Il faut un peu de tout et d’un peu de tous pour faire un monde. Cet été, notre journaliste parcourt les festivals à la rencontre de ceux et celles qui composent cette mosaïque humaine.

L’artiste virevolte dans les airs, revenant chaque fois sur son trapèze. Pour qui n’a jamais osé défier ainsi la gravité, il a la légèreté d’une plume. Des oh ! et des ah ! s’élèvent de la foule attroupée dans la rue Saint-Denis. La crainte et l’admiration s’entremêlent. Montréal est complètement cirque et ravi de l’être.

Le trapéziste fait une dernière volte et se jette dans le vide pour atterrir en douceur sous une pluie d’applaudissements. « Le cirque, c’est ma vie, ma passion », dit-il aux spectateurs avant de les inviter à l’encourager en remplissant sa cagnotte.

Le cirque est aussi son gagne-pain.

Éric McGill, 31 ans, n’a jamais pensé faire autre chose de sa vie. Ce qu’il aime, c’est voler.

Quand tu deviens à l’aise, tu ne sens plus le trapèze : il devient une extension de ta personne. C’est comme bouger dans l’air, seul et libre.

Éric McGill

Dans ces moments, le trapéziste ne ressent plus le poids de son corps. Juste une légèreté.

Hors de l’ordinaire

« J’ai commencé avec le plongeon et le trampoline, mais aucun sport ne pouvait m’amener aussi haut », dit-il. À 18 ans, le jeune homme a quitté Ottawa pour venir étudier à l’École nationale de cirque de Montréal. Ses parents, inquiets pour son avenir, lui ont alors demandé de leur faire la démonstration, sur papier, que le cirque pouvait lui être porteur. Pour leur plaire, le jeune homme s’est exécuté. « Ils voulaient s’assurer que si j’allais dans cette direction, je le ferais à fond. »

À fond, Éric McGill l’est assurément. Il habite maintenant au Royaume-Uni et enchaîne les spectacles là-bas ou ailleurs. Quand ce n’est pas le cas, il enseigne ou s’entraîne. « Je n’ai pas une énorme maison et je ne roule pas en Lamborghini, mais j’en vis confortablement », assure-t-il.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le trapéziste Éric McGill

Quand il a terminé ses études, il s’est fait un plan de carrière. Pour lui-même, cette fois. « J’ai déjà coché la plupart des compagnies avec lesquelles je voulais travailler. J’ai un contrôle artistique sur la majorité de mes projets et j’ai la possibilité de repousser chaque jour mes limites. Ma carrière, jusqu’à maintenant, me comble. »

S’il s’agit bien d’un boulot — et Éric McGill le prend très au sérieux —, le cirque est avant tout, précise-t-il, un mode de vie.

Vivre sur la planète cirque

Le trapèze lui permet de voyager partout dans le monde.

Je ne me sens pas comme un citoyen canadien ou britannique, mais comme un citoyen du cirque. Toutes mes rencontres et tous mes déplacements surviennent, dans ma vie, grâce à lui. Plus qu’un lieu en particulier, c’est ça, ma maison.

Éric McGill

Le jeune homme décrit le monde du cirque comme une communauté sans frontières, appelée à se recroiser çà et là, dans différents pays. « C’est difficile de se voir tout le temps, mais ça fait partie des données qu’on comprend entre nous. »

À Montréal, il renoue ces jours-ci avec une bonne amie qu’il n’avait pas revue depuis un an et demi. Les retrouvailles ont eu lieu comme s’ils s’étaient vus la veille. Aussi longtemps qu’il le pourra, Éric McGill espère pouvoir continuer à voler ainsi d’un pays, d’une personne et d’un trapèze à l’autre.

La peur qui donne des ailes

Alors qu’il tournoie dans les airs, le trapéziste manque une figure et se rattrape de justesse à ses cordes. Parfois, il a peur. Mais rarement quand il s’exécute au trapèze. « Je connais les mouvements et les erreurs possibles. J’ai confiance en mes moyens physiques. Ce que je fais, c’est dangereux, mais je suis rassuré par le fait que j’ai fait toutes les préparations nécessaires avant. »

Non. Ce qu’il craint le plus, poursuit-il en faisant un signe de croix, c’est l’instant ultime où il plonge dans le vide en s’en remettant entièrement aux compétences d’un technicien et à la solidité de son équipement. « Pour moi, c’est toujours le moment où je saute dans l’inconnu. »

Là où certains verraient leur vie défiler, Éric McGill voit l’essence même de la sienne. Déjà, l’artiste est prêt à remonter sur son trapèze, à se remettre sur la corde raide et à faire un nouveau pied de nez au sort. « Si tu fais du cirque, tu dois aimer le danger. Je vis pour ces moments : pour cette connexion particulière avec le public, pour cette montée d’adrénaline et ce sentiment de satisfaction intense. Rien ne s’y compare. »