Une fois par mois, La Presse, inspirée par le « Questionnaire de Socrate » du magazine Philosophie, interroge une personnalité sur les grandes questions de la vie. Ce dimanche, la pianiste et compositrice Alexandra Stréliski, dont la tournée se poursuit partout au Québec et qui présentera son spectacle en version orchestrale à la Maison symphonique pendant le Festival de jazz, répond à nos questions.

Qui suis-je ?

Je suis une petite pianiste frisée qui joue son âme dans un piano et qui a finalement osé monter sur scène pour la partager avec les autres.

Sommes-nous libres ?

Nous sommes libres si nous en avons les moyens, mais la majorité d’entre nous doit lutter pour ses besoins primaires. Je dirais que nous avons la liberté bien relative et inégale.

Que retenez-vous de votre éducation ?

L’amour, le respect et l’ouverture sur le monde.

Un penseur/philosophe/auteur qui vous accompagne depuis longtemps ?

Une des premières phrases qui m’ait marquée à l’adolescence fut : « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien » de Socrate. D’ores et déjà, je trouvais ça rassurant que l’intelligence puisse se loger dans le doute plutôt que dans la certitude. J’aime aussi la posture d’humilité derrière cette pensée. Avec le temps qui passe, je réalise que je me méfie des gens qui se campent dans une position trop arrêtée ou de ceux qui se pavanent avec leurs connaissances. Plus je vieillis, plus j’apprécie la nuance, la diversité de points de vue, et la curiosité.

Qu’est-ce qui tourmente votre conscience ?

La nature éphémère de la vie. À 6 ans, j’ai demandé à mes parents : « Maman, si tout le monde meurt un jour, est-ce que ça vaut quand même la peine d’aimer ? » Et ça résume bien mon existentialisme. Je crois que perdre l’amour est ma plus grande peur. Perdre les gens que j’aime, bien sûr, mais aussi perdre l’amour en général. Celui qui nous fait avancer, qui nous inspire, qui nous fait grandir et qui nous fait créer. J’ai le souci qu’un jour, l’inspiration s’en aille. Tout simplement. D’un coup. Garder mon cœur ouvert malgré ce risque est un de mes grands défis.

La chose la plus surprenante que vous avez faite par amour ?

J’ai déménagé aux Pays-Bas six mois par année.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandra Stréliski

Le lieu ou l’état d’esprit parfait ?

Quand je joue du piano, je rentre dans une sorte de transe qui s’apparente à l’état qu’on touche lorsqu’on médite pendant longtemps. Il y a une sorte d’amour universel et de lâcher-prise qui s’y loge. C’est très agréable.

Un avantage d’être égoïste ?

Je dirais pour bien s’occuper de nos propres besoins et ne pas domper notre bagage émotionnel et nos traumas sur les autres. Apprendre à s’observer pour se responsabiliser. Je trouve que nous faisons trop souvent de la projection sur les autres sans nous en rendre compte.

Une qualité que vous n’aurez jamais ?

Je ne suis pas la plus patiente. Je dois souvent me rappeler que le processus est plus important que le résultat.

Un rêve ou un cauchemar récurrent ?

J’ai longtemps rêvé que je mourais dans un crash d’avion. Si jamais ça m’arrive, vous pourrez ressortir cet article et vous dire que je l’avais vu venir. Haha !

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandra Stréliski

Votre démon ?

Sur scène, notre pire ennemi est notre propre ego. Si on s’observe trop, on peut trébucher. Il faut cultiver le lâcher-prise et faire confiance que le corps et l’âme vont faire leur travail tout seuls. Une belle analogie pour la vie, je trouve.

Un lieu parfait pour rêver, créer ?

Un lieu calme, avec de grandes fenêtres d’où l’on peut voir la montagne et la mer, avec des torrents de pluie ponctuels et du vent qui souffle dans des feuilles d’arbres.

Une belle mort, selon vous ?

Entourés de ceux et celles que nous aurons aimés de tout notre être.

Ce qui vous fâche dans la vie ?

Les gens qui ne sont pas conscients des autres, qui n’ont pas d’écoute, ou qui ne sont pas conscients de leur privilège.

Complétez la phrase : Si Dieu existe…

Si Dieu existe, dites-lui de confisquer les épées et les fusils.