Ils étaient gestionnaire et designer graphique, stressés par leur vie montréalaise, en quête de mieux. Ils sont aujourd’hui propriétaires d’une boutique de chocolat au Costa Rica, encore un peu stressés, certes, mais plus heureux. Rencontre.

Nelson Rouleau et Martin Latreille disposent quelques tablettes de chocolat artisanal sur la table. Ils le soulignent fièrement : toutes leurs barres sont fabriquées dans un rayon de 30 km de leur boutique Choco, située sur la côte caraïbe du Costa Rica.

Le mercure affiche 27 oC dans le parc de Montréal où nous nous rencontrons, mais les barres de chocolat demeurent bien fermes, fait remarquer Nelson.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Nelson Rouleau et Martin Latreille, 37 ans tous les deux, se passionnent pour le chocolat. Pourtant, il y a trois ans à peine, ils ne s’y connaissaient pas plus que le commun des mortels.

C’est parce que le chocolat des petits producteurs costaricains avec qui ils font affaire ne contient ni lécithine de soya ni gras ajouté. « C’est dans le vrai gras de cacao que se trouvent les nutriments », précise Nelson, avant de nous expliquer les accords chocolat-alcool qu’ils proposent à Choco.

Martin et Nelson, 37 ans tous les deux, se passionnent pour le chocolat. Pourtant, il y a trois ans à peine, ils ne s’y connaissaient pas plus que le commun des mortels.

Mûrs pour un changement

Tout a commencé en 2013, quand Martin a lu un article qui parlait de Québécois partis s’établir au Costa Rica. L’idée venait de germer. Et s’ils le faisaient, eux aussi ?

Le couple était mûr pour un changement. Gestionnaire dans un centre d’appels, Martin voyait un avenir routinier et ennuyeux se dessiner à l’horizon. Oui, il continuerait à grimper les échelons, mais à quoi bon ? « Plus d’argent, plus de stress… » Designer graphique à son compte, Nelson en avait marre de l’hiver. Le manque de lumière le rattrapait chaque année.

Un voyage de deux semaines au Costa Rica a confirmé leur désir d’y lancer une entreprise. « Quand je suis revenu, j’étais prêt à acheter un terrain, quitter ma job, le dire à mes parents », se souvient Martin en riant. « Ben trop énervé ! », rigole Nelson.

Nelson et Martin ont donc vendu leurs avoirs à Montréal, dont deux immeubles à revenus dont Martin était copropriétaire. Ils ont traversé le Canada dans un motorisé Toyota 1985 pendant six mois avant de s’envoler vers le Pérou pour « magasiner » leur pays.

Ils avaient adoré le Costa Rica, mais ils étaient ouverts à la possibilité de s’établir ailleurs. Ils ont donc parcouru le Pérou, l’Équateur, le Panamá et le Nicaragua, mais rien n’a égalé à leurs yeux la richesse du Costa Rica, tant sa nature luxuriante que son développement socioéconomique. 

C’est après une visite guidée d’une plantation de cacao qu’ils ont eu l’idée d’ouvrir Choco. Leur boutique, qui est aussi un café, un bar et un centre d’information, est située à Puerto Viejo de Talamanca, un village côtier prisé par les surfeurs. On y trouve des Costaricains, dont plusieurs d’ascendance jamaïcaine, des autochtones Bribris et de nombreux expatriés européens.

PHOTO FOURNIE PAR NELSON ROULEAU ET MARTIN LATREILLE

Une des dégustations bières et chocolats proposées à la boutique Choco

Depuis son ouverture, en décembre 2017, Choco a accueilli quelque 9000 clients. Le couple a trois employés costaricains de confiance, à qui il peut confier la boutique pour revenir passer l’été au Québec.

Pour l’instant, l’entreprise s’autofinance, mais les deux propriétaires ne se versent pas encore de salaire. Le coût de la vie est assez élevé au Costa Rica, mais ils arrivent à vivre modestement, tant pour se loger que pour manger. Ils consomment des produits locaux (fruits et légumes, riz, fèves, poisson, poulet…) et évitent les restaurants et les produits transformés, plus chers.

Le stress, oui, mais la mer...

Oui, diriger une jeune entreprise vient avec son lot de stress, convient Martin.

Quand mes angoisses financières repartent, je me rattache au fait qu’on ne se laissera juste jamais aller à zéro. Là, on a une boutique de chocolat qui fait des dégustations avec de l’alcool. Si ce n’est pas viable à long terme, on pourrait, par exemple, ajouter des tours guidés, des retraites de chocolat…

Martin Latreille

Et le stress inhérent à l’entrepreneuriat costaricain demeure bien différent de celui qu’ils vivaient à Montréal, ajoute-t-il.

« J’ai troqué mes 50 heures de travail par semaine et mes quatre semaines de vacances pour travailler 4-5 heures tous les jours », résume Martin, selon qui il aurait été financièrement difficile, à Montréal, de mener une vie semblable.

« J’ai l’impression de toujours travailler, mais de ne jamais travailler, ajoute Nelson. Quand je pars de chez nous à vélo, le matin, je regarde la mer. C’est écœurant ! Après le rush, à la boutique, je m’assois dehors et je vois encore la mer. Il y a toujours un moment dans la journée où je décroche. Tu sors dehors et un toucan arrive. »

Le bonheur était ailleurs, pour vous ?

« Ça a clairement contribué à notre bonheur, oui », indique Nelson.