Acheter un meuble tel qu'il est présenté en magasin? Non merci, affirment de plus en plus de consommateurs, qui font preuve d'audace pour meubler leur intérieur selon leurs aspirations.

Catherine Vachon désirait un lit élégant et intemporel, qu'elle serait fière de conserver plusieurs années.

Alors qu'elle emménageait avec son amoureux dans leur toute nouvelle maison à Mirabel, elle s'est fait plaisir en faisant fabriquer le meuble selon ses spécifications: de format très grand, avec des pattes métalliques et une tête de lit bien droite rembourrée en cuir ultrablanc, capitonnée, mais sans boutons, pour voir une succession de carrés.

Dans sa chambre, la tête de lit ressort contre le mur bleu foncé. C'est exactement l'effet voulu. «Je la voulais plus haute que la normale pour bien la voir, même avec des coussins, explique la jeune femme de 25 ans. J'ai aussi fait ajouter deux rangées de clous. C'est plus chic.»

Un an plus tard, elle en est toujours aussi fière.

«C'est un investissement à long terme. Mon père m'a toujours dit que cela ne sert à rien d'acheter en attendant. Cela revient toujours plus cher parce qu'il faut faire une deuxième dépense.»

«Son» lit, réalisé par Jaymar, figure même aujourd'hui parmi ceux proposés par l'entreprise. Les consommateurs peuvent en effet dorénavant opter notamment pour un lit Catherine, Dylan, Isabelle, Jessica, Alonzo, Rachel, Nathalie ou Line (du nom de la mère de Catherine, qui s'est fait faire des lits plus traditionnels).

«Avant, nous avions cinq ou six modèles, souligne Daniel Walker, président de l'entreprise établie à Terrebonne. Nous sommes rendus à 30 pour répondre à ce que les gens veulent, que ce soit en matière d'apparence, de confort, d'espace ou de rangement.»

Un modèle gagnant

La concurrence asiatique a fait mal aux fabricants québécois de meubles. Les achats par internet les malmènent aussi. Leur planche de salut? Leur capacité de s'adapter aux goûts de plus en plus variés des Nord-Américains.

«Nous présentons davantage un concept qu'un produit. Tout le monde peut faire des chaises à grand volume, mais tous ne peuvent pas les personnaliser», explique Michel Deveault, président et chef des opérations de Canadel.

«On ne se fera pas de cachette, nos meubles coûtent plus cher que ceux fabriqués en Chine à cause de l'écart de salaire assez appréciable et des normes gouvernementales auxquelles nous sommes soumis. Il faut offrir une plus-value qui se voit à l'oeil», ajoute M. Deveault.

Celle-ci se traduit entre autres dans le choix de tissus (200), de couleurs du bois (52) et de verre (16), répartis dans les six collections de l'entreprise. Chaque jour, les 1150 chaises et 200 tables confectionnées diffèrent les unes des autres.

Les chaises de la marque Bermex sont quant à elles offertes dans un choix de 320 tissus courants, Sunbrella et cuir, et 182 finis et couleurs, pour l'ensemble des collections. «Environ 80 % de ce que nous produisons est fabriqué une seule fois, précise Nancy Villemure, vice-présidente marketing et opérations commerciales chez Groupe Bermex, qui regroupe notamment les divisions Bermex et Dinec. De plus en plus, l'avant et l'arrière des dossiers ainsi que les assises sont rembourrés avec différents tissus. Le choix de capitonnage et le style des coutures donnent aussi un look différent aux chaises.»

La souplesse va jusqu'à acheter la quantité nécessaire de tissu chez Jaymar, par exemple, pour que le canapé de cette marque se marie parfaitement avec les chaises de cuisine fabriquées par d'autres, comme Bermex ou Verbois. «Les intérieurs étant très ouverts, les gens aiment avoir une continuité entre le salon et la salle à manger», constate Sophie Boucher, directrice des ventes chez Verbois.

Chez Bugatti Design, tous les fauteuils et canapés sont faits sur mesure. «On ne tient rien en stock, assure le propriétaire, Enzo Basilicata. Offrir des choses différentes, c'est ce qui nous garde en vie.»

Photo François Roy, La Presse

Catherine Vachon désirait un lit élégant et intemporel, qu'elle serait fière de conserver plusieurs années.

Livraisons rapides

Cette offre originale permet aussi aux détaillants de se distinguer, en proposant autre chose que ce qui se trouve sur l'internet. «Les meubles et les électroménagers sont pratiquement les seuls biens durables que les gens vont acheter et garder 10 ou 15 ans, souligne Sylvain Bonneau, copropriétaire de Maison Éthier. Autant qu'ils soient à notre goût. 

«Les délais de fabrication des manufacturiers québécois se sont beaucoup améliorés, poursuit-il. Ils sont d'environ 4 semaines, contre de 12 à 16 semaines auparavant. Cela devient un grand avantage, car les consommateurs sont de plus en plus pressés et veulent leurs meubles tout de suite. Si on commande en Italie, le délai peut être de 16 à 20 semaines.»

Jusqu'où vont les fabricants pour se différencier? S'inspirant des superbes malles offertes naguère par Louis Vuitton, Trica attire l'attention avec ses tiroirs de commodes et de lits, dont le fond et les côtés sont tapissés du tissu choisi par les futurs propriétaires.

«On enjolive ces tiroirs où les gens mettent leurs objets les plus intimes, leurs vêtements les plus chics, souligne François Caron, fondateur et chef designer de l'entreprise. C'est fou comment ils osent les personnaliser!»

Photo François Roy, La Presse

Catherine s'est fait plaisir en faisant fabriquer son lit selon ses spécifications. La tête de lit rembourrée en cuir ultrablanc est droite et capitonnée, mais sans boutons, pour voir une succession de carrés.