Les invités laissent leur manteau au vestiaire et se dirigent à l’intérieur de la pièce alors qu’une musique d’ambiance de style lounge se fait entendre. Une jeune femme les attend avec un plateau de bouchées : des petits biscuits ronds de couleur chocolat. En fait, il s’agit de pavés sablés aux pacanes, grillons et miel de tilleul, signés Daniel Vézina.

Ça ne fait aucun doute, l’évènement sort de l’ordinaire. Il s’agit de l’inauguration du kiosque Entomomiam à l’espace de restauration Le Central, au coin de Sainte-Catherine et Saint-Laurent, qui accueillera les gourmets curieux d’ici le 5 novembre. Il s’agit également de souligner la création d’une boîte de dégustation qui sera offerte dès décembre dans certaines institutions muséales d’Espace pour la vie.

C’est l’Insectarium qui est derrière cette initiative. Le but est d’initier les gens à l’entomophagie. En clair, les encourager à manger des insectes.

« Êtes-vous allergiques aux crustacés ? », demande l’hôtesse aux invités.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le chef Daniel Vézina et le directeur de l’Insectarium, Maxime Larrivée, présentent une boîte de dégustation de produits à base d’insectes.

Les insectes sont des arthropodes, comme les crustacés. Tant qu’il n’y aura pas plus d’études sur la question, il serait prudent de s’abstenir de les consommer si on est allergique ou intolérant aux crustacés.

Mais pour les autres, pourquoi manger des bibittes ? Parce que c’est sain, c’est savoureux et ça contribue à la transition écologique, affirme Maxime Larrivée, directeur de l’Insectarium. « C’est probablement la meilleure protéine que vous puissiez manger pour votre santé », affirme-t-il.

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Tapenade de tomates séchées et ténébrion servie sur des croustilles d’algues de la Gaspésie

Pour travailler sur l’aspect « savoureux » de l’opération, l’Insectarium a fait appel à Daniel Vézina pour concocter, avec divers partenaires, des recettes de bouchées sucrées et salées. Pour le célèbre chef, il est important que ça goûte bon.

« On a une mémoire gustative, explique-t-il. Si on goûte quelque chose et qu’on a un bon souvenir, on va vouloir y regoûter. »

Il a préparé plusieurs recettes à base de farine de ténébrion, comme la tapenade aux tomates séchées servie sur une croustille d’algues. Le résultat est savoureux, même si on sait que le ténébrion est en fait un autre nom du ver de farine.

Pour Daniel Vézina, le ténébrion est carrément un produit magique. « On trouve 12 grammes de protéines dans deux cuillerées à soupe de farine de ténébrion. C’est magique ! Il y a 22 grammes de protéines dans un steak de 100 grammes. »

Il poursuit : « Il y a énormément de vitamine B12 dans la farine de ténébrion, explique-t-il. On y trouve également les neuf acides aminés dont on a besoin pour notre santé ainsi que de l’oméga-3, 6 et 9. »

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Amandes au sel de sauterelle à la lime

Le chef a mis d’autres insectes à contribution. Il offre ainsi des amandes au sel de sauterelle à la lime et des bonbons berlingots au sirop de fourmi et sapin baumier.

« Lorsque j’ai mangé des fourmis pour la première fois, je n’ai pas eu le même enthousiasme que pour les ténébrions, indique-t-il. Mais on a travaillé ce produit, on a réalisé que quand on faisait bouillir des fourmis dans du sirop, celui-ci prenait une très bonne saveur. »

Effectivement, le goût de ce bonbon rappelle une belle promenade dans une forêt de conifères. La protection de l’environnement fait justement partie de l’attrait de l’entomophagie. Le chef explique que la production de protéines à base d’insectes nécessite 10 fois moins d’eau que la production de protéines animales traditionnelles. Elle nécessite également une fraction de l’espace d’élevage.

« On sait que la production animale contribue à la destruction de notre planète, soutient Daniel Vézina. On a donc intérêt à aller vers les insectes. »

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Les boules d’énergie sont riches. Très riches.

Pour marquer l’ouverture du kiosque Entomomiam, le chef démontre l’usage de la farine de ténébrion en préparant en direct des boules d’énergie. Il mélange ainsi des graines de citrouille, de tournesol, de lin, de chanvre et de chia, puis ajoute des bleuets séchés, des baies de goji, de la poudre de ténébrion, du son et de la fibre d’avoine, de la poudre de noix, de la purée de datte et du miel. Il forme de petites balles qu’il trempe dans du chocolat avant de les rouler dans une chapelure faite de riz sauvage, de graines de citrouille, de kacha, de ténébrion et de cacao.

« Si vous mangez deux de ces boules d’énergie le matin, vous n’aurez peut-être pas besoin de luncher. Ça soutient. »

Mais ce n’est pas nécessairement tout le monde qui a envie de manger des bibittes.

« On n’oblige personne, affirme Daniel Vézina. Il faut y aller avec le goût des gens. Il faut prendre le temps de leur présenter des choses qui vont leur plaire. »

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  • 2000
    Nombre d’espèces d’insectes comestibles dans le monde
    Source : Insectarium de Montréal