Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Il n’y a presque pas eu de messes depuis 2009 et la pandémie a mis fin aux combats de lutte dans son sous-sol. L’orgue Casavant a été vendu. Celle qu’on a déjà surnommée « la Cathédrale de l’Est » n’est même plus chauffée l’hiver.

L’église Saint-Clément du quartier Viauville, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, est pratiquement abandonnée depuis une décennie, mais des résidants ont créé un OBNL pour la sauver et lui donner une nouvelle vocation.

Le nom de leur projet : Station Viauville. « Quand j’allais porter mes enfants à l’école, j’étais témoin chaque jour de l’abandon du bâtiment, raconte Marc-André Robertson. C’est une belle rue patrimoniale et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. »

Le père de famille a élu domicile dans Viauville, plus abordable que son ancienne contrée de Rosemont. Il a pu constater tout le potentiel du quartier qui marque la fin de nombreuses longues rues, dont Ontario et Sainte-Catherine. « Il y a tellement de choses à créer ici », dit celui qui travaille en marketing.

Entre-temps, Marc-André Robertson a appris que la famille de son père venait du quartier Viauville. Un père qui a mis fin à ses jours quand il avait 5 ans. « J’ai appris que ses funérailles avaient eu lieu ici. »

Un signe de Dieu ? Du moins le signe que l’église Saint-Clément avait besoin de lui pour avoir une deuxième vie.

Une subvention

« Quand tu arrives dans Hochelaga, c’est comme si tu n’avais pas le choix de t’impliquer », lance Émilie Therrien, qui porte aussi à bout de bras le projet de Station Viauville.

L’avocate en droit immobilier et en économie sociale a fondé le Regroupement des riverains de la rue Notre-Dame et l’organisme HocheLégal, qui favorise l’accès à la justice.

  • Une énorme fissure se hisse sur le mur du jubé.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Une énorme fissure se hisse sur le mur du jubé.

  • Phyllis Lambert a été éblouie par les anges lors de sa visite.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Phyllis Lambert a été éblouie par les anges lors de sa visite.

  • Les soutanes toujours accrochées dans un placard

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Les soutanes toujours accrochées dans un placard

  • L’ancre dans l’allée centrale

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    L’ancre dans l’allée centrale

  • On trouve des objets de toutes sortes…

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    On trouve des objets de toutes sortes…

  • … même des livres de messe au sol entourés d’excréments d’oiseaux.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    … même des livres de messe au sol entourés d’excréments d’oiseaux.

  • On compte six confessionnaux.

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    On compte six confessionnaux.

  • Le temps s’est arrêté à l’église Saint-Clément.

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    Le temps s’est arrêté à l’église Saint-Clément.

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L’an dernier, Marc-André Robertson et elle ont formé un comité de citoyens qui a obtenu une subvention de 43 500 $ du ministère de la Culture pour analyser l’état de l’église (ou plutôt de sa dégradation). Comme il fallait avancer l’argent des études – et même une mise de fonds de 25 % –, le comité a créé l’OBNL HocheLab. Depuis un mois, ingénieurs et architectes inspectent l’église. « On devrait avoir le carnet de santé du bâtiment à la fin juin et c’est ce qui va dicter la suite », indique Marc-André Robertson.

Un bijou architectural

L’église appartient à la Fabrique de la paroisse Saint-Nom-de-Jésus. De 2009 à 2019, il n’y a eu qu’une messe par année. Il faut voir les fissures dans les murs, les traces d’infiltration d’eau, les crottes d’oiseaux sur le sol et même des soutanes de prêtre dans la sacristie.

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Marc-André Robertson et Émilie Therrien

Il faut aussi voir les vitraux de Guido Nincheri (« le Michel-Ange de Montréal »), la somptueuse voûte en béton armé sans colonne de l’architecte Joseph Venne et l’ancre reproduite sur le sol de l’allée centrale en hommage au fait que le saint catholique Clément de Rome était le patron des marins (un clin d’œil au port de Montréal non loin).

Quand on marche dans l’église Saint-Clément, on se sent comme dans une scène de ville abandonnée, mais un constat s’impose : on ne peut pas la démolir !

Le projet Station Viauville a des appuis de taille, celui de l’architecte Phyllis Lambert, fondatrice du Centre canadien d’architecture. Avec Dinu Bumbaru, de l’organisme Héritage Montréal, elle a visité l’église à deux reprises, sans compter des élus. « Phyllis Lambert connaissait très bien les particularités architecturales de l’église », souligne Marc-André Robertson. « C’est comme si on avait une validation que nos revendications ne sont pas vaines », renchérit Émilie Therrien.

Un projet en quatre volets

Le quartier Viauville, qui soulignera son 125e anniversaire avec des festivités, a une richesse patrimoniale magnifiée par des arbres de grande taille, mais il manque de commerces de proximité. « Il y a des besoins criants dans le coin et on pourrait y répondre », fait valoir Émilie Therrien.

Nous sommes dans un désert alimentaire et sportif.

Émilie Therrien

L’équipe voudrait pouvoir accueillir certains des 300 OBNL du secteur, ainsi que préserver l’aspect spirituel des lieux.

La communauté de Viauville mérite un beau lieu rassembleur, fait valoir Marc-André Robertson. « Il y a eu beaucoup d’enjeux récemment dans le quartier », souligne-t-il, en citant le REM de l’Est et le site de transbordement Ray-Mont Logistiques.

Au cours des cinq dernières années, 25 églises sont redevenues poussière au Québec. Le quart des quelque 2800 lieux de culte restants sont « en mutation », pour reprendre le jargon du Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ). « Mais devant l’ampleur de la tâche, pourquoi ce sont des citoyens qui doivent se mobiliser ? », s’interroge Émilie Therrien.

La question est lancée.

Consultez le site de Station Viauville

L’église Saint-Clément en trois dates

  • 1899-1902 : Construction de l’église (qui sera agrandie plus tard) selon les plans de l’architecte Joseph Venne.
  • 1923 : Installation d’un orgue Casavant qui sera restauré en 1985.
  • 2009 : Fermeture de l’église au culte (une seule messe annuelle y sera ensuite prononcée jusqu’en 2019).