Depuis 15 ans, le designer québécois Francis Cayouette fait carrière à Copenhague, au Danemark, la capitale du design. La Presse l'a rencontré dans ses quartiers.

Situé près de la mer et du quartier historique de Nyhavn, le bureau de Unit 10 Design fait face aux jardins du château Rosenborg, au coeur de Copenhague. À côté de la porte d'entrée, parmi tous les noms scandinaves des gens qui occupent l'immeuble, un nom québécois ressort.

Francis Cayouette compte parmi ses clients Stelton, Normann Copenhagen et le géant IKEA. On lui doit notamment la «classique» pyramide d'anneaux en bois MULA avec laquelle jouent des enfants partout dans le monde. «Parfois, tu arrives chez les gens et ils ont un de tes meubles, lance le designer montréalais établi au Danemark depuis près de 15 ans. C'est bien de voir tes produits vivre par eux-mêmes.»

Né à Saint-Hyacinthe, Francis Cayouette a fait une technique puis un baccalauréat en design industriel à Montréal. À la fois comme étudiant et diplômé, il a bossé pour le designer montréalais de grande expérience Michel Morelli.

Il a rencontré sa femme, Anne-Marie Raaschou-Nielsen, danoise et aussi designer, à Montréal. Après la naissance de son premier enfant, en 1998, le couple a déménagé à Copenhague, notamment pour des raisons familiales. Pour un designer, ce changement représente un beau défi, car Copenhague est un haut lieu du design. «Les gens parlent anglais, ici, mais j'ai appris le danois, raconte Francis Cayouette. Anne-Marie et moi avons ouvert le bureau ici. Cela n'a pas été facile au début. Il a fallu du temps avant d'avoir suffisamment de projets.»

Les choses ont bougé rapidement quand le couple a cogné à la porte d'IKEA et s'est rendu en Suède pour proposer un projet de casse-tête en bois destiné aux enfants. «Ils ont beaucoup aimé. Quelques semaines après, ils nous ont dit qu'ils voulaient travailler avec nous.»

Cette collaboration a été la première d'une longue série pour des objets domestiques, mais aussi des meubles de rangement, des lits, des éviers et même une télévision - «un gros projet qui a duré des années» - qui n'est pas vendue en Amérique du Nord. «L'idée, c'était d'avoir une télévision et une chaîne stéréo qui s'intègrent dans le mobilier», explique Francis Cayouette.

Le designer a également créé plusieurs éléments de la collection PS d'IKEA, plus limitée, «où le design est plus poussé», et qui compte un portemanteau dont les crochets sont des boutons colorés qui peuvent glisser à la verticale à la hauteur désirée.

Outre IKEA, Francis Cayouette compte parmi ses clients Normann Copenhagen et Rig-Tig. «Je viens de faire cet ensemble à thé pour Stelton», indique-t-il en allant chercher les différentes pièces sur une bibliothèque.

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Les tapes de la création 

Avant l'étape de la production, Francis Cayouette montre d'abord à ses clients des esquisses, puis des maquettes, des illustrations ou des impressions en 3D. Il collabore avec les fournisseurs des entreprises avec lesquelles il travaille. «Avec IKEA, je voyage beaucoup, notamment en Asie et en Europe, dans les usines de production. Parfois, c'est là que je commence le projet, et non sur la table à dessin. Je vois ce que le fournisseur est capable de faire et comment créer des produits avec de nouvelles techniques et de nouveaux matériaux. On travaille directement avec la matière», explique-t-il avec enthousiasme.

À Copenhague, la camelote n'existe pas. Même la boutique Tiger - une sorte de Dollarama - propose des objets design et de très bon goût. «Ici, les gens sont hyper conscients de la valeur du design et de la qualité dans les produits. On n'a pas à prouver qu'il faut travailler avec un designer. Cette discussion n'existe même pas.»

En Amérique du Nord, le designer doit encore souvent justifier et faire valoir son rôle. «Les gens voient souvent le design comme un ajout, comme de la décoration. Ici, les gens comprennent que cela fait partie de la fonctionnalité de l'objet dans son ensemble, donc le design est intégré avant même le projet.»

Ces jours-ci, Francis Cayouette travaille à la conception de plusieurs tables à café pour IKEA. Aujourd'hui, 15 ans après son arrivée à Copenhague, il a le loisir de choisir ses projets. Il engage des assistants selon ses besoins. «Comme j'ai un petit bureau, je garde mon créneau d'objets plus humains.»

«J'aime le côté humain, justement, ici», souligne le designer, qui ne fait pas ses 45 ans.

Cinq créations phares de Francis Cayouette

Cool-It

Rig-Tig (2014)

Cette carafe à garder au congélateur peut contenir 1,5 litre d'eau. Sa valeur ajoutée: son bouchon en forme de balle qui culbute sur le bec verseur. Baptisé Cool-It, l'objet de cuisine a valu à Francis Cayouette le prix allemand Design Plus 2014.

Photo fournie par Rig-Tig

Uppleva

Client: IKEA (2012)

Ce modèle de téléviseur intelligent, pas vendu en Amérique du Nord, propose un design qui s'harmonise avec le mobilier et le décor. Il mise en outre sur la simplicité.

Photo fournie par IKEA

One Step Up

Normann Copenhagen (2010)

Non seulement attrayante, cette bibliothèque peut facilement se plier et se ranger. Elle a été conçue initialement pour un client qui voulait exposer des objets dans une foire. En vente chez Normann Copenhagen, le magasin s'en sert également pour mettre en valeur des produits en solde.

Photo fournie par Norman Copenhagen

Heima

Normann Copenhagen (2009)

Très populaire en Europe comme en Amérique du Nord, ce chandelier en fer s'inspire du mouvement des artisans du fer danois des années 50 et de la tenace habitude des Scandinaves d'éclairer leur maison à la bougie.

Photo fournie par Norman Copenhagen

Bygga

Client: IKEA (2004)

Le premier contrat de Francis Cayouette pour IKEA lui a permis de réaliser des jeux pour enfants. Ici, le designer originaire de Montréal a réinterprété le jeu de bois traditionnel avec un ensemble de pièces qui permettent notamment de construire une moto.

Photo fournie par IKEA