Quand devient-on adulte ? En quittant le nid familial ? En payant ses impôts pour la première fois ? Au moment où la génération Z entre dans la vingtaine, nous avons posé la question à trois jeunes. Aujourd’hui : Amélie, 24 ans.

Elle imaginait sa vingtaine comme dans Sex and the City. Avec l’appartement moderne, l’emploi sérieux, la belle garde-robe…

Et puis, la vie adulte ? Sur papier, Amélie Duplessis-Tellier vit la vie dont elle a toujours rêvé. En réalité, c’est un peu plus compliqué. « C’est comme si je m’étais rendue à ce standard que je m’étais fixé et que je réalisais que je n’étais pas tant prête, tu sais ? », réfléchit-elle à voix haute.

C’est une matinée agréable, sans un nuage à l’horizon. Assise à l’ombre d’un arbre dans un parc anonyme du Sud-Ouest, la jeune femme sirote un café. À la première impression, Amélie semble appartenir à cette rare catégorie de gens qui ont leur vie en ordre avant d’avoir 25 ans : un job dans une grande agence de marketing, une maîtrise bientôt en poche, un appartement rénové avec une terrasse sur le toit…

Se sent-elle aussi adulte qu’elle en a l’air ? Amélie hésite un moment. Au registre des premières fois, la dernière année a été chargée : premier appartement, premier vrai emploi. Oui, elle se sent adulte, « plus que jamais » même, mais elle s’ajuste encore à cette nouvelle étiquette.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Amélie Duplessis-Tellier, 24 ans

Tout s’est fait tellement drastiquement. On dirait que je suis devenue adulte du jour au lendemain. J’étais comme : donnez-moi deux secondes !

Amélie, 24 ans

Qu’on ne s’y trompe pas : Amélie avait hâte d’arriver à cette étape de sa vie. Plus jeune, elle était le genre à s’intéresser à tout, à s’investir dans un projet pour se lancer dans un autre. Le droit l’intéressait. La politique et l’histoire aussi. Les possibilités étaient infinies, et c’est bien ce qui était excitant.

À 24 ans, c’est différent. On réalise qu’il faut faire des choix, les bons, et du premier coup, de préférence. On réalise qu’il n’y a plus personne pour nous montrer le chemin, personne sur qui rejeter la faute à part soi-même.

Être adulte, c’est assumer la pleine responsabilité de son avenir. « Pour moi, c’est ça qui fait peur. Tu es laissé à toi-même. C’est à toi de prendre le contrôle de ta vie », estime Amélie. De payer les factures, de prendre les rendez-vous, mais aussi de choisir ses rêves, de fixer ses limites. « Tu deviens qui tu veux devenir. Si tu as un rêve, il n’y a personne qui t’empêche de le réaliser, sauf toi », souligne-t-elle.

Il y a quelques mois, Amélie quittait le nid familial pour emménager avec son copain. Il s’agit sans aucun doute d’une étape déterminante dans la vie d’un jeune adulte, qui marque tant son émancipation que la fin d’un chapitre.

C’est un aspect parfois sous-estimé du passage à la vie adulte : faire le deuil de la seule vie connue jusqu’ici. Pour Amélie, la transition n’a pas été évidente.

J’ai réalisé que je ne pouvais plus voir mes parents tous les jours et être aussi proche d’eux qu’avant.

Amélie, 24 ans

Évidemment qu’elle aime vivre avec son chum et qu’elle apprécie cette nouvelle indépendance. Mais elle s’ennuie aussi de ses parents. Et ressent un pincement au cœur chaque fois qu’elle les quitte après une visite.

Peu à peu, Amélie apprend à faire la paix avec ses relations qui, inévitablement, se transforment, parce que c’est le propre de la vie, changer. Et puis, le changement n’a pas toujours à être triste. Partir en appartement lui a permis de découvrir ses parents sous un nouveau jour et d’apprécier leur compagnie « d’égal à égal ». « Les choses changent et c’est correct. Mon plus gros défi, c’est d’accepter de les laisser derrière », dit-elle.

On dit parfois que la vie fait bien les choses. Amélie y croit. Elle s’est rendue exactement là où elle s’était imaginée, avec l’emploi sérieux, l’appartement moderne. . Comme dans Sex and The City.

Mais voilà, la réalité est rarement aussi lisse qu’à la télé. Et devenir adulte suscite un paquet d’émotions complexes. « Je suis extrêmement reconnaissante. Tout va très bien. Mais il y a une partie de moi qui se sent un peu coupable d’être triste, parce que c’est juste beau, ce qui se passe, conclut-elle. C’est un défi, mais je suis vraiment excitée pour l’avenir. Parce que si je prends le contrôle dans ma vie, je peux faire n’importe quoi. »