Depuis des années, l'hyper-parent achète. À Noël, il couvre son enfant de cadeaux, éducatifs de préférence. Maintenant qu'il remet en question cette attention excessive, sur quoi le nouveau parent jettera-t-il son dévolu?

Dans le monde du jouet, le déclin de l'hyper-parent pointe. Lentement, mais sûrement, la clientèle des boutiques spécialisées s'interroge sur ses habitudes de consommation et cherche des jouets durables.

«La nouvelle génération de parents, ceux qui sont dans la vingtaine et début trentaine, veut moins entendre parler du mot «éducatif» parce que pour elle, éducatif, ça veut dire «plate». Ce mot-là a tellement été utilisé pour vendre toutes sortes de jouets! Ces nouveaux parents veulent retrouver le plaisir de jouer. Ils regardent maintenant les jouets à travers les yeux de leur enfant», constate Guy Richer, propriétaire des boutiques Franc Jeu.

Ainsi, les adultes s'interrogent maintenant sur tous ces jouets achetés avec les meilleures intentions, mais laissés au fond d'un placard. Il ne suffit plus qu'un appareil chante «ABC»: il faut d'abord que le petit utilisateur s'éclate avec.

«J'ai l'impression que le souci d'en faire un peu moins commence à se voir chez certains types de parents, croit Francine Ferland, ergothérapeute, professeure à l'Université de Montréal et auteure du livre Pour parents débordés et en manque d'énergie. C'est une tendance qui est là pour de bon, j'espère.»

Que devrait donc acheter le parent soucieux d'acheter moins, mais mieux?

Des jouets qui demandent un maximum d'action de la part de l'enfant, suggère Mme Ferland. Pour les plus jeunes, un jeu de construction avec un minimum de plans et d'illustrations, afin de laisser libre cours à l'imagination. Des figurines et des articles de bricolage aussi.

Envie d'acheter un train? Mieux vaut opter pour un modèle que l'enfant doit lui-même faire avancer, précise-t-elle. «Une fois que le train électrique bouge, l'enfant fait quoi? La perte d'intérêt est alors très rapide, fait-elle remarquer. (...) C'est la même chose avec les ensembles pour la pâte à modeler. C'est bien, l'appareil pour faire des cheveux, mais l'enfant n'a presque plus rien à faire. Je pense que plusieurs couleurs suffisent, avec quelques couteaux de plastique pris dans le tiroir de la cuisine.»

En grandissant, les enfants d'âge scolaire apprécieront pour leur part les jouets plus structurés. Si, petits, ils préfèrent agencer quelques blocs pour en faire un avion approximatif, ils éprouvent dès 7 ou 8 ans une grande satisfaction à suivre un plan seuls.

Et même après avoir «bien acheté», en accord avec les intérêts des enfants, il faut encore savoir jouer avec eux, ajoute M. Richer. «Regardez où s'amusent les enfants. Ne les amenez pas sur la table de la salle à manger si leur univers de jeu est dans le salon. Allez les rejoindre», dit-il.

Les boutiques Franc Jeu prévoient d'ailleurs une forte hausse des achats de jeux de société au cours des prochains mois, principalement parce qu'avec la récession qui pointe, les parents y verront là un investissement durable. «Le jeu en famille, sans vraiment d'autre but que d'avoir du plaisir, revient en force, constate M. Richer. J'ai avisé mes fournisseurs qu'il y aura sous peu une augmentation des ventes de ces jeux, surtout pour les enfants de moins de 8 ans.»

Encore «du trop»

D'accord, les parents s'interrogent davantage sur la quantité et la qualité des jouets qu'ils offrent à leurs enfants. Ils succomberaient toutefois à une autre tentation: celle de sauter des étapes.

«Un piège dans lequel on tombe facilement, c'est de penser que notre enfant est plus avancé que les autres enfants de son âge, explique Francine Ferland. On lui achète alors des jouets trop difficiles. La conséquence de cela? Il n'a pas d'intérêt à y jouer.»

Et quand il aura enfin l'âge requis, ajoute-t-elle, il n'y jouera pas plus. Pour lui, ce jouet n'aura jamais été intéressant.