Derrière les objets du quotidien, il y a parfois des mains de fée. Rencontre avec cinq céramistes qui nous donnent envie de faire avec leurs pièces la plus belle table de Noël.

Stéphanie Goyer-Morin

Montréal

«Quand j'étais petite, je croyais que mes toutous étaient vivants. Qu'ils s'amusaient dès que je quittais ma chambre. J'ai cru ça très longtemps. Plus longtemps que les autres enfants.»

Cette confidence de la céramiste Stéphanie Goyer-Morin prend tout son sens lorsqu'on voit ses oeuvres, pleines de fantaisie. Le travail de la jeune artiste (elle a terminé l'école en mai!) se divise en deux grandes familles: ses jolis objets aux ondulations romantiques et ceux qui contiennent... des doigts! Assez étrange au premier coup d'oeil. Que dire de ce porte-clés mural où les crochets sont remplacés par des doigts?

Ce curieux intérêt pour les doigts vient d'un travail imposé, à l'école, autour du corps humain. Stéphanie avait créé un nain de jardin enfoui sous son bonnet, mais dont on voyait tous les orteils. Ce côté «chatouilleux» est resté, dit-elle. Et la présence, très affirmée ou moins, selon les pièces, de ce côté fantastique.

Elle assume son côté romantique et avoue être inspirée par Alice au pays des merveilles. Ce n'est certainement pas un hasard, mais la céramiste a elle même des airs d'Alice ou de l'idée qu'on s'en fait.

Stéphanie Goyer-Morin fait des beurriers, des théières, des salières et poivrières avec une touche d'or, des bijoux. Lorsque nous l'avons visitée dans son atelier du Mile End, elle travaillait sur un tajine, une commande spéciale. Elle tourne, moule et façonne, mélange parfois même les trois techniques sur une seule pièce. Elle peine à faire le même morceau à répétition et veut que ses objets, même le plus utilitaire, aient toujours un côté décoratif évident. Un angle inattendu, un bras qui émerge ici et là. «J'aime avoir l'impression que lorsque je me tourne, ils deviennent vivants...»

Sur la table de Noël, ses pièces...

En imposent. Les formes sont simples, mais ce petit côté frou-frou donne du style à un aliment qui pourrait être bien banal. On adore l'idée de mettre deux ou trois petits plateaux à gâteaux et d'y placer les canapés, un morceau de fromage, des fruits ou des noix entières.

Où trouver les pièces de Stéphanie?

Au Salon des métiers d'art de Montréal et à la boutique Marikit'Art de L'Assomption. Ses bijoux sont vendus à la boutique Petite Rebelle, à Montréal.

goye.ca

Photo David Boily, La Presse

Photo David Boily, La Presse

Céline Fafard

Montréal

Céline Fafard travaille avec la dentelle et la poésie. Celle de son amoureux qui lui écrit des mots doux qui se retrouvent sur ses gobelets. Pour elle, les notes ont une signification particulière. «J'y devine des histoires qui nous appartiennent», confie la céramiste. Comme ce petit mot qui évoque un marcheur de l'Himalaya, inspiré d'un récent voyage en Inde.

Le texte de Julien Gagnon, l'amoureux en question, est transféré par une technique de troisième feu. L'oxyde de fer fond sur le gobelet. Les mots sont quand même assez universels pour que de purs inconnus s'y reconnaissent et décident d'acheter une pièce signée Céline Fafard. Lorsque son amoureux poète propose une prose trop «flyée», la céramiste le rappelle à l'ordre. Car ses petits gobelets de porcelaine doivent aussi trouver preneurs.

En plus de sa collection de poèmes, Céline travaille avec de la dentelle, qui devient un pochoir pour des beurriers, tasses et autres objets de la table. Tout est fait dans un atelier de Rosemont qu'elle partage avec des collègues. Ses oeuvres sont toutes utilitaires, sauf des petites boucles d'oreilles qu'elle vend sur le site Etsy.

L'artiste travaille avec le tour pour certaines pièces, comme ses jolis bols, et avec des patrons pour ses tasses et ses huiliers. La différence est visible, car la couture est apparente sur les pièces découpées. «Je dis souvent que je travaille comme une couturière, avec un patron.»

Ces jours-ci sont particulièrement occupés: la saison des salons d'art est intense, mais rentable - 80% de son chiffre d'affaires annuel est fait en décembre. Ensuite, certainement des vacances en amoureux, qui lui donneront d'autres mots doux...

Sur la table de Noël, ses pièces...

Se faufilent parfaitement entre de la vaisselle que vous avez déjà, mais ne passent pas inaperçu, surtout si elles affichent un poème. On prend un gobelet et on y met des fleurs de Noël ou des petites pailles au fromage, pour les premiers invités qui arrivent.

Où trouver les pièces de Céline?

Au Salon des métiers d'art de Montréal et au salon One of a Kind de Toronto, ainsi qu'à la boutique Articho dans Villeray, à Montréal.

celinefafard.com

Photo David Boily, La Presse

Céline Fafard

Photo David Boily, La Presse

Julie Duguay

Montréal

Elle était designer industrielle. Autant aimait-elle créer des objets, mais voir ses pièces faites à la chaîne en Chine la chicotait pas mal...

C'est un peu ce qui l'a poussée à devenir céramiste. Le saut était grand, mais Julie Duguay ne regrette pas de l'avoir fait, car ce métier de minutie lui va à ravir. Ses objets de la table sont de couleurs menthe, céleri, crème ou eau douce, et ces couleurs ne sont pas le fruit du hasard. Chaque teinte a été créée et choisie avec grand soin. Une partie de ses pièces est faite dans des moules de plâtre, le reste, au tour. Tout est utilitaire et réfléchi. Ses petits bols à thé ne deviennent jamais chauds, car il y a de l'air entre deux fines parois. Ses bols sont faits grâce à un procédé de double trempage qui lui permet de conserver un intérieur blanc et d'avoir un extérieur de couleur.

Pourquoi? Car elle aime bien que ceux qui vont manger dans ses bols puissent voir la couleur de leurs aliments. Un simple principe de gourmandise, dit-elle, et qui fait que, oui, le café est bien meilleur lorsqu'il est bu dans un bol qui a été tourné par une artiste. «Les gens veulent de plus en plus du fait main», dit-elle. Et les gens veulent de plus en plus le faire eux-mêmes. La céramiste partage donc son temps entre la création et l'enseignement. Elle enseigne le moulage au Centre de céramique Bonsecours, pour de futurs professionnels, et le tournage et le moulage au Centre Pierre-Charbonneau pour ceux et celles qui veulent apprendre les rudiments de la poterie. «Quand les gens tournent, tu pourrais entendre une mouche voler», dit-elle. Car ils oublient tout et se concentrent sur ce qu'ils tournent. «Tourner, dit Julie Duguay, c'est un peu comme faire du yoga.»

Sur la table de Noël, ses pièces...

Se marient très bien au vert des conifères. Alors on met quelques branches dans un gobelet que l'on place à côté de son beau pichet.

Où trouver les pièces de Julie?

À la coopérative L'Empreinte, dans le Vieux-Montréal, à la boutique Nous-Vous-Ils de Rosemère et au Musée du Haut-Richelieu, à Saint-Jean.

jduguay.com

Photo David Boily, La Presse

Julie Duguay

Photo David Boily, La Presse

Marie-Claude Girard

Saint-Alban

Il y a un rang à Saint-Alban qui est connu des gens du coin comme étant le rang bio, parce que les producteurs qui l'habitent cultivent selon les principes de l'agriculture biologique.

C'est dans ce rang de la région de Portneuf que Marie-Claude Girard s'est installée, il y a sept ans. Poussée par le désir d'habiter la campagne, cette céramiste montréalaise a déniché une petite maison chez un producteur de céréales, bio, qui a gentiment transformé son ancien poulailler en atelier. «Maintenant, le matin je me réveille avec le chant des oiseaux. Des fois, c'est le tracteur...»

Dans ce coin du Québec, l'artiste a retrouvé le Verdun de son enfance, qui était un peu «le Plateau de Tremblay», dit-elle, pour le très fort sens de la communauté. «Tout le monde s'entraidait et j'ai retrouvé ça ici.» Un élément essentiel lorsqu'on est une céramiste qui travaille seule, et beaucoup, dans son atelier.

À la fin du mois de novembre, Marie-Claude travaillait une douzaine d'heures par jour, de midi à minuit, en prévision du salon One of a Kind de Toronto. Il faut dire que, de son propre aveu, Marie-Claude est «taponneuse», c'est-à-dire qu'elle met le temps qu'il faut pour que chacune de ses pièces soit à son goût. Toute sa production est faite au tour, c'est d'ailleurs le plaisir de tourner l'argile et ce contact avec la matière qui a finalement fait pencher cette intellectuelle touche-à-tout vers la poterie.

Elle a depuis mis en doute mille fois ce choix de vie, mais tous les matins, lorsqu'elle entre dans son poulailler-atelier, elle sait qu'elle a pris la bonne décision. Et que le bonheur, pour elle, est dans le rang bio.

Sur la table de Noël, ses pièces...

Sont discrètes, mais festives, avec leurs petites touches de rouges, comme des fruits de houx. Ses bols de différents formats et tons donnent aussi un punch sans briser l'harmonie.

Où trouver les pièces de Marie-Claude?

À la P'tite brûlerie de Deschambault et en la contactant directement.

facebook.com/mcgirardceramiste

Photo David Boily, La Presse

Marie-Claude Girard

Photo David Boily, La Presse

Marie-Joël Turgeon

Bedford

Elle a le souci du détail. On le voit dès qu'on passe la porte de sa maison de Bedford, dans les Cantons-de-l'Est. Marie-Joël Turgeon et son partenaire de vie et de création, Jordan Lentink Pate, sont tombés amoureux de la région l'année dernière et ont mis la main sur une belle grande maison centenaire qu'ils rénovent avec soin. En si peu de temps, mais avec beaucoup d'efforts, la maison est déjà à l'image du couple: beaucoup d'éléments naturels, de pièces du passé et d'oeuvres d'artistes et d'artisans. Tout cela combiné avec harmonie et douceur.

L'Atelier Tréma, une référence au prénom de la céramiste, a été aménagé dans l'ancien garage de la demeure. Marie-Joël y tourne ses pièces, en moule quelques-unes. Jordan travaille sur les tuiles qui deviendront de splendides courtepointes à accrocher au mur.

La gamme de pièces de Marie-Joël Turgeon est vaste: assiettes, jolies poires décoratives, tasses et bien d'autres objets dont un pichet qui a une anse en corde, car la céramiste «déteste» faire des anses rondes! Le couple loue aussi un loft dans l'ancienne usine de Singer, de l'autre côté de la rue, pour arriver à produire et entreposer les nombreuses pièces de l'artiste.

Car, jeune trentenaire, Marie-Joël Turgeon est déjà arrivée à bien vivre de son art. Cela ne s'est pas fait sans de longues heures de travail, tous les jours, et une tournée constante des salons d'artisans, essentiellement des «craft shows» en Ontario. L'été, c'est parfois en famille et en roulotte que Marie-Joël se rend aux expositions. Une vie un peu bohème qui lui va très bien.

Sur la table de Noël, ses pièces...

Créent l'harmonie. Ses assiettes et plats blancs avec des motifs en empreintes se fondent au décor, mais finissent inévitablement par être remarqués. Son plateau de fromages est splendide.

Où trouver les pièces de Marie-Joël?

À la coopérative L'Empreinte à Montréal, à la boutique Nous-Vous-Ils de Rosemère et Au Coeur des Saisons, à Sutton, notamment. La liste complète des points de vente se trouve sur son site.

lafemmetablier.wix.com/ateliertrema2014

Photo David Boily, La Presse

Marie-Joël Turgeon

Photo David Boily, La Presse