Et si Noël était un grand mensonge ? On fait croire que le père Noël existe, on fait semblant d'apprécier les réunions de famille, la dinde toujours sèche et les cadeaux inutiles ! Arrêtez de mentir ! Votre nez s'allonge !

... avec les enfants

C'est la même chose chaque année. Pourquoi racontons-nous toutes ces incroyables histoires de père Noël qui passe par la cheminée et dépose les cadeaux ?

« Ça stimule l'imaginaire des enfants », lance d'emblée la Dre Christine Grou, car il y a toute une imagination qui se développe, avec la lettre du père Noël qui arrive du pôle Nord, les rennes et lutins, les biscuits, etc. 

« C'est un type de mensonge qui permet de développer chez l'enfant une pensée fantaisiste, ce qui est important et utile, car c'est ce qui contribuera, une fois adulte, à avoir des fantasmes », précise la psychologue et présidente de l'Ordre des psychologues du Québec.

Elle souligne qu'il s'agit d'un mensonge réconfortant, qui fait partie de la tradition et qui nous donne une stabilité.

Le nouveau Dieu

Le sociologue Jean-Philippe Warren lance en riant qu'il y a tellement de mensonges à Noël que ça finit par devenir vrai ! « Le père Noël, c'est le mythe de notre société désenchantée, explique le professeur de sociologie à l'Université Concordia. Une société de consommation aura un mythe à sa mesure et ce grand mythe est le père Noël. C'est le Dieu d'une société qui ne croit plus en Dieu. »

Il constate que c'est au XIXe siècle qu'on a créé, avec le père Noël, « un réservoir de féerie pour affronter la dureté du monde adulte et pour avoir un moment de béatitude et de gaieté pure ». « Depuis 100 ans que la mécanique est bien huilée, si ça stimule l'imaginaire des enfants, ils n'ont pas inventé beaucoup de choses, car, depuis un siècle, on voit toujours les mêmes images ! », affirme le sociologue.

Pour les blogueuses et auteures Marianne Prairie et Nancy Coulombe, nous avons besoin de ces histoires inventées qui contribuent à la magie du temps des Fêtes. « En tant que parents, on souhaite être transparents, mais le père Noël ajoute une dimension féerique ! Cet univers magique fait du bien aux enfants et on ne veut pas qu'ils sortent de l'enfance trop vite », observe Nancy Coulombe des (Z)imparfaites, mère de trois enfants. 

Il ne faut toutefois pas faire durer le mensonge éternellement. « Quand les enfants grandissent et commencent à poser des questions, on ne veut pas non plus broder des histoires invraisemblables pour justifier l'existence du père Noël, là, il faut penser à dire la vérité », affirme Marianne Prairie, mère de deux filles de 6 et 8 ans. « Quand la magie devient compliquée, c'est là où je décroche », dit-elle.

Pour ce qui est de la croyance dans le père Noël, n'ayez crainte. En général, la transition vers la vérité se fait en douceur. « La nature fait bien les choses, très souvent, les enfants cessent d'y croire quand ils sont prêts », affirme Christine Grou.

N'oublions pas que le père Noël rend aussi service aux parents qui, chaque année, brandissent cette menace : « Si vous n'êtes pas sages, chers enfants, le père Noël ne vous apportera pas de cadeaux ! » « C'est un mensonge de menace, car on sait très bien que ça n'arrivera pas », conclut Mme Grou.

Photo Martin Girard, Shoot Studio

Christine Grou, psychologue et présidente de l'Ordre des psychologues du Québec

... avec la parenté

La période des Fêtes rime avec grandes tablées et réunions familiales qui sont parfois, avouons-le, un peu pénibles.

Il y a certains membres de la famille qu'on ne voit qu'une seule fois par année, à Noël, et on s'en priverait bien. Eux aussi d'ailleurs. Et que dire de la dinde sèche et du traditionnel ragoût ? Et des cadeaux qui finissent au recyclage ou, pire, à la poubelle ?

« Beaucoup de gens essaient d'échapper à Noël en s'inventant un besoin urgent de partir en voyage ! », lance le sociologue Jean-Philippe Warren. « Ils ne veulent surtout pas souffrir et encore moins faire semblant, dit-il. La pression est énorme. Il faut se conformer à la mécanique de Noël et on finit toujours par céder, même si on n'avait absolument pas envie d'aller au souper. »

« Les cousins n'ont pas plus envie de nous voir que nous, il faut se rendre à l'évidence », affirme Nancy Coulombe des (Z)imparfaites.

L'auteure et blogueuse Marianne Prairie estime qu'il ne faut pas être angoissé à l'idée de se retrouver avec sa famille éloignée. « Si c'est vraiment une corvée ou si c'est un moment trop dur à passer, il y a un moyen de célébrer Noël autrement. On n'a pas besoin de cette grande mascarade, il faut se préserver », dit-elle. 

Il reste que Noël vient souvent avec son lot d'obligations familiales. « Il y a des choses qu'on fait par devoir, car même si on n'a pas envie de se réunir, on le fait pour faire plaisir à nos parents ou grands-parents, même si en plus, chaque année, la dinde est servie froide », affirme Christine Grou, psychologue. Elle appelle cela un mensonge qui protège.

« On ne veut pas blesser les gens, alors on ment », estime Mme Grou.

« Deux valeurs s'opposent : la transparence versus la bienfaisance. On le fait, car dire la vérité est pire. Le but n'est pas de mentir, mais de préserver, et on le fait pour une bonne cause », indique Christine Grou.

« C'est un des moments de l'année où on se dit qu'on ne choisit pas sa famille ! », avoue de son côté Marianne Prairie. « On ne connaît pas certaines personnes de la famille, alors ça donne lieu parfois à des malaises. On ne sait pas qui ils sont. »

Le mensonge des cadeaux

Que penser de la tradition des cadeaux ? De ces présents qu'on donne et reçoit, parfois sans grande joie ? « Autrefois, les cadeaux, on les attendait pendant un an et c'était toujours des choses très utiles. Aujourd'hui, c'est souvent futile et on ne sait jamais quoi offrir, même si c'est l'intention qui compte », lance Christine Grou.

Pour le sociologue Jean-Philippe Warren, notre Noël commercial qui célèbre la société de consommation est en contradiction avec l'essence du Noël chrétien, où l'on met de l'avant les valeurs de pauvreté, de partage et de spiritualité. « Le don se veut gratuit, c'est un acte chrétien, on donne sans arrière-pensée, mais ça aussi, c'est un mensonge », dit-il.

Selon lui, ce n'est pas vrai que le don est désintéressé, car il y a toujours une contrepartie. « C'est la raison pour laquelle dans les familles, on se dit : la consigne est de donner des cadeaux de 20 $, alors on ne va pas commencer à donner des cadeaux de 50 $ ! »

Pour Nancy Coulombe, le plus grand mensonge est celui qu'on va se faire à soi, c'est-à-dire le fait de vouloir des Fêtes parfaites avec de belles réceptions et de jouer les superwomen, alors qu'on a juste envie de se reposer. « Il faut aussi garder du temps pour soi et ne pas se mentir à soi-même ! », conseille-t-elle.