Il faut un peu de tout et d’un peu de tous pour faire un monde. Cet été, notre journaliste parcourt les festivals à la rencontre de ceux et celles qui composent cette mosaïque humaine.

Un curieux duo de sumos déambule torses nus dans le périmètre du Festival Juste pour rire, décrochant des sourires, mais provoquant surtout l’étonnement.

Le combat serait de toute évidence inégal dans un autre contexte : l’un fait 4 pi et l’autre, 7 pi 3 po. Cependant, les deux hommes ne sont pas là pour se battre, précisent-ils, mais pour passer du bon temps entre amis et en offrir à d’autres.

Claude Giroux, « le nain », et Martin Paquette,  « le géant », se sont rencontrés dans un ring de lutte il y a huit ans, dans le cadre des spectacles familiaux Jacques Rougeau, où ils étaient engagés « pour faire un bon show ». Ils ont l’habitude d’être dévisagés dans la vie de tous les jours et, côte à côte, l’effet est encore plus saisissant.

Oui, on gagne notre vie avec notre physique. Il faut bien que ça serve !

Martin Paquette

De l’humour, il en faut pour accepter de s’habiller de la sorte. Pour faire face aux aspects irritants qui accompagnent le fait de vivre dans un corps hors norme aussi. Heureusement, ils n’en manquent pas, confirme Claude Giroux qui, plus tard dans la soirée, ira enfiler un costume de poupée « Chucky ».

« Faut savoir en rire un p’tit peu ! »

Des obstacles et des atouts

Leur différence corporelle leur rapporte plus souvent qu’elle leur nuit, estiment-ils. Claude, 63 ans, s’est fait un nom dans la World Wrestling Federation (WWF) à partir des années 80 en incarnant différents personnages comme Dink the Clown ou The Macho Midget. Il est aussi régulièrement appelé à faire de la figuration dans des productions et à doubler des enfants acteurs. L’été, il a son entreprise de tonte de pelouses.

Martin est également actif dans le milieu du spectacle et boucle les mois avec un emploi de gardien de sécurité. « Pour moi, ç’a toujours été un atout. C’est plus les obstacles de la vie courante qui sont un problème. » L’environnement est conçu, dit-il, pour répondre aux besoins du commun des mortels.

Pour habiller ses 7 pi 3 po et 500 lb, il doit se tourner vers le sur-mesure. Il n’entre pas dans une voiture standard et ne prend plus l’avion parce qu’il ne peut voyager en classe économique ou entrer dans les toilettes. « Tout me coûte plus cher avec un salaire qui n’est pas plus élevé pour autant, mais j’essaie d’être positif. »

Moi, je me suis toujours accepté, mais c’est le fait de me faire pointer du doigt qui me tanne. Et les commentaires déplacés. Ça me tanne que ce soit toujours la même rengaine. Les questions comme : “Qu’est-ce que t’as mangé pour être petit de même ?” Ben, la même chose que vous !

Claude Giroux

« À un moment donné, poursuit-il, il faut que t’oublies ça pis que tu fasses ce que t’as à faire, parce que sinon, tu vas être malheureux. »

Tous pareils et pourtant différents

La diversité est une belle réalité, souligne Martin. Si on était tous pareils, ce serait plutôt ennuyant. « Je pense que nous, ça fait tellement longtemps qu’on vit avec ça qu’on ne le voit plus. Ce sont plutôt les gens qui nous font remarquer notre différence. Mais on est des personnes, nous aussi. C’est la même affaire. Sous chaque enveloppe, y’a un cœur », ajoute le tendre géant.

Le comédien de 41 ans s’est servi de sa différence pour lancer la fondation À pas de géants, qui récolte des fonds pour Opération Enfant Soleil. Il donne également des conférences sur l’acceptation de soi aux jeunes. « Moi, je n’ai pas de problème avec ma grandeur ni avec personne. Ceux qui en ont avec moi, c’est leur problème. Je crois que dans la situation inverse, je serais plutôt porté à aller vers la personne et à tenter de la connaître. »

« Oui, plutôt que de nous dévisager ou de vous moquer, venez nous voir ! », renchérit Claude.

« Et posez-nous des questions sur notre vie. Il faut toujours faire attention à son prochain, ajoute sagement son ami, parce qu’on ne sait jamais qui est la personne sous la carapace : tout le monde est à la même égalité, peu importe sa taille. »