Ça commence souvent par un coup de coeur, puis d'achats en trouvailles, le passe-temps devient collection. Puis passion, qui envahit toute la maison! Au cours des prochaines semaines, nous vous présentons des collectionneurs aguerris... et certains de leurs plus précieux objets.

L'invention de la radio, au début des années 20, a fortement impressionné les sociétés industrialisées du monde entier. Quelque 40 ans plus tard, sa découverte par un petit garçon aura un tel effet qu'il passera sa vie entière à collectionner ces témoins d'une fulgurante évolution.

Jacques Chauvin devait avoir 6 ans lorsque sa fascination pour un poste de radio se manifesta. «J'ai pris la radio de la cuisine et je l'ai examinée de tous les côtés. Je n'arrivais pas à trouver où se cachait le monsieur qui parlait dedans, alors je l'ai démontée.» C'est sur un assemblage de lampes qu'il est tombé!

Dès lors, Jacques Chauvin s'est toujours intéressé à ce qui fait voyager la voix. Enfant, il faisait le tour du quartier avant les éboueurs et entassait sur sa voiturette sa collecte de radios et de télés abandonnées comme autant d'insectes curieux à disséquer.

«De génération en génération, rappelle-t-il, la radio a informé, rassuré, diverti les gens, et son histoire est indissociable de notre éducation. C'était particulièrement vrai pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce l'est encore avec les technologies qui nous donnent accès aux stations du monde entier.»

Les radios, Jacques Chauvin n'en fait pas une obsession, mais le sous-sol de son bungalow leur est tout de même consacré et un garage s'apprête à être construit pour faciliter leur restauration, car presque toutes ont dû être disloquées, réparées et repeintes avant d'être remontées.

Sa collection - qui réunit quelques centaines d'appareils datant du début des années 20 aux années 70, dont une quarantaine de fabuleuses petites radios de poche Sony des années 50 et 60 - se divise en trois ou quatre grandes catégories autour desquelles gravitent quelques spécimens moins facilement classables. Parmi eux: la Volksempfänger, cette radio du peuple commandée par Hitler pour mieux diffuser sa propagande.

Il y a donc tout d'abord les radios de table allemandes pour lesquelles Jacques avoue avoir un faible particulier. Sur une portion de mur s'alignent méthodiquement une vingtaine de ces appareils à lampes datant des années 50-60, offrant un accès exclusif à la bande AM. Ces impeccables caissons en bois, garnis de boutons-poussoirs, affichent une forme rectangulaire plutôt imposante et austère.

Pendant qu'il attend que les lampes de l'un de ses appareils chauffent afin que le son en émane, le collectionneur confesse son amour pour la bande AM. «La différence entre la AM et la FM est énorme, dit-il. J'aime écouter le son de cette bande enrobante, très centrée sur la voix. Il y a des bruits à l'arrière, parfois des interférences, je trouve beaucoup de charme à ce son fait pour ces radios d'époque.»

À côté de ce groupe européen s'expose une pléiade de modèles en bakélite d'origine canadienne ou américaine (1940-1950). Leurs teintes sont joyeuses et leurs formes ludiques rappellent celles de l'aviation. Sur des boîtiers chaque fois réinventés sont inscrits les noms Crosley, Braun, Northern Electric, Barlett et Addison. Modernité oblige, certains proposent un réveille-matin, d'autres, une prise destinée au branchement d'une cafetière s'activant au moment où l'alarme se déclenche!

Sur le troisième pan de mur sont rassemblés quelques-uns des plus anciens modèles, parmi lesquels figurent une trentaine de radios américaines Philco des années 30 et 40, ainsi qu'une radio canadienne Marconi dont le cadran s'éclaire aux couleurs de l'arc-en-ciel. La doyenne, qui date de 1922, prend la forme d'une planche de bois de 1 mètre de longueur où sont sommairement alignés lampes et modules. L'imposant ensemble est assorti d'un gros cornet de tôle à disposer à ses côtés.

«Pour arriver à syntoniser une station, raconte Jacques Chauvin, il fallait être un opérateur radio assez connaisseur pour savoir quels boutons manipuler en même temps.»

Le collectionneur a en main tout ce qu'il faut pour réparer la chose, mais le temps lui manque. Contrairement à plusieurs compères, si la météo est au beau fixe, il préfère encore partir en balade avec sa femme à bord de son cabrio... et écouter la radio!

Photo Robert Skinner, La Presse