Amies depuis le secondaire, blogueuses et cofondatrices de l’entreprise Dans le sac, Laurie Barrette et Stéphanie Mandréa ont commencé à changer leur mode de vie il y a cinq ans après avoir lu le livre de la « papesse » du zéro déchet, Béa Johnson. Elles publient ces jours-ci Minimal, un guide moins radical incitant les gens à y aller un petit geste à la fois. Discussion.

Vous abordez évidemment le zéro déchet dans votre livre, mais votre propos est beaucoup plus large…

Laurie Barrette : Depuis cinq ans, notre vision du zéro déchet a beaucoup changé. Au début, on n’était très axées que sur les déchets, que sur les emballages. Aujourd’hui, on voit ça plus large. C’est un mode de vie durable : la consommation d’eau, l’électricité, une philosophie de vie de ralentir, de sortir de la croissance.

Votre livre s’en tient principalement aux conseils de base, bien que beaucoup d’information circule sur le sujet depuis un moment. Ne pensez-vous pas que les gens sont rendus plus loin dans leur réflexion et leur démarche ?

Laurie : Les gens sont conscientisés, beaucoup plus qu’avant, mais on reçoit encore énormément de questions sur des gestes qu’on tient pour acquis.

Stéphanie Mandréa : Le guide est important pour cette clientèle-là, qui est prête à en faire, mais qui n’a pas nécessairement le temps d’aller chercher une panoplie de documentaires et d’articles sur le sujet.

Quelle est la chose la plus difficile quand on amorce cette transition ?

Stéphanie : Quand tu prends la décision de faire un changement dans ta vie, tu aimerais que tout le monde embarque avec toi. Au début, pour moi, c’était fâchant de voir ma famille qui consommait telle ou telle chose, de voir des gens à l’épicerie qui mettaient des bananes dans des sacs en plastique. J’ai passé cette phase-là. Ce n’est pas en tapant sur la tête des gens qu’on va les inspirer.

Laurie : C’est difficile de se positionner là-dedans. Tu ne veux pas être perçue comme la fille qui restreint et qui n’est pas de party. Quand tu commences à embarquer dans ça, les gens pensent que tu te prives, que c’est compliqué. Il y a encore beaucoup d’éducation à faire.

Qu’est-ce que les gens ont tendance à surestimer en termes d’efforts ?

Laurie : Tout en général ! On est tellement réfractaire au changement dans la vie. Mais c’est beaucoup plus facile qu’on le pense.

Stéphanie : On n’a pas plus de temps que les autres. C’est juste une façon de gérer ton temps.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

« Oui, c’est correct d’avoir un pot où l’étiquette de beurre d’amandes
est encore là parce qu’on n’a pas eu le temps de l’enlever »,
 dit Stéphanie Mandréa.

Vous avez eu chacune un enfant dans la dernière année. Que dites-vous à ceux qui voient dans le fait d’avoir des enfants un geste anti-écologique ?

Laurie : Une personne non conscientisée peut polluer beaucoup plus qu’une personne conscientisée. Je comprends le choix de ne pas avoir d’enfants. Il y en a qui font de l’écoanxiété par rapport à ça. J’en ai parlé avec des gens qui disaient : s’il y en a qui devraient faire des enfants, c’est bien ceux qui sont conscientisés !

Quand on voit les critiques dont fait l’objet le discours environnemental et le peu d’écho qu’il reçoit de la part des gouvernements, remettez-vous parfois en doute l’effet réel de vos petits gestes ?

Laurie : Non, parce que si les gens qui sont convaincus ne continuent pas de le faire et qu’on sombre tous dans le pessimisme… Des fois, les commentaires sous les publications de Greta Thunberg sont haineux, mais si on pensait tous comme ça, ce serait encore pire. Il faut garder espoir et continuer de donner l’exemple.

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS PARFUM D’ENCRE

Minimal : pour un mode de vie durable

Stéphanie : C’est un peu pour ça qu’on a voulu faire ce guide. Pour que chaque personne dans son quotidien soit capable, pas nécessairement de virer 100 % zéro déchet et minimaliste, mais de poser des gestes pour faire des changements et non attendre que le gouvernement le fasse.

L’offre de produits zéro déchet est de plus en plus grande. Vous faites partie de ces entreprises qui en proposent. A-t-on vraiment besoin de tous ces accessoires pour réduire son empreinte environnementale ?

Laurie : Absolument pas. Un vrai zéro déchet pur et dur va faire lui-même ses objets. Des petits sacs, c’est facile à faire, mais est-ce qu’on prend le temps de le faire ? Non. On s’est dit : on va faire des sacs qui sont beaux. On va avoir envie de les utiliser et de les conserver. Et le but n’est pas de se débarrasser de ce qu’on a maintenant pour aller tout acheter zéro déchet.

Stéphanie : On essaie de le montrer de plus en plus sur nos réseaux sociaux que, oui, une armoire peut être dépareillée, que, oui, c’est correct d’avoir un pot où l’étiquette de beurre d’amandes est encore là parce qu’on n’a pas eu le temps de l’enlever. C’est parfait de réutiliser avant d’acheter neuf. Mais c’est sûr que tout le monde aime ce qui est esthétique.

Les propos de Laurie Barrette et de Stéphanie Mandréa ont été édités en raison d’un espace limité.

Minimal : pour un mode de vie durable. Laurie Barrette et Stéphanie Mandréa. Parfum d’encre. 232 pages.

Semaine québécoise de réduction des déchets

Les Québécois génèrent près de 25 tonnes de matières résiduelles à la minute. Parce que refuser et réduire est à la base d’un mode de vie écoresponsable, Zéro déchet Québec incite le public à faire des gestes en ce sens dans le cadre de la Semaine québécoise de réduction des déchets, qui se déroule du 19 au 27 octobre. Des défis de réduction sont lancés aux citoyens, aux municipalités, aux entreprises et aux écoles. Une foule d’activités allant du réparothon à l’échange de déguisements d’Halloween sont aussi organisées un peu partout au Québec. L’auteur-compositeur-interprète Jean-François Breau, qui a lui-même amorcé une démarche de réduction des déchets, est le porte-parole de l’événement.