« Pourquoi pas ! » C’est ce que notre journaliste et son mari se sont dit lorsque celui-ci s’est vu offrir un poste à Francfort pour deux ans. Ce serait une belle occasion de faire découvrir l’Europe à leurs enfants de 7 et presque 9 ans, non ? Au cours des prochaines semaines, elle nous fera part de cette expérience exaltante, mais parfois déstabilisante. Récit.

Francfort ? Allez, on se lance ! Fébriles, on a cordé nos meubles et nos effets personnels dans un conteneur en direction de cette ville d’environ 800 000 habitants (en ne comptant pas les banlieues). Située au cœur de l’Europe, la capitale financière de l’Allemagne compte près de 30 % d’étrangers. Il s’agit d’une ville riche, verte et agréable que certaines mauvaises langues considèrent toutefois comme une ville ennuyeuse. On la surnomme d’ailleurs « The boring city ». Mais comme le dit l’auteur du livre Frankfurt for Beginners, Matthias Arning, « Frankfurt is love at second sight ».

Ce n’est pas Paris, Londres, New York ou Montréal, mais Francfort a tout de même quelque chose d’attachant, avec ses grands parcs et sa douceur de vivre. Il y a toujours une foire ou une fête de quartier où l’on mange dehors des saucisses (quoi d’autre ?), le tout arrosé par la boisson officielle, l’apfelwein, un genre de vin de pomme qui ne vaut pas le détour… mais il faut bien fraterniser ! Même les Francfortois disent qu’il faut en boire trois ou quatre verres avant de s’habituer au goût. Au cours de ces rassemblements, on discute notamment de l’arrivée des banquiers de Londres, qui fuient le Brexit pour se réfugier ici… On aime d’ailleurs son « skyline », qui nous rappelle qu’on vit dans une ville de haute voltige financière. 

Francfort est un bel endroit pour se poser pendant deux ans… mais on a sous-estimé le dépaysement, qui s’est installé dès la fin des vacances. Entre la vie de touriste et celle d’expatrié, il y a un pas ! 

PHOTO OLIVIA LÉVY, LA PRESSE

Tous les nouveaux écoliers en Allemagne doivent faire
une visite obligatoire (et gratuite) chez le médecin.
 Ce dernier a donc ausculté nos enfants sous toutes
leurs coutures, confie notre journaliste.

Le défi de la langue

Le premier choc est celui de la langue. On ne comprend rien (ou presque !) à l’allemand. Et là où ça se complique, c’est que les Allemands me prennent pour une Italienne. Pour être gentils, ils me parlent en italien ! Bien sûr, on va s’y mettre. Les enfants commencent à apprendre l’allemand à l’école. Et moi aussi, je tente de comprendre les subtilités de cette langue. Mais pour l’instant, nous ressentons une certaine vulnérabilité à vivre dans un pays où, au quotidien, on manque de repères et où il est difficile d’avoir une conversation (merci Google Traduction !).

À l’épicerie, on passe des heures dans les rayons ! On ne sait plus si on mange du poulet ou du porc. Et à la maison, il faut déployer une équipe de secours pour lire courriels, lettres et factures en allemand. Notre déménageur, lituanien, nous a dit, dans un anglais approximatif, en riant : « Bon courage ! Après cinq ans ici, je parle allemand toujours très mal ! »

À la banque, quand nous avons ouvert notre compte, le banquier, polonais, avec un regard plein de bienveillance, s’est exclamé : « Je pense que l’allemand, c’est encore plus dur que le français ! »

Inévitablement, on pense à ce que vivent les immigrants qui arrivent au Québec ou ailleurs au Canada sans parler ni français ni anglais. À la très grande différence que je n’ai pas à chercher de travail pour faire vivre ma famille.

Les Québécois sont à notre avis plus accueillants. Ici, depuis un mois et demi, entre les voisins, le service (est-ce que ça existe ?) dans les restaurants et cafés, dans les gares et les aéroports, à l’épicerie, avec le plombier et dans le taxi, les relations sont, disons, plutôt très réservées, pour ne pas dire tièdes. Vraiment. On peut se féliciter. 

Bilan de santé et ballon rond

Déménager en Allemagne, c’est aussi se familiariser avec plusieurs règles. Il faut d’abord obligatoirement s’inscrire à la mairie (la amneldung) dans les deux semaines qui suivent l’arrivée. On comprend rapidement pourquoi lorsqu’on reçoit une lettre dans les jours suivants pour nous enjoindre à payer la redevance audiovisuelle mensuelle (la rundfunkbeitrag), fixée à 17,98 euros par foyer fiscal, qui finance les médias publics allemands, soit la radio et télévision publique (le Radio-Canada allemand). Nous payons donc 215,76 euros par année (environ 315 $) pour financer les médias publics d’ici. Un montant qui s’élevait à environ 33 $ par habitant au Canada en 2014.

Cette inscription à la mairie sert aussi à savoir si nous pratiquons une religion. Si c’est le cas, un impôt nous sera prélevé. La Kirchensteuer vise à soutenir les religions catholique, protestante, orthodoxe et juive. Elle est directement prélevée sur le salaire des adeptes (8 à 9 % de votre impôt sur le revenu) afin de financer l’organisation religieuse. 

Une autre surprise administrative nous attendait : tous les nouveaux écoliers doivent faire une visite obligatoire (et gratuite) chez le médecin. Ce dernier a donc ausculté nos enfants sous toutes leurs coutures, il les a fait lire et compter (pas facile en allemand !) et il nous a rendu un document officiel qu’il fallait donner à l’école. 

Ce bilan de santé de nos marmots s’étend jusqu’aux sports, même récréatifs. Pour inscrire notre fils de 7 ans au soccer, nous avons dû consulter un autre médecin, afin d’obtenir une attestation médicale. Soulagement : fiston a été déclaré « apte » et ainsi, il a pu faire partie de l’équipe. Ouf ! Mais ce n’est pas si simple ! La ligue allemande de football doit maintenant approuver le dossier. Un peu plus et on soupçonnait que notre fils était la raison de notre expatriation ! Un champion international de 7 ans de soccer échangé par le Canada, ça existe non ? Un talent brut précoce ? Il y a, rappelons-le, le joueur canadien Alphonso Davies, qui a été acheté à prix d’or par le Bayern de Munich et qui aura 19 ans le 2 novembre ! Tout est possible !