C’est ce soir qu’aura lieu le très attendu et glamour Met Gala, à New York, où la crème du gratin artistique américain – acteurs, chanteurs, designers, mannequins – foulera le tapis rouge. Regard sur un événement qui a réussi à imposer son modèle de collecte de fonds et qui fait vibrer la planète mode chaque année.

C’est quoi ?

Le Met Gala est organisé tous les premiers lundis de mai afin d’amasser des fonds pour le Costume Institute du Metropolitan Museum of Art (dit le « Met »), à New York, et souligner du même coup l’ouverture de son exposition annuelle, cette année intitulée Camp : Notes on Fashion.

C’est au cours des années 70 que le gala, lancé en 1948, se déplace à l’intérieur des murs du musée et que les thématiques sont introduites, incitant les invités à choisir leur tenue en fonction de l’exposition du moment. Depuis 1995, le gala est présidé par Anna Wintour, célèbre rédactrice en chef du magazine Vogue. Cette dernière s’occupe personnellement de la liste très sélecte d’invités, qui comprend quelque 500 personnes qui déboursent chacune 30 000 $US pour fouler le tapis rouge de l’événement, auquel on fait souvent référence comme étant « le party de l’année » ou le « Super Bowl de la mode ».

Aujourd’hui, le Met Gala est considéré comme l’événement le plus exclusif de New York – tellement qu’il peut se permettre, depuis 2015, d’interdire les selfies à l’intérieur du musée ! Une règle que Kylie Jenner a bafouée en 2017 en prenant son désormais célèbre « selfie de salle de toilette » avec une pléthore de vedettes, dont ses sœurs Kendall et Kim, Brie Larson, Frank Ocean et A$AP Rocky.

Son influence sur les autres musées…

PHOTO CHARLES SYKES, ARCHIVES INVISION/ASSOCIATED PRESS

Katy Perry a fait tourner bien des têtes en arrivant vêtue d’immenses ailes en plumes, l’an dernier, pour l’exposition Heavenly Bodies : Fashion and the Catholic Imagination.

Avec le succès qu’il connaît, le Met Gala incite assurément, de façon consciente ou pas, d’autres musées du monde à mettre la barre haut lorsqu’il est temps d’organiser leurs soirées de financement annuelles.

« Je crois que le modèle du Met Gala a certainement exercé une influence sur l’ensemble des musées nord-américains, pour lesquels le bal annuel demeure le principal événement de financement. Cette soirée est pour les musées et l’industrie de la mode ce que les Oscars sont pour le cinéma », remarque Thierry-Maxime Loriot, commissaire notamment de l’exposition Thierry Mugler : Couturissime, actuellement présentée au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).

À Montréal, le musée McCord, à la manière du Met, organise des bals liés à la thématique de son exposition estivale depuis environ cinq ans, explique sa présidente Suzanne Sauvage, comme celui tenu la semaine dernière autour de l’époque du Polaroid, où les invités devaient s’inspirer des années 60 et 70 pour leurs tenues. « C’est plus dynamique si on lie le bal à une exposition », croit-elle. L’exposition Le projet Polaroid sera présentée du 13 juin au 15 septembre. 

« Les gens qui fréquentent les bals en font tellement qu’il faut se distinguer », ajoute Danielle Champagne, de la fondation du MBAM, responsable du bal depuis 18 ans. Elle a apporté des changements à l’événement qui lui ont permis de tripler les profits nets générés par le bal, à 1,5 million de dollars. 

Depuis quatre ans, un « virage » a été entrepris pour faire en sorte que les invités se « sentent vraiment dans un musée » et ajouter une dimension très artistique au bal. Ainsi, le bal Nuit Couture, en 2018, mettait de l’avant le travail des designers de mode d’ici. Le succès a été tel qu’il a poussé le MBAM à créer une exposition, Montréal Couture, une première.

… et sur la mode

PHOTO TIRÉE D’INSTAGRAM

Le fameux selfie pris par Kylie Jenner en 2017 dans les toilettes du Met

Grâce à ses invités sélects et à ses thématiques liées à la mode, le Met Gala est suivi de près par ceux qui s’intéressent aux tendances. « Ce gala fait preuve de beaucoup d’audace et a un bien plus grand impact sur la mode que les Oscars, tellement enracinés dans une certaine perception du glamour hollywoodien », analyse Madeleine Goubau, chargée de cours à l’École supérieure de mode (ESM) de l’UQAM. 

« Le Met Gala est LE rendez-vous de l’industrie de la mode et attire un public beaucoup plus niché et avide de tendances, d’exubérances et de tenues dignes des défilés moins commerciaux. »

La thématique même de l’exposition devient parfois un indicateur d’une tendance émergente qui prendra de l’ampleur grâce à la visibilité dont jouit le Met Gala. Un article publié dans le Vogue il y a quelques jours rappelle la résurgence des robes et vestes en soie après l’exposition sur la Chine en 2015, et le retour du « gothique romantique » à la suite du gala de l’an dernier tenu sur le thème Heavenly Bodies : Fashion and the Catholic Imagination. Ce devrait être également le cas, cette année, avec la thématique Camp : Notes on Fashion.

Le camp, le quoi ?

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le bal Nuit Couture au MBAM, l’automne dernier, célébrait neuf designers montréalais et leurs créations.

C’est la question que la majorité des gens se sont posée lorsque l’exposition annuelle du Met a été annoncée. Camp : Notes on Fashion s’intéresse à l’esthétique « camp » et à son expression à travers la mode, un thème inspiré par l’essai Notes on Camp de Susan Sontag, publié en 1964.

On pourrait résumer l’esthétique camp (qui n’a rien à voir avec le camping !) comme « l’amour pour l’exagéré », ainsi que le dit Sontag – entre autres choses – dans son essai. « Le camp, c’est rire du mauvais goût, et apprécier les choses de mauvais goût », propose Milan Tanedjikov, chargé de cours en mode au Collège LaSalle et à l’ESM de l’UQAM. Pensez ironie, parodie, pastiche, théâtralité, excès, extravagance et artifice. Une combinaison rêvée pour un tapis rouge attendu avec fébrilité par les fashionistas de ce monde, et c’est un euphémisme.

Tentaculaire, le camp a plusieurs couches de sens : on distingue même le camp « authentique » du fabriqué, et les fervents de ce style en pincent surtout pour les « vrais ». Des exemples ? Cher, Britney Spears ou même Céline Dion ! Mais le camp est aussi une esthétique qu’on peut fabriquer intentionnellement, et plusieurs designers en reprennent les codes, comme Gucci ou Jeremy Scott. « Le camp, c’est exagérer quelque chose de mauvais goût, et le rendre cool. C’est aussi une célébration du côté frivole de la mode », conclut M. Tanedjikov.

Des thématiques inspirantes

Les thématiques du gala font écho au sujet de l’exposition annuelle. Toujours liées à la mode, les expositions font la lumière sur des périodes historiques, des genres spécifiques ou des designers. Voici quelques exemples des dernières années : 

• 2018 : Corps angéliques : mode et imagination catholique

• 2017 : Rei Kawakubo & Comme des Garçons : l’art de l’entre-deux

• 2016 : Manus x Machina : la mode à l’ère de la technologie

• 2015 : Chine : à travers le miroir

• 2013 : Punk : chaos la couture

• 2011 : Alexander McQueen : beauté sauvage

• 2009 : De mannequin à muse : incarnation de la mode