Les images foisonnent sur les plateformes comme Pinterest et Instagram: des tapis colorés empilés, une petite montagne de coussins dépareillés, sans oublier les plantes de toutes sortes, mais surtout tropicales et sculpturales. Ce style de déco, on l'appelle bohème. Ou plutôt, nouveau bohème, en référence au livre The New Bohemians, de Justina Blakeney, blogueuse et styliste californienne reconnue pour sa déco hétéroclite, bourrée de motifs et de couleurs.

Pour son livre, Justina Blakeney a parcouru les États-Unis à la recherche d'appartements, de maisons, de cabanes et même de garages (!) où la créativité et une certaine attitude décontractée s'exprimaient dans un style de déco éclectique et libre. Car le point commun de la décoration de ces nouveaux bohèmes, c'est bien l'absence de règles inflexibles. «Ils incorporent la créativité dans chaque aspect de la vie. Et ils ont la bougeotte! Ils n'ont peut-être jamais voyagé, mais leur esprit les amène à explorer, ne serait-ce que le pâté de maisons ou le quartier. Ils sont influencés par les textiles, les arts et les artefacts», précise Justina Blakeney en entrevue.

Le style néo-bohème se traduit de différentes façons. Dans son livre, Justina le distille en six catégories: moderne, romantique, terre-à-terre, nomade, maximaliste et folk. Un point commun? «L'éclectisme! Ce qui est fondamental, ce sont les contrastes et les mélanges des styles, des époques, des textures, des couleurs, du neuf et de l'ancien. De plus, les gens aiment collectionner des objets de partout dans le monde», énumère la styliste américaine.

La tendance expliquée

«Pour moi, c'est surtout des trésors de voyage, donc un assemblage, une collection d'articles coups de coeur trouvés un peu partout au fil du temps. Des trucs avec de la texture et des motifs. Des choses que parfois tu n'oserais pas mélanger mais finalement, ça fait beau quand tu les mélanges», explique Stéphanie Hébert, propriétaire de la boutique en ligne Baba Souk.

Cette graphiste de formation déniche des tapis, coussins, paniers et autres trésors dans les souks du Maroc, qu'elle visite au moins une fois par année. Vendues expressément en ligne pour l'instant (elle vient d'acquérir un espace atelier pour y organiser des événements), ses trouvailles cheminent surtout au sud de la frontière, où les décors ethniques et décontractés sont plus répandus.

«Dans le fond, la déco bohème, c'est vraiment plusieurs choses: c'est un style d'inspiration ethnique, qui est chaleureux, très abondant. Des textures naturelles: cuir, lin, coton, dentelle. Beaucoup d'imprimés colorés et floraux. Des objets chinés, usagés, de collection. C'est inspiré par les pays du Moyen-Orient et de l'Amérique du Sud», résume efficacement Laurence Marinacci, copropriétaire de la boutique Buk & Nola, située dans l'avenue Laurier. Ce repaire déco propose de jolis articles issus du travail d'artisans d'ici et d'ailleurs.

L'idée de la collection est récurrente dans la déco bohème. Ce côté très humain qui cherche à trouver des objets plaisants, qui ont un sens, et de les exposer, à la manière d'un musée chez soi. Quelques pierres trouvées sur une plage déposées artistement sur le dessus d'un bureau. Des coussins, glanés aux quatre coins du globe, des paniers, assiettes, bibelots, que l'on glisse dans sa déco, comme de petits trésors.

Un style renouvelé

Soit, il n'y a rien de nouveau dans le fait d'incorporer quelques éléments dénichés en voyage ou lors d'une visite chez le brocanteur. «Je trouve que le monde préfère le bohème avec un twist moderne. On aime le mélanger avec des articles modernes et rustiques», explique Tina Maniatis Marks, designer d'intérieur chez Vision Design & Solution, l'entreprise derrière la cuisine de Marilou, du blogue archipopulaire Trois fois par jour.

De son côté, Amlyne Phillips, jeune designer montante responsable de la déco de plusieurs restos en vogue à Montréal comme le Fitzroy, la Maison Sociale ou le Jatoba, qualifie le style de confort joyeux. «Il y a beaucoup de motifs colorés, de textures, les uns par-dessus les autres. Beaucoup de coussins, de tapis empilés, des poufs, pas nécessairement utiles, plus décoratifs. C'est un espace chaleureux, un confort joyeux. Apaisant et très relax. Le coloré joue un gros rôle», explique Amlyne, qui va lancer à l'automne une boutique en ligne du nom de son entreprise de design, La Chambre Co., dans laquelle on retrouvera toutes sortes d'objets chinés et recyclés.

Pas uniquement une tendance esthétique, le look bohème s'imprègne dans un style de vie, une certaine philosophie. «Le retour du bohème, ce n'est pas juste le retour du style des années 70. Je pense que c'est aussi une réaction au made in China et à tout ce qui est industriel», affirme Stéphanie, de Baba Souk.

Même constat chez Laurence Marinacci de la boutique Buk & Nola: «Ça va avec la tendance générale de faire pousser notre jardin. Les gens ont envie de mettre la main à la pâte et d'avoir une histoire reliée à leurs objets. C'est comme un retour à la source à tous les niveaux.» Elle ajoute que le bohème des années 70, c'était une réponse à l'après-guerre, une révolte contre les règles. «Aujourd'hui, c'est la saveur de l'amour, la joie, l'allégresse. Justina Blakeney, elle sait vraiment célébrer la vie, ce qu'on a autour de nous. C'est un appel au positif», conclut Laurence.

- avec la collaboration de Claudia Guerra

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Stéphanie Hébert, propriétaire de Baba Souk.