Il y a presque un an maintenant qu'Isabelle Clément a troqué son penthouse contre un appartement du quartier Villeray, entraînant, dans ce mouvement de simplicité volontaire, son amoureux Alain Menier et sa fille Emmanuelle, 16 ans.

Pour la blogueuse et conseillère en décoration, l'opération allait pour ainsi dire de soi. «Nous voulions réduire les dépenses et être plus libres de nos déplacements, explique-t-elle. Notre conscience environnementale se développait. Ce n'était pas congruent de continuer à habiter un condo neuf à mensualités élevées.»

Voilà maintenant la petite famille dans un 4 au rez-de-chaussée, avec sous-sol. Ouvert, le propriétaire Roger Marchand a accepté d'éliminer une cloison, de déshabiller la cuisine et de laisser la bride sur le cou à la créativité de sa nouvelle locataire. Cette dernière, comprenait-il, valorise hautement le travail de l'artisan et la récupération, tout en étant portée sur le style vintage et les objets décoratifs chinois.

«M'intéresser au vintage, c'est comme une façon de me faire des racines», confie celle qui est arrivée de France en 1988.

Deuxième vie pour des objets

Le point focal de la cuisine: une cuisinière Hotpoint des années 50, rose pastel, donnée par l'artisan Hubert Soucy, devenu un ami grâce au blogue De la ruelle au salon.

Aussi habile à récupérer d'anciens objets que Mme Clément l'est à agencer les couleurs, M. Soucy, qui n'en est pas à sa première cuisine récup, l'a aidée à rénover la sienne. La cuisinière rose, remise en condition par Antique Électro, à Sherbrooke, côtoie maintenant un ancien meuble médical converti en armoire vert menthe, ainsi qu'un mini-réfrigérateur peint en noir. (Un frigo standard se trouve au sous-sol.)

Le comptoir et le dessus de l'îlot, également noirs, proviennent d'anciennes tables de laboratoire de chimie d'une école secondaire. Les étagères sont d'anciens tiroirs d'usine.

La danse des couleurs

Dans la cuisine, les yeux sont d'abord attirés par la vaisselle antique occupant une tablette: la verte, en jadéite, et la rose, en verre borosilicaté, de marque Fire King Swirl.

Ensuite, on remarque le rappel vert menthe au fond des tiroirs-étagères et d'autres touches de cette couleur dans les tableaux au petit point qui tiennent lieu de portes d'armoire.

Petit à petit se font d'autres découvertes: le dosseret rose-rouge-doré-vert, la tapisserie au plafond de la salle à manger et dans les embrasures de porte, les cervidés qui se regardent, l'un sur le piano et l'autre par terre... «J'aime les décors qui font "Cherchez Charlie", confie Isabelle Clément. Je réunis souvent des choses chamarrées dont les couleurs s'harmonisent.»

Témoin cet agencement au-dessus du vaisselier de la salle à manger, composé de coups de coeur disparates: un luminaire en trois grosses pastilles de verre rose, une peinture à numéros d'inspiration chinoise, deux tableaux au petit point, deux chats de porcelaine, deux petits cadres en broderie et deux autres en plâtre. Seul élément neuf de l'ensemble: le radio.

À côté du vaisselier s'empilent des couvertures crochetées Granny Square, toutes trouvées par hasard en cherchant autre chose. «Je me suis dit, pour chacune: la personne qui a réalisé cette couverture y a mis de la patience, de la créativité et un peu de son âme. Je ne peux pas la laisser tomber dans l'oubli», explique la blogueuse-décoratrice.

Rien de ce qui se trouve dans l'appartement n'a coûté plus de 100$, à part le piano, acheté neuf il y a 10 ans.

Pas pour gens pressés

L'approche de décoration chinage-bricolage n'est pas pour tout le monde. «Cela demande de la patience, observe Mme Clément. Il faut prendre son temps, car plus on vit dans un logement, plus on voit ce qu'il nous faut.»

Cela demande aussi de savoir tolérer quelques imperfections, comme la porte du four qui grince, inépuisable source de plaisanteries pour la jeune Emmanuelle. Cette ado, plus rétro pour ses vêtements que pour la décoration, rêve d'une chambre toute blanche avec des étagères IKEA! Mais ses amies aiment bien l'appartement. Elles s'assoient et observent l'arrangement de chaque zone.

delaruelleausalon.com

Photo Bernard Brault, La Presse

La tapisserie de la chambre principale (Cole&son, chez Empire Papier Peint) s'harmonise avec le couvre-lit YoYo Quilt (petites annonces) et les meubles Thomasville (bureau et chaise rose). Lit personnalisé en laiton des petites annonces et miroir du marché aux puces.

Photo Bernard Brault, La Presse

Vue sur la salle à manger et la cuisine. Le lustre, du designer italien Sciolari, est une valeur laissée pour 75$ dans les petites annonces d'Ottawa.