, jurent avoir vu des cougars.

Au Ministère, on admet que des individus isolés ont pu être de passage sur le territoire québécois puisque ces félins peuvent parcourir des milliers de kilomètres en peu de temps. En outre, il y a déjà eu des cas d’évasion de bêtes qui étaient dans des jardins zoologiques ou en captivité illégale.

Il y a des gens qui ont pris des photos, mais c’est un peu comme pour les ovnis, c’est toujours flou. Il est impossible d’identifier ce que c’est.

Claude Dussault, biologiste

Au cours des années, on a quand même pu mettre la main sur certains spécimens au Québec : un mâle tué en mai 1992, un cougar percuté par un camion en 1996 et un autre tué par une automobile en septembre 2002.

En septembre 2013, des chercheurs québécois ont publié une étude dans Northeastern Naturalist qui semblait confirmer la présence de cougars au Québec, plus précisément au parc national de Forillon, au parc provincial de Frontenac et en Montérégie.

Toutefois, ils ont été incapables de conclure s’il s’agissait de descendants de la population originale de cougars de l’Est ou s’il s’agissait de bêtes qui avaient parcouru de longues distances depuis l’ouest du continent ou le Sud (la Floride, notamment), ou encore s’il s’agissait d’animaux qui s’étaient échappés.

Les chercheurs, Le Duing Lang, Nathalie Tessier, Marc Gauthier, Renee Wissink, Hélène Jolicoeur et François-Joseph Lapointe, ont d’abord établi qu’il n’y avait pas vraiment de différence génétique entre les cougars de l’ouest et du sud de l’Amérique du Nord et ceux du Nord-Est. Par contre, il y a des différences entre ces populations et celles d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud.

Pour sonder les forêts québécoises, les chercheurs ont placé 38 poteaux à gratter, imprégnés d’urine de cougar, dans les parcs de Forillon, de Frontenac, de la Mauricie, de la Gaspésie et du Mont-Tremblant, ainsi qu’en Estrie et en Montérégie. Deux des poteaux ont été placés au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Entre 2001 et 2012, ils ont relevé 476 échantillons de poils. Ils ont déterminé que 19 d’entre eux provenaient de cougars, soit 10 de type nord-américain et 6 de type sud-américain ou d’Amérique centrale. Les trois autres échantillons n’étaient pas assez complets pour permettre de déterminer l’origine de leurs propriétaires.

M. Dussault s’interroge au sujet des résultats de cette étude.

« Malgré tous les efforts investis pendant et après cette période, on n’a toujours pas de preuve physique. Et pourtant, il y a des caméras de surveillance comme jamais auparavant. »

Les biologistes ont notamment installé des caméras là où on avait mentionné la présence de cougars, sans succès. On mène actuellement un projet sur d’autres espèces qui implique l’utilisation de 350 caméras en Gaspésie, sur la Côte-Nord et dans Charlevoix.

« On voit des photos de lynx, d’orignaux, de caribous, d’ours, de loups, de renards, d’oiseaux, même d’humains, mais du cougar, on n’en a pas. »

Au Québec, le cougar demeure sur la liste des espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables puisque quelques signalements sont consignés chaque année.

« Mais la probabilité d’en rencontrer est extrêmement faible », affirme M. Dussault.

PRÉCISION 
La dernière rubrique, « La rivière Bazin libérée », peut avoir laissé l’impression qu’Hydro-Québec n’avait pas informé les canoteurs au sujet de son projet de démantèlement de barrage. Dans les faits, la société de la Couronne a communiqué dès le début avec la Fédération québécoise du canot et du kayak et a mis des mesures en place pour que les activités de canotage se poursuivent.