Depuis les derniers mois, prenez-vous davantage le temps de cuisiner en famille ? Avez-vous diminué votre quantité d’aliments gaspillés ? Planifiez-vous vos repas ?

Si vous êtes comme une majorité de Québécois, le confinement aura eu un effet positif sur vos pratiques alimentaires. La pandémie de COVID-19 a obligé de nombreux ménages à adapter leur quotidien. Selon le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), une grande majorité de Québécois ont vu leurs comportements de consommation alimentaire être modifiés en lien avec la fermeture des commerces non essentiels au printemps dernier. « Dans l’ensemble, les changements ont été très positifs. Une des bonnes nouvelles est particulièrement la diminution du gaspillage alimentaire », affirme Jacinthe Cloutier, professeure au département des sciences de la consommation et auteure de l’étude.

Des achats plus réfléchis

Au cours des derniers mois, les ménages québécois ont investi davantage d’efforts dans la planification des repas et des achats alimentaires. Selon le sondage du CIRANO, 61 % des Québécois ont augmenté le temps passé à la planification des repas et des achats et 40 % des répondants ont fait preuve d’une plus grande rigueur à acheter uniquement ce qui se trouve sur la liste d’épicerie. « Regarder la circulaire, faire une liste d’épicerie et s’en tenir à ce qui se trouve sur cette liste sont des comportements typiques d’une famille qui a besoin de faire attention à son budget consacré à l’alimentation », affirme Geneviève Mercille, professeure au département de nutrition de l’Université de Montréal et chercheuse au centre de recherche en santé publique.

Moins de gaspillage

Plus d’une personne sur deux a également affirmé avoir diminué la fréquence et la quantité d’aliments gaspillés. Les prix plus élevés de certains aliments, par exemple pour la viande, les poissons et les œufs, pourraient avoir entraîné cette prise de conscience. D’autres facteurs ont toutefois pu contribuer à la diminution du gaspillage alimentaire. « On avait plus de temps pour regarder ce qu’on avait dans les armoires et dans notre réfrigérateur, donc on était plus enclin à utiliser les restes de nourriture », explique Geneviève Mercille.

Selon Statistique Canada, les consommateurs ont acheté considérablement plus d’aliments non périssables durant cette période. Les ventes de riz et de légumes en conserve ont considérablement augmenté, à savoir de 239 et 180 % respectivement. Selon Mme Mercille, « tout le contexte d’incertitude économique fait en sorte qu’on a beaucoup développé notre réflexe d’entreposage ». L’achat d’aliments non périssables peut avoir permis de diminuer les risques de gaspillage alimentaire.

Plus de temps dans la cuisine

Environ deux tiers des répondants ont affirmé avoir augmenté le temps passé à cuisiner. Jacinthe Cloutier explique que pour certaines personnes, le fait de manger et de cuisiner peut diminuer le stress. « En cas d’incertitude, l’alimentation peut être une source de réconfort, parce qu’on peut exercer du contrôle sur cette sphère de notre vie », renchérit Geneviève Mercille.

Pour d’autres, la préparation des repas en famille est devenue une activité intégrée à leur quotidien. « Quand on implique les enfants dans la cuisine, ça leur permet de développer de bonnes habitudes alimentaires », affirme Mme Cloutier. Des chercheurs ont constaté que les ménages canadiens impliquaient davantage leurs enfants dans la préparation des aliments. Selon Mme Mercille, l’alimentation peut avoir beaucoup d’effets bénéfiques, entre autres de rapprocher les familles et de passer de bons moments ensemble.

Des différences sociodémographiques

De manière générale, les hommes ont augmenté leur temps de planification et de préparation des repas. « Ils contribuent de plus en plus, mais la responsabilité globale de la sphère alimentaire domestique revient encore souvent à la femme, donc les hommes ont dû s’adapter », indique Mme Mercille. Les résultats soulignent que le confinement pourrait avoir eu des effets bénéfiques sur les habitudes alimentaires de la gent masculine tout en leur permettant de développer de nouvelles compétences culinaires.

Finalement, on constate que les 65 ans et plus sont moins nombreux à avoir observé un changement de leurs habitudes alimentaires. Le maintien de leur situation habituelle peut signifier qu’ils avaient déjà de bonnes pratiques avant le contexte du printemps 2020. « Bien souvent, la majorité des gens de 65 ans et plus sont à la retraite, donc ils passaient déjà plus de temps à la maison », mentionne Mme Mercille. En effet, de précédentes recherches avaient démontré que les consommateurs aînés de 65 ans et plus ont moins tendance à gaspiller la nourriture.

Jacinthe Cloutier espère que nos bonnes habitudes acquises pendant le confinement perdureront lorsque la situation reviendra à la normale. « Si on réalise les effets bénéfiques d’avoir changé nos comportements, ça nous encouragera à les faire perdurer dans le temps », conclut-elle.