Les initiatives vertes pour améliorer l’environnement se multiplient à petite et grande échelle, partout dans la province. Deux fois par mois, nos journalistes vous présentent des idées pour vous inspirer.

Enfouir un réseau de puits géothermiques dans une ruelle. Autrement dit : installer un système de tuyaux à plusieurs mètres de profondeur dans le sol, là où la température est constante à longueur d’année (8-10 oC), dans le but de chauffer les logements en hiver et de les climatiser en été. Et tout ça, entre voisins, de façon collective.

L’idée a tout de suite piqué la curiosité de l’ingénieur Gérard Lombard, résidant de la ruelle Saint-Marc, dans le quartier Rosemont.

C’était au printemps 2015. Gérard Lombard s’est donc rendu à une rencontre d’information organisée par un comité de citoyens du quartier La Petite-Patrie (l’OSBL Solon). Ces derniers cherchaient des ruelles vertes dont les résidants souhaiteraient se lancer dans un projet de géothermie.

L’avantage de la géothermie ? Elle permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre (surtout si elle remplace un système au gaz ou au mazout) et de diminuer la consommation d’électricité, notamment en période de pointe. La géothermie peut aussi contribuer à réduire les îlots de chaleur, l’été, parce que la chaleur des logements est retournée dans le sol et non dans l’air.

Un projet en évolution

Sept ans après cette première réunion d’information, malgré l’évolution constante du projet et les obstacles réglementaires, Gérard Lombard est toujours engagé dans ce projet de géothermie partagée, nommé projet Celsius. Et sept ans plus tard, l’homme de 64 ans en parle toujours avec des étoiles dans les yeux.

« Voulez-vous voir l’endroit où ont été creusés les premiers puits ? », demande Gérard Lombard, avant de nous guider au bout de la ruelle Saint-Marc, juste à côté de l’école primaire du même nom.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

De l’extérieur du duplex en rénovation, les puits géothermiques ne sont pas visibles.

Dans la cour arrière du duplex, des travaux de forage ont été menés l’an dernier, mais plus rien n’y paraît : tout est enfoui dans le sol. Les puits souterrains permettent de chauffer (en partie) et de climatiser les deux logements du duplex et les cinq du quintuplex adjacent. Les locataires comme les propriétaires en bénéficient. « La notion d’équité est importante pour nous », précise Gérard Lombard, qui vit dans la ruelle Saint-Marc depuis 1989.

Au début de l’aventure, le projet-pilote que le comité de citoyens avait en tête devait ressembler à ceci : construire un seul réseau de géothermie dans chacune des trois ruelles fondatrices (toutes dans Rosemont) pour desservir un total de 50 logements. L’étude technique a cependant statué qu’il était plus intéressant techniquement et financièrement de construire plusieurs microréseaux alimentant chacun de 3 à 10 logements.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Chacun des deux immeubles accueille une thermopompe au sous-sol.

Toucher à une ruelle n’est pas simple non plus.

La ruelle, c’est le domaine public. Si on nous donne un permis d’occupation du domaine public, on a appris que c’est révocable n’importe quand.

Gérard Lombard, résidant de Rosemont engagé dans le projet Celsius

Qu’à cela ne tienne, le petit groupe (désormais réuni dans la coopérative de solidarité Celsius) a persévéré, en commençant par un projet plus modeste, celui au bout de la ruelle Saint-Marc. Le projet de 135 000 $ a été financé en bonne partie par un programme provincial. Les propriétaires qui en bénéficient versent l’argent qu’ils économisent en chauffage à la coopérative.

Une des solutions

La coop Celsius souhaite que la construction des puits du « vrai » projet-pilote débute au printemps 2023, mais il reste du travail à faire. Elle s’est entourée de partenaires au sein de l’administration municipale et de chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) pour évaluer les aspects techniques, financiers et sociaux du projet.

« On ne veut pas que ça devienne des occasions de rénoviction », résume Gérard Lombard. Le projet-pilote pourrait aussi s’étendre à des quartiers moins favorisés que Rosemont, comme Saint-Michel et Hochelaga-Maisonneuve. Construire un réseau de géothermie dans une ruelle est aussi l’occasion de reverdir les espaces bétonnés. Bref, d’améliorer la qualité de vie.

C’est possible, donc, que votre duplex ne fasse pas partie du projet-pilote ? « Ça se peut », convient Gérard Lombard.

Oui, il espère que son immeuble pourra un jour être rafraîchi par la géothermie, mais s’il s’implique, dit-il, c’est d’abord comme citoyen. « Ce qui me préoccupe, c’est surtout ce qui s’en vient en matière climatique. Je pense qu’il y a urgence. Un projet comme celui-ci, ça ne règlera pas tout, bien sûr, mais ça fait partie des solutions. »

Consultez le site du projet pilote de géothermie partagée de la coop Celsius