Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Le métro de Montréal fait souvent jaser pour ses pannes et son manque de financement public. Or, il assure près de 800 000 déplacements chaque jour, grâce aux 380 opérateurs qui ont la chance de mener les passagers d’un bout à l’autre des quatre lignes s’étirant sur 71 kilomètres.

On parle de « chance », car ils sont les seuls au Québec à exercer ce métier qui ne se pratique pas du jour au lendemain à la Société de transport de Montréal (STM). Une fois par année, des postes s’ouvrent et sont attribués par ancienneté à ceux qui sont déjà chauffeur ou chauffeuse d’autobus.

« C’est la plus belle job », lance Mario Bellerose, en formation au Complexe Crémazie. « J’ai été chauffeur d’autobus, mais un train, c’est gratifiant et passionnant. Je retourne presque en enfance. »

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Mario Bellerose est en formation pour devenir opérateur de métro.

« C’est une histoire de famille », ajoute celui qui a hâte de devenir opérateur de métro comme son frère et qui est le fils d’un ancien chef d’opération.

40 jours de formation

Toute la formation de la STM se fait au Complexe Crémazie, où on trouvent aussi des bureaux et une usine de fabrication. Chauffeurs et opérateurs y sont formés, mais aussi les préposés à l’entretien et les agents de station.

Employé de la STM depuis 2008, François Rouleau a conduit des autobus, puis des métros et le voilà agent de formation. « C’est une histoire de famille, souligne-t-il lui aussi. Mon oncle et mon grand-père travaillaient pour la Société de transport de Montréal. »

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François Rouleau dans un des locaux de formation

Le programme de formation pour opérer un métro dure 40 jours. C’est à la fois théorique et pratique avec du compagnonnage avec des opérateurs d’expérience. Les apprentis passent aussi quelques jours au Centre de formation souterrain en prévention des incendies (CFSPI), près de la station Henri-Bourrassa, qui réplique une portion du métro avec un train. « Cette installation permet de simuler des interventions d’urgence », résume François Rouleau.

Au Complexe Crémazie, un simulateur de conduite de train Azur (que nous avons essayé !) permet aux apprentis opérateurs de vivre certaines situations stressantes sans conséquences réelles : frein de secours actionné, dégagement de fumée, etc.

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Le simulateur de conduite de train Azur

La conduite des trains Azur est automatique, mais le premier trajet du matin doit se faire de façon manuelle. Les anciennes voitures MR-73 toujours en service peuvent aussi s’opérer en mode automatique, sauf sur la ligne jaune pour des raisons de confort.

Les futurs opérateurs de métro doivent également se préparer à être témoins de ce que la STM appelle des « tentatives de mort violente ». Tout un protocole est en place pour sécuriser les lieux et soutenir à la fois le personnel et la clientèle. « Nous ne sommes jamais seuls pendant un incident », indique François Rouleau, qui parle d’expérience.

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Notre journaliste dans le simulateur, appelé Réplique, d’un train Azur

Plusieurs fois par année, quand des évènements créent un fort achalandage dans le métro, d’anciens opérateurs sont appelés à reprendre du service. « J’ai travaillé au dernier festival Osheaga », indique François Rouleau, qui aime retourner sur le terrain.

Ce dernier a la STM tatouée sur le cœur. Il garde de précieux souvenirs de voyages en métro avec sa grand-mère depuis la station Monk, dans Ville-Émard. « Avec la voix de Judith Ouimet avant qu’elle ne soit remplacée par celle de Michèle Deslauriers. »

En formation, François Rouleau incite par ailleurs fortement les futurs opérateurs à s’adresser aux passagers au micro.

Il faut montrer qu’il y a un humain en avant.

François Rouleau, agent de formation à la STM

Ce n’est pas le cas dans le REM, automatique et sans conducteur.

Derrière chaque panne…

Samir Merabti nous attend à la station de métro Crémazie. Son titre : chef d’intervention. Du stress, il est capable d’en prendre, car il gère tous les imprévus qui mènent à des pannes, que ce soit des intrusions dans le tunnel ou l’utilisation de vaporisateurs de gaz poivre.

« Chaque minute de retard est répertoriée avec des rapports d’incident », précise celui qui est en contact direct avec les opérateurs et la tour de contrôle. Le public sous-estime le nombre d’objets qui tombent sur la voie, fait-il valoir. Les gens descendent parfois sur les rails pour récupérer leur téléphone intelligent échappé malencontreusement.

Samir Merabti peut opérer et déplacer des trains au besoin, que ce soit pour des situations graves ou des « urgences toilette ». Autant il gère du stress, autant il se doit aussi d’être rassurant.

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Le chef d’intervention Samir Merabti

C’est un privilège de travailler dans le métro. Beaucoup de gens travaillent dans l’ombre.

Samir Merabti, chef d’intervention à la STM

La sécurité est une priorité : même que l’emplacement de la salle de contrôle est top secret…

« Une autre vue »

« Ce n’est pas la même vue, hein ? », lance Anne Bertin.

Cerise sur le gâteau de notre reportage : un trajet en métro à bord de sa loge de conduite sur la ligne orange.

C’est un privilège de pouvoir opérer un train de métro. Nous sommes peu au Canada à le faire.

Anne Bertin, opératrice de métro à la STM

Anne Bertin a commencé son quart de travail à 5 h 04 et elle terminera à 11 h 40. À chaque bout de ligne, elle peut prendre une petite pause et se dégourdir les jambes.

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Anne Bertin est opératrice de métro depuis un an, après avoir été chauffeuse d’autobus pendant 16 ans et agente de station pendant quatre ans.

Jusqu’ici, la journée a été plutôt calme. On note seulement un arrêt de service de quelques minutes pour un problème au niveau d’une goulotte, soit le conduit permettant de canaliser les eaux hors du réseau.

Après avoir passé sous la rivière des Prairies, nous voilà déjà rendus dans un endroit où le public n’a pas accès, dans l’espace de la station Montmorency où les trains de métro repartent en sens inverse. Anne débarquera de sa loge de conduite et un collègue embarquera dans celle à l’autre extrémité du train.

Nous ne prendrons plus jamais le métro de la même façon !