Le but étant d’attirer l’attention et de rallier des gens à sa « cause », créer un slogan en vue d’une manifestation, c’est un peu comme en trouver un pour une campagne publicitaire. Comment créer LA pancarte qui se démarquera du lot lors de la grande marche pour le climat, vendredi ? Deux créateurs publicitaires nous donnent leurs conseils.
Une image mentale forte
« Pour être porteur, un slogan doit immédiatement générer une image », souligne Marilou Aubin, directrice de création pour l’agence Lg2. « Il n’y a pas de planète B » ou « Les dinosaures aussi pensaient qu’ils avaient le temps » sont, selon elle, de bons exemples aperçus lors de manifestations pour le climat. « Il n’y a pas de planète B, tu comprends tout de suite, dit-elle. Si celle-là ne fonctionne plus, on n’a pas de plan B. Ça génère une image forte, instantanée, encapsulée dans un slogan qui résume toute la problématique. C’est un très bon slogan. » Tellement bon qu’il a été maintes et maintes fois récupéré.
L’humour, formule gagnante
Les pancartes qui circulent le plus sur les réseaux sociaux sont celles qui font sourire. Mathieu Bouillon, concepteur-rédacteur chez Sid Lee et enseignant à l’École nationale de l’humour, est convaincu que, même devant l’importance et le sérieux des enjeux, le rire est la meilleure façon de communiquer son message. « Ces manifestations-là sont un cri de la population qui dit : on est là. Il y a quelque chose de festif et, ultimement, de positif dans ces démarches-là. Je pense que l’humour est l’élément numéro un pour dédramatiser des situations et pour passer des messages de façon moins confrontante. »
Mathieu Bouillon prône notamment le recours à l’ironie un brin provocante et à l’absurde, des ingrédients de choix pour un humour politisé. Il cite en exemple un slogan publicitaire conçu il y a plusieurs années : « Cancer cures smoking » (le cancer guérit le tabagisme). « Une phrase absurde, mais vraie, et qui fait réfléchir », remarque-t-il. Pour être dans le ton, il suggère de s’imprégner des émissions américaines de satire politique comme celles de Stephen Colbert ou de Trevor Noah ou encore le segment Weekend Updates de Saturday Night Live.
Halte aux jeux de mots
Les marches pour l’environnement sont un terreau propice aux jeux de mots. Mais quiconque choisit cette voie s’aventure sur un terrain glissant. « Les jeux de mots, c’est à double tranchant, affirme Marilou Aubin. S’il est vraiment brillant, tu dis : wow. Mais ça peut facilement basculer dans le quétaine ridicule. » Un jeu de mots bien trouvé selon elle : « Les calottes sont cuites. » Calottes comme calottes glaciaires, vous pigez ?
Mathieu Bouillon constate que les jeux de mots, remis au goût du jour par certaines marques et certains humoristes, sont à la mode. « Il me semble qu’il y a 10 ans, les jeux de mots, c’était la chose la plus humiliante, le plus bas dénominateur commun. Je pense un peu que c’est la voie facile et parce que c’est un peu plus légitimé, tout le monde se permet d’en faire. »
Unir pour régner
Si votre but est de changer les comportements, l’attaque n’est pas l’attitude à adopter, selon les deux spécialistes. « C’est rare qu’attaquer quelqu’un le convainque de basculer dans un autre camp », observe Marilou Aubin. « C’est en riant, c’est en se moquant ; des fois, c’est en présentant le travers des choses qu’on réussit à conscientiser et à toucher l’intelligence et la sensibilité des gens », croit Mathieu Bouillon.
Esprit de synthèse
L’espace physique et le temps de lecture des gens étant limités, il importe d’exercer son esprit de synthèse. « Un visuel clair est important, souligne Mathieu Bouillon. Il ne faut pas écrire une diarrhée verbale sur ta pancarte. Ce ne sera pas lu. » Dans le monde de la publicité, la règle d’or est de s’en tenir à sept ou huit mots pour un panneau publicitaire. À moins que vous soyez certain d’avoir trouvé la phrase qui rendra votre pancarte virale sur les réseaux sociaux. Dans ce cas, les internautes vous pardonneront quelques mots en trop.
Visuel ou pas ?
Quand le slogan est bon, le texte seul suffit souvent, selon Marilou Aubin. « On a vu beaucoup de ce qu’on appelle le banane-banane, constate-t-elle. Planète B, on dessine une planète. Ce n’est peut-être pas la meilleure utilisation des deux médiums. »
Musicalité
Enfin, puisque nous sommes dans un contexte de manifestation, la musicalité du slogan est intéressante, note Mme Aubin, parce qu’il pourra être scandé. « Quand c’est fondu, c’est foutu ! » est un slogan qu’elle a vu récemment, qui est bien trouvé et bien rythmé.
Des agences de pub pour la planète
Des agences de Montréal incitent leurs employés à quitter le bureau pour aller manifester vendredi. Chez Sid Lee et Lg2, la créativité des employés est sollicitée pour dénicher les meilleurs slogans. La pression est forte ! « On recycle tout sauf nos idées » et « On a plus d’un tour dans notre sac. Réutilisable. » font partie des idées lancées chez Lg2.