Les années 70 ont été celles de la brocante. Les années 90, celles de la contemporanéité. Vingt-cinq ans plus tard, le vieux et le neuf ne font pas que cohabiter, ils sont désormais soudés. Plusieurs commerces en attestent. L'Atelier du presbytère est l'un d'eux. Nous avons rencontré les fondateurs dans leur sanctuaire.

Ils ne sont ni antiquaires ni brocanteurs. Pas vraiment couturiers non plus. Artistes? Peut-être un peu. Artisans, certainement. Avec leur boutique L'Atelier du presbytère, Françoise et Thierry donnent depuis 18 ans une deuxième vie au vieux linge de maison et aux robes de grands-mères en mettant les ciseaux dedans, ce qui semble à la fois un sacrilège et une bénédiction.

À partir de ces grands draps délicatement bordés et souvent monogrammés qui dorment dans les placards parce qu'ils sont trop exigeants à entretenir, tachés ou tout simplement oubliés, et de ces robes écrues un peu raides et déchues que portaient les femmes d'une époque révolue, ils créent des tabliers de cuisine (pinafores) et des torchons, des coussins à multiplier au salon, des trousses de toilette et d'autres objets utiles pour la maison.

Dans leur local au troisième étage d'un immeuble industriel situé un peu à l'ouest du marché Atwater - où l'on ne s'introduit que sur rendez-vous -, les étoffes de lin, de chanvre et de métis (mélange lin-coton ou chanvre-lin) sont savamment empilées sur chacun des pouces carrés des tablettes qui se hissent jusqu'au plafond et attendent d'être charcutées. De ces pièces provenant pour la plupart d'Europe et datant de 1850 à 1920, chaque parcelle est recyclée et seules des retailles de la taille d'un timbre-poste sont sacrifiées.

«Le lin ancien se distingue clairement de celui que l'on produit de nos jours», affirme Thierry en caressant du revers de la main un échantillon écru aussi fin que costaud. «La fibre, le tissage, le grammage, tout est différent. Les gens ont souvent des a priori au sujet du lin ancien qu'ils associent aux «draps des pauvres», mais quand ils le comparent avec un morceau de tissu produit aujourd'hui, ils prennent conscience de sa beauté.»

L'homme sait de quoi il parle, car c'est lui qui, un à un, a débarrassé ces textiles de leur vieillesse avec une brosse, un savon de Marseille et beaucoup d'huile de coude. C'est aussi lui qui les a étendus au grand air et qui taille chacun des morceaux de leur deuxième vie.

Françoise et Thierry ont fait leurs stocks en Europe il y a 20 ans, lorsque personne ne voulait de ces vieilleries.

En 1996, dans un atelier de Provence, juste en face du presbytère de l'abbaye de Frigolet, Françoise improvisait des rideaux à partir de chutes de tissus d'éditeurs rapportées par son amoureux, alors styliste chez Roche Bobois. Dix ans plus tard, ils ont traversé l'Atlantique pour s'installer à Montréal.

Vrai vieux, vrai neuf, vieux neuf, toutes les combinaisons sont maintenant permises.

L'Atelier du presbytère

4710, rue Saint-Ambroise, local 302

514 448-1768


PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE