Très présente sur les réseaux sociaux, la guerre en Ukraine suscite beaucoup d’anxiété chez des adolescents, qui ont contacté par dizaines le service d’aide Tel-Jeunes depuis le début de l’invasion russe il y a une dizaine de jours.

« La situation en Ukraine semble ajouter une couche au stress que vivent déjà les jeunes » avec une pandémie qui traîne en longueur et une crise climatique de plus en plus inquiétante, constate Myriam Day Asselin, cheffe expertise et innovation chez Tel-Jeunes. « Pour nombre d’entre eux, la guerre, c’est la goutte de trop. »

« Les réseaux sociaux semblent jouer un rôle central dans le déclenchement de l’anxiété par rapport à l’Ukraine », précise Mme Day Asselin. Avec TikTok, Facebook ou YouTube, la guerre est entrée soudainement dans la vie de jeunes avec son lot d’images et de témoignages déchirants. Et quand tout le monde en parle en plus à l’école, à la maison et à la télévision, ça peut devenir intenable pour certains adolescents.

Pas simple, non plus, de départager le vrai du faux dans tout ce qui surgit sur les écrans et qui peut être très angoissant.

Vidéos en direct pendant des bombardements, rumeurs de massacre de soldats ou de tirs sur des colonnes de blindés russes… Maryna Onyshchenko, 14 ans, elle-même d’origine ukrainienne, se méfie de ce qu’elle voit sur son téléphone.

Je ne suis pas vraiment sûre que tout est exact, parce que souvent les gens diffusent ça pour avoir de l’attention.

Maryna Onyshchenko, 14 ans

Les grands-parents paternels de Maryna Onyshchenko habitent Zaporijjia, non loin de la centrale nucléaire qui a été bombardée par les Russes jeudi dans le sud de l’Ukraine. « Ça m’inquiète beaucoup, le nucléaire. Ça peut facilement être quelque chose de très dangereux pour ceux qui vivent là. Je crois énormément à la force de l’armée ukrainienne, mais ça fait peur. » Dans les circonstances, malgré l’angoisse et les incertitudes, l’élève de 3e secondaire au Collège d’Anjou garde un œil attentif sur ce qui se passe là-bas, notamment par l’entremise de ses parents, qui suivent l’actualité de très près.

Se protéger

Même si les adolescents qui contactent Tel-Jeunes n’ont en général pas de famille sous les bombes, leur détresse n’est pas moins réelle. Pour l’apaiser, les intervenants cherchent d’abord à vulgariser ce qu’ils vivent, puis à leur donner des moyens de se protéger des sources de stress. « Notre travail, c’est de leur faire prendre conscience que leur anxiété est normale, que toutes ces informations sont difficiles à gérer. On va leur suggérer, par exemple, de s’éloigner des écrans pour faire du sport ou se changer les idées avec leurs amis », explique Myriam Day Asselin.

Bouleversés par un flot de nouvelles anxiogènes, des jeunes se sont aussi tournés vers leurs professeurs. Les élèves de 5e secondaire de Jonathan St-Pierre, à l’école D’Iberville de Rouyn-Noranda, ont eu besoin de repères pour ne pas s’affoler. « Ils se demandent ce qui va leur arriver, s’il va y avoir des bombes atomiques, si c’est le début de la Troisième Guerre mondiale. Ils reçoivent plein d’infos sans contexte et ils manquent d’outils pour les traiter », explique celui qui est connu sur YouTube comme Jonathan le Prof.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE JONATHAN LE PROF

Jonathan St-Pierre

« Je n’ai jamais vu ma classe avoir autant envie d’écouter un cours que celui qu’on a eu en Monde contemporain avec Jonathan sur ce conflit-là », raconte Trystan Dubé, 16 ans. Sur les réseaux sociaux, observe-t-il, il y a « clairement des gens qui veulent te faire paniquer en aggravant la situation ». Bien sûr, la puissance de la Russie et le risque d’un dérapage le préoccupent, mais pas au point de craindre pour sa sécurité, ajoute l’élève qui se rassure avec ses lectures.

C’est grave, ce qui se passe, mais il faut rationaliser. Je prends l’exemple de la guerre froide. C’était juste ça, des menaces nucléaires. C’est un peu la même chose encore…

Trystan Dubé, 16 ans

Élève à la même école, Ryan Cowell, 17 ans, a vu dans le conflit l’occasion de se renseigner sur l’Europe de l’Est, une région qu’il connaissait peu. Il s’inquiète davantage des répercussions potentielles de la guerre, notamment si la Chine s’inspire de la Russie pour envahir Taiwan. « C’est vraiment important de voir ce qui passe là-bas avec toutes les atrocités que commet la Chine », dit celui qui évite les réseaux sociaux pour se renseigner.

La guerre en Ukraine a au moins le mérite d’intéresser les jeunes à ce qui se passe ailleurs dans le monde, estime Jonathan St-Pierre. « Ça a du bon sens d’en faire une occasion d’apprendre. C’est même pour moi une obligation morale. Ça leur permet de relativiser les choses et de mieux comprendre, ce qui diminue leur anxiété », conclut le professeur.

Consultez la page Facebook de Jonathan le Prof

Trois conseils pour rassurer un adolescent

  • Normaliser les émotions vécues et ne pas banaliser l’inquiétude. On peut valoriser l’empathie d’un adolescent, lui dire qu’on aime qu’il soit touché par ce que les autres vivent, que c’est normal. On peut aussi valider le fait d’en parler, de ne pas rester seul avec ses émotions.
  • Demander à l’adolescent ce qu’il comprend de la situation. Cela permet de cadrer la conversation. On peut aussi l’aider à trouver des sources fiables pour se renseigner, tout en le sensibilisant aux effets d’une surabondance d’informations, notamment sur les médias sociaux, entre amis, etc. Cette surabondance peut créer de l’anxiété, comme un système d’alarme constamment activé.
  • Inviter l’adolescent à identifier des moyens pour diminuer le stress ou l’anxiété liée à la situation : faire plus de place aux choses et aux activités qui peuvent lui faire du bien. Identifier ses besoins et l’aider à y répondre (moments de calme, sport ou activité extérieure, jeux en famille ou entre amis, passe-temps préféré ou activité de défoulement, par exemple).
Consultez le site internet de Tel-Jeunes

Source : Tel-Jeunes