Est-ce un effet de la pandémie, un désir de renouer avec sa spiritualité dans un monde en perte de sens ou la diminution de l’adhésion aux religions ? Sans doute un peu de tout ça. Le tarot, l’astrologie et les pratiques de médecine alternative connaissent un engouement qui ne semble pas près de s’essouffler. Regard sur le phénomène, au-delà des clichés et des idées reçues.

Pour la deuxième année consécutive, les ventes des livres d’ésotérisme ont connu la plus forte augmentation des 22 catégories du Bilan Gaspard du marché du livre au Québec.

Le mot peut faire sourire. Pour plusieurs, le tarot, l’astrologie, les cristaux, c’est tout simplement farfelu. Mais les sciences occultes connaissent une popularité grandissante, notamment auprès de la jeune génération. Pourquoi ?

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Vanessa DL

L’intérêt de Vanessa DL pour le tarot remonte à sa tendre enfance. Celle qui se décrit comme une « sorcière des temps modernes » vient de publier chez KO Éditions le livre L’art du tarot. Pour elle, les lames de tarot ne sont pas tant un outil divinatoire que des alliées pour apprendre à mieux se connaître.

« Mon approche est évolutive et moins axée sur la prédiction. Les cartes servent à éclairer le présent, regarder nos parts d’ombre, nos angles morts ; elles deviennent un miroir de soi et peuvent aider à nourrir notre vie spirituelle. Avec ce livre, je voulais amener les gens à créer leur propre relation avec leur jeu de tarot », explique-t-elle, installée sur le joli sofa de velours du Café des Habitudes, dans Rosemont.

KO Éditions est surtout connu pour ses livres de cuisine. Pourquoi publier un livre sur le tarot ? « Nous choisissons nos projets en fonction de nos affinités, de nos passions et de ce qui est dans l’air du temps », explique Sophie Banford, associée, directrice générale et éditrice chez KO Éditions/KO Média.

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Le tarot, outil de connaissance de soi

« Tu peux y croire ou pas, mais j’aime comment Vanessa le présente : un moment pour s’arrêter, faire un petit check-in », ajoute-t-elle.

Avant, il y avait la religion. Puis, avec la pandémie, on s’est repliés sur nous-mêmes, et ça nous a donné envie de creuser un peu. Pour moi, c’est un sujet qui devient plus lifestyle qu’ésotérique, et ça s’inscrit dans le mouvement plus global du bien-être.

Sophie Banford, associée, directrice générale et éditrice chez KO Éditions/KO Média

Dominique Spénard travaille en communications. Se tirer au tarot fait partie de son rituel matinal de méditation. « Le tarot dans ma vie est une belle guidance, qui s’inscrit dans une quête personnelle de guérison et de conscience. J’ai visité Bali, l’Inde, j’ai rencontré des chamans au Pérou. Ce qui est beau dans cette nouvelle spiritualité, c’est qu’on peut prendre des enseignements de toutes ces traditions, choisir ce qui nous fait du bien. »

Se tourner vers les étoiles

Depuis toujours, l’humain s’est tourné vers les étoiles pour trouver ses repères. Pas étonnant que les astres aient encore cet ascendant sur nous, croit Hanna Hurr, directrice de contenu pour Co–Star.

En ce moment, le monde est incertain et les gens se demandent ce qu’il adviendra de notre planète. L’astrologie offre un langage pour mieux comprendre sa place dans l’univers, et connecter de façon authentique avec les autres et soi-même.

Hanna Hurr, directrice de contenu pour Co–Star

PHOTO LE SOLEIL

Un ciel étoilé dévoilant la Voie lactée

Lancée en 2017, l’application connaît un succès fulgurant, avec plus de 20 millions de téléchargements à ce jour. À l’aide d’informations comme la date, l’heure et le lieu de naissance, qui sont triangulées avec des données de la NASA, l’utilisateur obtient une carte du ciel détaillée et personnalisée.

Chaque jour, Co–Star envoie une notification à méditer selon l’alignement des astres. On peut y connecter avec des amis pour tester nos compatibilités – et même en couple avec la nouvelle fonctionnalité Eros.

Sabrina Ferdi a 27 ans et travaille en marketing et en publicité. L’expérience client dans un monde numérique, elle connaît très bien. Pour elle, les applis comme Co–Star ou encore The Pattern (une autre application d’astrologie qui fournit des renseignements pour mieux comprendre sa personnalité et ses connexions avec les autres) amènent l’expérience des notifications personnalisées, utilisées par nombre d’entreprises, à un autre niveau. Ces « pensées positives » ajoutent pour elle un peu de « légèreté dans l’insoutenable lourdeur du monde en ce moment ».

Pour moi, l’astrologie, c’était un peu n’importe quoi avant. Mais sans tout croire à la lettre, ça peut aider à t’aiguiller dans ton quotidien. C’est un peu comme une thérapie ! C’est amusant et je l’utilise même dans le cadre de mon travail pour faire du team building. C’est une façon moderne de connecter.

Sabrina Ferdi, 27 ans

Élargir sa conscience

PHOTO HOVAN STEPANIAN, FOURNIE PAR HOAME

Stephanie Kersta et Carolyn Plater, fondatrices de Hoame

On oppose souvent science et spiritualité. Mais ils sont de plus en plus nombreux à faire le pont entre les deux.

Du lot, Stephanie Kersta et Carolyn Plater, fondatrices de Hoame, un studio de méditation situé à Toronto. La première est psychothérapeute et la seconde, travailleuse sociale. Constatant à quel point le stress était devenu épidémique, elles ont commencé à utiliser la méditation et la pleine conscience dans une perspective clinique. « Nous avons ouvert le studio afin de rendre cette pratique plus accessible à un grand nombre. Il y a tellement de bénéfices ! », lance Carolyn.

Chemin faisant, les deux amies ont commencé s’intéresser à une approche plus holistique et à diverses pratiques alternatives, dont elles discutent avec leurs invités dans leur balado Hoame. Ayurveda, thérapie par les cristaux ou le son, tantrisme, mycothérapie… Elles explorent ces sujets avec curiosité et sans jugement.

PHOTO FOURNIE PAR HOAME

Hoame est un studio de méditation situé à Toronto.

« On commence vraiment à voir une ouverture dans le monde médical, le vent tourne. On s’appuie toujours sur la science d’abord, mais on aime regarder les deux côtés de la médaille. De parler à ces différentes personnes dans le cadre de la balado, certaines qui sont d’ailleurs des professionnels de la santé, a certainement changé notre perspective », remarque Stephanie.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Claudine Langlois, fondatrice de Doshayoga

Ergothérapeute de formation, Claudine Langlois est la fondatrice de Doshayoga, une entreprise qui offre des retraites et des soins thérapeutiques, des formations et divers produits comme des cartes de gratitude, un livre d’initiation à l’ayurveda et le festival extérieur Anatha, consacré au bien-être et à la pleine conscience.

Il y a six ans, un grave accident a chamboulé sa vie. Stress post-traumatique, anxiété, crise identitaire… Elle s’est tournée vers les médecines alternatives comme la méditation, le yoga ou l’ayurvéda.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE DOSHAYOGA

Des cartes d’affirmations positives

Au-delà des postures, c’est le fait de ralentir, d’être présente, de connecter avec mon corps qui m’a aidée.

Claudine Langlois, fondatrice de Doshayoga

Pour elle, la science, notamment la physique quantique, peut être utilisée pour comprendre l’invisible, l’énergétique. Loin d’être opposée à la science et à la médecine, elle dit vouloir surtout montrer aux gens l’éventail de ressources qui sont à leur disposition pour retrouver santé, bonheur et vitalité.

La communauté de Doshayoga s’est agrandie avec la pandémie : la jeune femme dit rejoindre aujourd’hui 20 000 personnes. « Il y a toute une quête identitaire qui a été amenée par la pandémie. Les gens ont commencé à regarder à l’intérieur. C’est normal que l’ésotérisme ait pris plus de place. »

« Avec la pandémie, les gens ont touché au désespoir, au vide. La spiritualité est là pour nous rattraper quand il n’y a rien d’autre. Je pense que dans les prochaines années, on va avoir besoin de nouveaux mécanismes pour générer de l’espoir », conclut Vanessa DL.

Consultez le site de Co–Star (en anglais) Consultez le site de Vanessa DL Consultez le site de Hoame (en anglais) Consultez le site de Doshayoga
En savoir plus
  • 50 %
    Augmentation des ventes de livres d’ésotérisme au Québec en 2021
    Source : Bilan Gaspard du marché du livre au Québec
    27 %
    des adultes américains se décrivaient comme spirituels mais pas religieux en 2017, une augmentation de 8 % comparativement à 2012.
    Source : Pew Research Center
  • 25 %
    des jeunes femmes américaines de 18 à 25 ans ont téléchargé Co–Star depuis son lancement.
    Source : Co–Star