Dans Admirable, Sophie Fontanel raconte sous forme de conte l’histoire d’Admira, la dernière femme ridée sur Terre. L’autrice et journaliste française a imaginé un monde sans rides, grâce à un médicament qui les fait disparaître. Après avoir traité d’abstinence sexuelle dans L’envie et du fait d’assumer ses cheveux blancs dans Une apparition, elle aborde cette fois la peur de vieillir. Entrevue.

Comment avez-vous eu l’idée de ce livre ?

Plusieurs fois, lors de dîners, je me suis rendu compte que j’étais moi-même la dernière femme ridée sur Terre ! Dans le milieu dans lequel j’évolue, que ce soit celui de la mode ou même en vacances à la plage, j’ai constaté qu’il y avait tellement de femmes refaites ! Quand on voit toutes ces femmes qui ne veulent pas vieillir et quand on a soi-même pris le parti de l’accepter, ça fait bizarre de voir tous ces faux visages, et je dis ça sans jugement, car on ne peut pas juger la peur de quelqu’un devant le temps qui passe. Quand on découvre qu’on est sur la pente de l’âge, ça fait peur, alors on ne peut pas juger les gens qui luttent à leur manière.

Est-ce inquiétant, ce refus de vieillir ?

Oui. Dans Admirable, j’exauce un de nos rêves, celui ne plus avoir de rides. J’ai 61 ans, je n’ai jamais fait d’injection de Botox, mais je me mets de bonnes crèmes sur le visage… On a beau se dire qu’on va vieillir naturellement, on essaie quand même de ne pas être complètement ridée ! J’ai imaginé que, par la prise d’un seul comprimé, à un prix dérisoire, on pouvait annuler le processus de vieillissement de la peau, et je montre que le monde n’aurait plus aucun sens. Ce n’est pas un livre sur l’immortalité, j’ai juste touché à la peau. Imaginez que la peau ne vieillisse pas, mais que le corps et les os vieillissent. J’ai juste touché à l’apparence et je montre que ces gens sans rides ne sont pas heureux, car ils vivent dans un mensonge. C’est l’apparence d’être jeune. Et ils meurent en ayant l’air jeunes ! On constate aussi qu’Admira est beaucoup plus heureuse en acceptant ses rides et le cours du temps qui passe. Les rides, c’est la vie, c’est l’expression de la vie que vous avez vécue. Pourquoi les effacer ?

Si ce médicament qui efface les rides existait, est-ce qu’on le prendrait tous ?

Je pense que oui, mais je pense qu’on arriverait à des situations de rejet. L’âge, c’est le sens de la vie. Le côté diabolique de ce médicament, c’est qu’il ne coûte rien. Tout le monde peut le prendre, mais on voit les dysfonctionnements qu’il provoque. Comme se sentir très fatigué alors qu’on a l’air très jeune, mais on a 80 ans ! C’est trompeur, car même si vous m’enlevez mes rides, je ne vais pas vivre comme une jeune fille ! L’apparition d’Admira crée un problème dans ce monde sans rides, les gens se rebellent et se demandent pourquoi les vieux ressemblent aux jeunes. Les jeunes ont besoin d’avoir un référent sur l’âge qui avance, et si les gens de mon âge leur envoient le message qu’il ne faut surtout pas aller dans cette direction parce que c’est un précipice et que c’est horrible, c’est très angoissant. C’est notre rôle de leur montrer que ça va aller.

L’apparence a-t-elle pris trop d’importance dans notre société ?

Les femmes ont l’impression encore aujourd’hui qu’elles sont validées par le regard des hommes. Elles indexent leur valeur au fait d’être désirables. Ça se focalise notamment sur les rides, on se dit : si je vieillis, je ne vais plus plaire. Les hommes, eux, focalisent sur leur capacité érectile, s’ils ne sont pas performants, ils n’existent pas. Avoir un peu de ventre, des rides, ça ne les embête pas, mais ne plus bander, c’est la catastrophe. Les femmes et les hommes qui ont compris que la beauté était ailleurs que dans l’apparence sont beaucoup plus épanouis. Il ne faut pas avoir honte de vieillir. La majorité des personnes âgées ont un regard qui vaut de l’or sur la vie, sur ce qu’est le ressentiment, le pardon, la gentillesse. Il y a quelque chose qui est très beau dans l’âge et dans les rides.

PHOTO JOHANNA GERON, ARCHIVES REUTERS

Pamela Anderson a assisté sans maquillage au défilé du designer Andreas Kronthaler pour Vivienne Westwood, pendant la semaine de la mode à Paris le 30 septembre 2023.

Estimez-vous qu’on ne voit pas assez de représentations de femmes ridées ?

Il y en a partout, des Admira, vous avez été élevé avec des personnes âgées dans votre entourage, mais elles ne sont pas valorisées. On ne les voit pas, elles sont invisibles dans les magazines, au cinéma, à la télévision. Dans un visage ridé, il y a une autorité, une authenticité, mais jamais on ne va mettre en valeur ces beaux visages ridés alors qu’ils sont d’une grande beauté. Il y a une révolte en ce moment. Quand vous voyez qu’Ariana Grande commence à dire qu’elle ne veut plus faire de Botox ! À son âge, vous imaginez ! Pamela Anderson qui est apparue à la Fashion Week de Paris sans maquillage, elle a dit : j’en ai marre… il se passe quelque chose ! Maggie Smith est superbe comme égérie à 88 ans de Loewe, et la couverture du Vogue des Philippines qui a fait le tour du monde avec cette femme fabuleuse de 106 ans ! C’est la revanche des rides ! Il faut voir plus de modèles de femmes avec des rides et pas seulement celles qui ont vieilli, mais qui physiquement n’ont pas changé parce qu’elles sont retouchées par les magazines en plus d’être refaites.

Admirable

Admirable

Éditions Seghers

203 pages