« Pam, pam, pam ! » Maillet de percussion à la main, Théo bat le rythme sur le grand tambour devant lui. Encouragé par Tanya Lavoie, il frappe plus fort sur l’instrument, puis plus doucement. On semble assister à un cours de musique. Il n’en est rien. C’est plutôt une séance de musicothérapie qui se déroule dans ce local coloré de la Fondation Papillon.

Qu’est-ce qui différencie la musicothérapie d’une leçon de guitare ou de piano ? « La majorité de nos objectifs ne sont pas musicaux », répond Tanya Lavoie, musicothérapeute.

Pour elle, la musique est un outil qui lui permet de travailler différentes habiletés avec les enfants qu’elle rencontre notamment ici, à la clinique d’ergothérapie et de stimulation Papillon. Améliorer la motricité globale, augmenter les interactions sociales ou développer la confiance en soi sont quelques buts pouvant être atteints grâce à un suivi en musicothérapie.

Par exemple, pour travailler la motricité fine d’un enfant, Tanya Lavoie utilisera le piano.

« On va travailler la séparation de chaque doigt et la force exercée sur chaque note, explique-t-elle. Ça donne l’impression que j’enseigne le piano, mais ce n’est pas ce que je fais. Je suis en train de travailler la motricité fine. »

Au son de l’ukulé

Après le tambour, Théo souhaite jouer de l’ukulélé. « Le rouge ou le vert ? », lui demande la musicothérapeute. Finalement, les deux serviront lors de la séance, cette petite guitare hawaïenne étant manifestement l’instrument préféré du garçon de 4 ans.

Puisque Théo souffre d’une paralysie du bras gauche et qu’il a de la difficulté à le bouger, Tanya Lavoie lui montre comment tenir l’instrument. « Je lui rappelle d’utiliser sa main gauche pour soutenir et équilibrer l’ukulélé. De cette façon, il peut s’amuser avec sa main droite. »

Et pour s’amuser, il s’amuse ! Les doigts du garçon s’agitent rapidement et font vibrer les cordes. La finale de Dans la ferme de Mathurin semble inspirée d’un concert rock, les forts décibels en moins.

Tanya Lavoie tend ensuite un microphone à Théo. Le garçon pousse quelques « Ah ! » dans l’appareil, alors que la musicothérapeute joue une mélodie au piano. « Il utilise et explore sa voix, et c’est ça qu’on veut. On veut qu’il soit à l’aise avec elle », explique la spécialiste au sujet de cette improvisation vocale.

De 0 à 100 ans

À la clinique d’ergothérapie et de stimulation Papillon, Tanya Lavoie rencontre des jeunes vivant avec un handicap physique, intellectuel ou un trouble du spectre de l’autisme. La musicothérapie n’est toutefois pas limitée à cette clientèle. « On peut travailler avec des gens de 0 à 100 ans. »

Pendant quelques années, Tanya Lavoie a d’ailleurs œuvré auprès de bébés prématurés.

Comment la musicothérapie est-elle utilisée à un si jeune âge ? « On aide le bébé à rester calme. On diminue la perception de la douleur. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La musicothérapeute Tanya Lavoie dans la salle de musicothérapie à la Fondation Papillon, à Montréal

Chez les personnes âgées, des séances de musicothérapie peuvent aussi être bénéfiques, par exemple pour celles qui souffrent d’alzheimer.

« Il y en a qui vont retrouver brièvement la mémoire pour chanter certaines chansons », raconte la spécialiste.

Comment est-ce possible ? « La musique, c’est une des rares expériences qui est encodée dans le cerveau avec des étiquettes multiples, donc ce sont des souvenirs qui restent imprégnés beaucoup plus longtemps. »

Pour imager son propos, Tanya Lavoie dresse une comparaison avec les réseaux sociaux. « Un souvenir musical va avoir plein de hashtags associés. Lorsque tu écris l’un de ces hashtags, ça te ramène toujours au même souvenir. »

Les bienfaits de la musique

Au-delà de la musicothérapie, de nombreux bienfaits sont associés à la musique, notamment en ce qui a trait à la relaxation ou au développement du cerveau. « En fait, tout le cerveau ou presque est utilisé lorsqu’on écoute ou fait de la musique », indique Tanya Lavoie.

« De 0 à 5 ans, mais surtout de 0 à 2 ans, c’est là qu’il y a le plus de création de neurones. C’est le moment de donner le plus d’expériences musicales positives et variées possible aux enfants », croit l’experte.

Elle propose, par exemple, d’assister à des cours d’éveil musical, d’aller voir des spectacles, d’écouter de la musique…

Il y a beaucoup de parents qui me demandent : qu’est-ce que je devrais faire jouer à mon enfant ? La réponse c’est : tout. Pas juste des comptines. […] Si vous aimez le jazz, le rock ou le métal, faites-en jouer.

Tanya Lavoie, musicothérapeute

Pour faire découvrir la musique classique aux tout-petits, elle suggère l’album Bébé symphonique, dont les pièces ont été composées pour eux par le maestro Simon Leclerc.

Et surtout, même si l’on considère ne pas avoir de talent en ce sens, il ne faut pas hésiter à chanter devant les enfants, ajoute Tanya Lavoie. Une berceuse permet notamment au poupon de réguler ses émotions et de se calmer, soutient la musicothérapeute. Un effet qui peut aussi être observé chez les parents, affirme-t-elle.