(Le Bourget) « Vive l’Ukraine, pour la beauté » : Demna, le créateur géorgien de Balenciaga et lui-même réfugié d’une guerre avec la Russie, a rendu dimanche un vibrant hommage à l’Ukraine lors de la Semaine de la Mode à Paris.  

Des T-shirts bleu et jaune étaient posés sur chaque siège avec une note de défilé signée par Demna, expliquant pourquoi il avait maintenu l’évènement en ces temps où « la mode perd son droit d’exister » et « la Fashion week semble absurde ».

« Vive l’Ukraine, pour la beauté, la force, la vérité, la liberté » : en ukrainien, Demna, 40 ans, a récité une poésie du poète Oleksandr Oles datant de 1917, au début et à la fin de son défilé au Bourget, près de Paris.  

« C’est la première fois de ma vie où je me sentais bien en lisant un poème. La mode n’a pas d’importance pour moi en ce moment », a-t-il déclaré à la presse en coulisses, au son d’une chanson populaire ukrainienne Je ne me rendrai pas sans me battre.

Les mannequins femmes et hommes, séparés du public par les parois transparentes d’un pavillon du parc des expositions du Bourget ont défilé en cercle sous les flocons et bravant le vent. Sur une épaisse neige, ils marchaient d’une allure saccadée, en posant bien le pied pour ne pas glisser.

« C’est moi il y a 30 ans »

De l’autre côté de la paroi, il faisait très froid en attendant le défilé qui a commencé – comme bien souvent dans la mode – avec du retard. Des spectateurs ont alors revêtu les T-shirts ukrainiens.

Des tenues noires et des sacs à main évoquant des sacs-poubelle ont ouvert le défilé. Certains hommes étaient à moitié nus, portant des boxers et des baskets, les jambes non couvertes, extrêmement vulnérables sous la neige.  

« C’est délibéré. Je me voyais moi-même qui marchais et me cachais dans des abris il y a 30 ans, comme ces fillettes et garçons ukrainiens de 10 ans avec leurs parents qui ne savent pas ce qui leur tombera dessus », a-t-il confié.

Demna Gvasalia, qui a récemment abandonné son nom de famille pour ses représentations dans la mode, est né à Soukhoumi, en Abkhazie, région de la Géorgie, alors république soviétique. Dans les années 1990, après la chute de l’URSS, il a fui avec sa famille le « nettoyage ethnique » de Géorgie par les séparatistes abkhazes prorusses soutenus par Moscou.

Lors de son périple, la famille avait fait une étape en Ukraine.

« La guerre en Ukraine a réveillé la douleur et les traumatismes que j’avais en moi depuis 1993, lorsque la même chose est arrivée dans mon pays natal et que je suis devenu un réfugié pour toujours », a écrit Demna.

« Chanceux de travailler en paix »

« J’ai pensé par moments à annuler le spectacle pour lequel moi et mes équipes avons travaillé dur […] Mais je me suis rendu compte qu’annuler le défilé reviendrait à se rendre, à se résigner face au mal qui m’a déjà tellement blessé pendant près de 30 ans ».

Un homme en total look jaune et une femme en robe bleue aérienne et traîne ont clos le défilé.

Dans le milieu de la mode, qui évoque généralement le contexte dans des termes édulcorés, Demna a été le premier à dénoncer l’« agression russe contre l’Ukraine » et à mettre le drapeau ukrainien sur Instagram.

Il a fait un don au PAM (Programme alimentaire mondial de l’ONU) pour soutenir la première aide humanitaire aux réfugiés ukrainiens.

« Nous ne devons jamais oublier à quel point vous avons de la chance de vivre et d’exercer notre métier en paix. Aidons ceux qui ne le peuvent pas », a renchéri plus tard dans la soirée la maison Givenchy.

Pour son défilé, la salle Défense Arena de Nanterre, près de Paris, avait revêtu les couleurs bleu et jaune du drapeau ukrainien. Une affiche invitait les spectateurs à suivre l’exemple de la marque du luxe en faisant des dons à la Croix rouge Ukraine.  

Sweatshirts à capuche et jeans large, la collection mixte de Givenchy, conçue par le styliste américain Matthew Williams, a pris des accents « streetweat » ponctués par quelques pièces habillées, comme des robes noires brillantes ou petites robes bleue et orange à volants.  

Le tout porté avec des cuissardes moulantes.