Un jambon du Wiltshire soldé 50%, trois bouteilles des meilleures ales anglaises pour le prix de deux... Les supermarchés britanniques se livrent une véritable guerre tarifaire qui redouble à l'approche de Noël, aiguillonnée par les enseignes allemandes de maxidiscompte.

«Black Friday», «Cyber» puis «Manic Monday», les soldes monstres d'inspiration américaine organisées ces dernières semaines par les chaînes de distribution britanniques, en magasin ou en ligne, dans l'ameublement, l'électroménager ou l'électronique ont illustré l'attraction exercée par les campagnes de promotion sur les clients.

Mais au-delà des bousculades déchaînées par ces journées, les supermarchés alimentaires se livrent depuis des années une concurrence acharnée pour attirer le chaland, au point que les analystes n'hésitent plus à parler de «guerre des prix».

Conséquence: le marché britannique des ventes de détail alimentaires, qui représente 110 milliards de livres (près de 140 milliards d'euros), s'est contracté cet automne pour la première fois depuis au moins 20 ans. La facture du panier de la ménagère a diminué de 0,7% sur un an, d'après la dernière étude sectorielle publiée mardi par le cabinet Kantar Worldpanel, qui prévoit une poursuite de cette «déflation de l'épicerie» en 2015.

«Les détaillants de moyenne gamme sabrent leur prix, c'est une conséquence directe de la pression exercée par Aldi et Lidl», explique à l'AFP l'expert Fraser McKevitt.

Arrivées en terre britannique dans les années 1990, ces enseignes allemandes de maxidiscompte ont grignoté la domination des quatre principales chaînes de supermarchés nationales, notamment ces dernières années marquées par un effritement du pouvoir d'achat des ménages.

L'une des principales victimes est le leader national, Tesco, dont la part de marché est passée de 31,5% en 2008 à 29,1% à fin 2014, d'après Kantar Worldpanel. Même si elles restent très inférieures, celles d'Aldi et Lidl sont en progression constante pour atteindre respectivement 4,9% et 3,7% à fin 2014.

Un marché en sablier

Pour tenter de stopper cette glissade, Tesco a multiplié les offres promotionnelles, à l'instar des trois autres grandes chaînes de moyenne gamme du pays (Asda - filiale du géant américain Wal Mart-, Sainsbury's et Morrisons).

Mais ce faisant, il a rogné sa rentabilité au point de devoir sabrer quatre fois sa prévision de profit cette année - en reconnaissant au passage que sa direction avait un temps surestimé ses bénéfices.

Contacté par l'AFP, Tesco n'a pas souhaité s'exprimer sur sa politique tarifaire.

Une porte-parole de Lidl a assuré de son côté que le succès de l'enseigne allemande n'était pas seulement dû à sa stratégie «bas prix».

«Bien sûr la récession (de la fin des années 2000, ndlr) a eu un effet important sur les moeurs et nos prix bas nous ont alors attiré beaucoup de clients pour la première fois», a expliqué Laura Hamlin.

Mais l'adoption des produits Lidl par une frange des classes moyennes et supérieures, qui représentent désormais un quart des clients de l'enseigne, «est aussi le résultat de l'introduction de produits ''super premium'' (...) et de notre communication à propos de la fraîcheur, de la qualité et de l'origine de nos articles», selon elle.

Pour M. McKevitt, la concurrence des enseignes bon marché n'est pas la seule raison des difficultés des enseignes traditionnelles, comme en témoigne a contrario la bonne santé des magasins Waitrose.

«Waitrose et les maxidiscompteurs ont en commun d'offrir autre chose que les chaînes classiques» qui, en cherchant à toucher une palette aussi large que possible, ont tendance à mettre tout le monde dans le même panier.

Cette polarisation croissante des clients dans le haut et le bas de gamme aux dépens des magasins intermédiaires aboutit à modifier la structure du marché, qui prend peu à peu la forme d'un sablier.