Si les Québécois devaient passer un examen sur l’ampleur de la pauvreté dans la province, ils n’obtiendraient peut-être pas la note de passage : beaucoup ont tendance à la sous-estimer.

C’est ce qui ressort d’un sondage Léger mené auprès de 1005 Québécois au mois d’août et rendu public mercredi à l’occasion du lancement de la campagne annuelle des Centraide du Québec, qui soutiennent quelque 1500 organismes et projets communautaires.

« On ne la voit pas assez, la pauvreté », croit Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du Grand Montréal. « Elle a de multiples visages. Je pense aussi qu’il y a certains tabous rattachés à ce qu’on juge être une personne en situation de pauvreté ou non. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du Grand Montréal

Les répondants au sondage devaient estimer le nombre de personnes adultes vivant sous le seuil de la pauvreté au Québec. Quelque 21 % d’entre eux ont dit l’ignorer. Un autre 37 % des répondants l’ont estimé à moins de 500 000 personnes. Or, en réalité, ce sont 1,2 million de Québécois qui sont en situation de pauvreté, selon la Mesure de faible revenu.

Les Québécois ne sont pas trop au fait, non plus, du salaire annuel brut en deçà duquel une personne seule est considérée en situation de pauvreté : près de deux répondants sur trois (62 %) l’ont évalué à moins de 20 000 $, alors qu’il se situe de 24 000 $ à 32 000 $, selon la mesure de revenu viable. Ce seuil est de 25 000 $ (2018) selon la Mesure de faible revenu.

Pandémie

Parmi les répondants, 22 % ont affirmé s’être retrouvés dans cette situation de pauvreté et de vulnérabilité (financière, psychosociale) en raison de la pandémie, une proportion qui grimpe au tiers chez les 18-34 ans. Soulignons que l’échantillon des 18-34 ans ne comptait que 250 répondants.

Le tiers des jeunes, c’est étonnant, non ? « Un peu, mais pas tant que ça », répond Claude Pinard.

Il y a des quartiers à Montréal où près de 40 % des jeunes n’ont pas leur cinquième secondaire. Ça arrive encore en 2021. Ce sont des gens qui se sont peut-être retrouvés sans emploi rapidement.

Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du Grand Montréal

Par ailleurs, la pandémie a fait prendre conscience à 77 % des répondants que la pauvreté et la vulnérabilité pouvaient toucher tout le monde. Environ la même proportion estime que la situation de la pauvreté au Québec s’est détériorée depuis le début de la COVID-19.

Inégalités

Le bien-être financier des familles à plus faible revenu a été soutenu par des programmes d’aide, mais a tout de même été mis à mal par la pandémie. Selon un document de Statistique Canada publié en avril, près de la moitié des Canadiens ayant un revenu inférieur à 40 000 $ ont affirmé avoir vu leur revenu se détériorer du début de la pandémie au mois d’octobre 2020. En février 2021, le cinquième des Canadiens ont déclaré avoir des difficultés à s’acquitter des dépenses nécessaires, une proportion plutôt stable depuis le début de la pandémie. Les femmes, les jeunes, les Autochtones et les groupes de minorités visibles sont les plus touchés.

Les inégalités se sont accrues. Les gens qui vont bien ce matin vont mieux que l’an passé, et les gens en situation de vulnérabilité, généralement, vont un peu moins bien.

Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du Grand Montréal

Si on perçoit un essoufflement au sein des organismes communautaires, « on ne voit pas d’essoufflement des effets de la pandémie sur la pauvreté », résume M. Pinard. Les banques alimentaires, dit-il, demeurent autant sollicitées, notamment en raison de la hausse du prix des aliments et du prix des loyers.

Selon lui, on sent un stress chez les organisations. « Est-ce que la vague de générosité qu’on a vue l’an dernier va se poursuivre et nous permettre d’aider notre monde ? La campagne de cette année est autant, sinon plus importante que celle de l’an dernier », conclut-il. L’objectif est de 61 millions de dollars. L’an passé, Centraide a récolté 60 millions.

Consultez le site de Centraide du Grand Montréal