Il a enfilé des patins pour la première fois en 2016. Trois ans plus tard, il montait sur la glace avec le Cirque du Soleil dans le cadre du spectacle Axel. En pause forcée depuis le début de la pandémie, Abadi Al-Obaidi déploie son talent sur les patinoires extérieures de Montréal.

Dans un monde sans pandémie, Abadi Al-Obaidi serait présentement en tournée avec le Cirque du Soleil pour présenter Axel, deuxième spectacle sur glace de la troupe montréalaise. Tous les spectacles du Cirque ayant été annulés, il s’exerce sur les patinoires extérieures de la ville, sous le regard impressionné de patineurs et du demi-million d’abonnés qui le suivent sur TikTok (@abadi.i).

Dans ses vidéos où il marie prouesses techniques et humour, il exécute des saltos arrière, des culbutes et son mouvement signature : un arrêt à reculons sur la pointe de ses patins. Immanquablement, sur les patinoires, il attire l’attention. Une fois, un homme lui a demandé s’il était un combattant du crime, raconte-t-il en riant. « Mais qu’est-ce que ça veut dire ? » a-t-il demandé. « Un superhéros sur glace ! » a dit l’autre.

Il n’est pas un superhéros ni un patineur artistique. Il pratique le patin freestyle, une discipline émergente, particulièrement en France, où des clubs existent et des compétitions non officielles (underground battles, un terme emprunté à la culture hip-hop) sont organisées. Quelle différence avec le patinage artistique ? « C’est comme comparer le ballet avec le breakdance ou le hip-hop, illustre-t-il. Le freestyle est basé sur des mouvements rapides, du groove, des sauts et des tricks. Alors que le patinage artistique est plus linéaire, comme un poème. »

Du désert aux patinoires

Il y a quatre ans à peine, l’homme, dans la mi-vingtaine, ne connaissait rien au patinage. « Je viens des Émirats arabes unis. C’est le désert ! » Il y a bien quelques patinoires intérieures, mais la glisse ne l’attirait pas. Son sport, c’était le jiu-jitsu. Il a même remporté un championnat mondial junior.

Un soir, alors qu’il était en Allemagne pour ses études en ingénierie, il est tombé sur une vidéo présentant un palmarès des tricks à faire sur la glace. Trois mois plus tard, le 10 septembre 2016, patins aux pieds, il était le premier arrivé à la réouverture de la patinoire intérieure la plus près de chez lui.

Je suis tombé en pleine face tellement de fois. Apprendre à freiner a été le plus grand défi. Après, tout a commencé à se mettre en place.

Abadi Al-Obaidi

À l’hiver 2019, après avoir participé à l’une de ces « batailles » organisée à Paris, il reçoit un message de l’équipe de distribution du Cirque du Soleil. Il a d’abord cru à une arnaque ou une mauvaise blague. « Le gars insistait pour avoir mon CV et une vidéo, raconte-t-il. Bon d’accord, peu importe. Je suis allé à la patinoire, j’avais oublié ma caméra. J’ai placé mon téléphone dans un coin en me disant : oui, le Cirque du Soleil, voir qu’ils vont me prendre. Je voulais juste être débarrassé de lui. Quatre jours plus tard, ils m’envoyaient un contrat ! »

Et trois mois plus tard, il quittait Cologne pour Montréal et s’installait à la résidence des artistes du Cirque du Soleil. L’avant-première d’Axel a eu lieu en octobre 2019. Le spectacle a ensuite été présenté à Québec et à Montréal avant de prendre la route. Abadi Al-Obaidi y incarne un membre du clan des Syndics, des rebelles créatifs opposés aux vilains de La Corporation.

  • Abadi Al-Obaidi pratique le patin freestyle, une discipline émergente, particulièrement en France, où des clubs existent et des compétitions non officielles (underground battles, un terme emprunté à la culture hip-hop) sont organisées.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Abadi Al-Obaidi pratique le patin freestyle, une discipline émergente, particulièrement en France, où des clubs existent et des compétitions non officielles (underground battles, un terme emprunté à la culture hip-hop) sont organisées.

  • « Le freestyle est basé sur des mouvements rapides, du groove, des sauts et des tricks. Alors que le patinage artistique est plus linéaire, comme un poème », dit-il.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    « Le freestyle est basé sur des mouvements rapides, du groove, des sauts et des tricks. Alors que le patinage artistique est plus linéaire, comme un poème », dit-il.

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« À la fin, ils trouvent un équilibre pour cohabiter. C’est un peu ce qui arrive entre les freestylers et les patineurs artistiques. J’ai beaucoup de patineurs artistiques qui me suivent et ils aiment ce que je fais. Nous sommes plus que des destructeurs de glace ! »

Les freestylers s’attirent en effet parfois les foudres des autres patineurs pour les marques qu’ils laissent sur la glace. En Allemagne, l’atmosphère était tendue sur les patinoires, dit Abadi. Les Montréalais sont beaucoup plus accueillants, souligne-t-il. « Pour les patineurs, Montréal est le paradis. »

« C’était temporaire pour moi de rester ici, mais ce temporaire est devenu permanent en quelque sorte. C’est la ville du cirque. J’ai l’impression qu’à chaque coin de rue, il y a de l’art et que les gens ont la passion de bouger. »

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Abadi Al-Obaidi

Fin observateur de la faune de patineurs, il s’inspire souvent d’eux pour créer ses vidéos pour TikTok. Celle dans laquelle il met en scène l’entrée sur la patinoire de différents types de patineurs a été vue 3 millions de fois depuis sa mise en ligne à la mi-janvier. Celle où il montre différentes façons de s’arrêter sur la glace a récolté 27 millions de visionnements.

Voyez les différentes façons de s’arrêter sur la glace selon Abadi Al-Obaidi (en anglais)

Et il y a ces vidéos où il présente des manœuvres à ne pas reproduire à la maison. Les sauts acrobatiques sont pour lui les plus difficiles et les plus risqués. « Il y a toujours un processus de réflexion avant. Et si je tourne trop ? Et je ne tourne pas assez et que je me casse quelque chose ? Je me suis blessé dans un salto arrière et j’ai été en arrêt pendant un an. Je me suis brisé un disque, ça a causé une hernie. Alors, oui, ça peut être un défi. »

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Abadi Al-Obaidi pratique le patin freestyle.

En attendant la reprise des spectacles, Abadi Al-Obaidi poursuit son entraînement dans les installations destinées aux artistes et athlètes professionnels, où il apprend notamment les rudiments des sangles aériennes. Et, bien sûr, sur les patinoires extérieures près de chez vous.

> Pour consulter le compte TikTok d’Abadi Al-Obaidi (en anglais)