C'est une maison, mais ses propriétaires l'appellent «le chalet». Elle a pris la place d'une cabane à bateaux et d'une bécosse.

C'est une maison, mais ses propriétaires l'appellent «le chalet». Elle a pris la place d'une cabane à bateaux et d'une bécosse.

 Elle n'a pour voisins que les roches et le Saint-Laurent. Elle est loin de tout, même la boîte aux lettres se trouve à plus d'un demi-kilomètre.

 La résidence de Denis Chapleau et de Michelle Brochu est perchée sur un massif de granit qui s'avance dans le fleuve, à Saint-Germain de Kamouraska.

 Elle occupe le terrain qui appartenait aux parents de Denis. «Il y avait là une cabane à bateaux qui s'est agrandie au fil des ans», explique Michelle. La famille de son conjoint y venait durant l'été.

Les trois enfants ont hérité du terrain au décès de leurs parents. En achetant la part des deux autres, Denis s'est retrouvé un jour seul propriétaire de ce magnifique emplacement. C'est là qu'il a décidé de s'établir pour sa retraite avec Michelle.

 Le couple a demandé à l'architecte de Québec Éric Pelletier de lui dessiner une maison. «Ça ne pourrait pas être plus simple», résume Michelle Brochu. Devant un tel panorama, en effet, nul besoin de décoration.

 Dans les deux chambres, à l'étage, les meubles de rangement intégrés sont en contreplaqué russe. Idem pour les armoires de cuisine. «Afin de conserver notre vue sur le fleuve, on a décidé de ne pas mettre d'armoire dans le haut des murs, précise Michelle. Mais j'ai une grande dépense aménagée sous l'escalier.»

 Des fenêtres remplissent deux des quatre côtés de la maison. Les masquer avec des rideaux? Pas question! Mais il fallait des toiles solaires, à cause du soleil, «pas endurable ni l'été ni l'hiver». «Puis, la nuit, ça m'angoisserait de sentir tout ce noir autour de la maison, confie Michelle. Je me sentirais sans cocon.»

Mémoire des lieux

 Si Denis et Michelle parlent du «chalet» pour désigner leur maison, Éric Pelletier, lui, l'a baptisée «le coffre oublié». «Le projet en est un de mémoire, de la mémoire d'un proche passé témoignant de la simplicité des rives par les pêcheurs du Bas-Saint-Laurent, de la mémoire et des vestiges de leur travail, de la mémoire des lieux», écrit-il dans un document de présentation. L'architecte a voulu déposer la maison à cet endroit, «à la manière de l'abri temporaire, ou encore des coffres de pêche à anguilles, oubliés sur les rives et laissés au temps».

 La maison est enveloppée par «une coque en lambris de bois». Les extrémités sont fermées par des grandes plaques de ciment léger. La structure carrée est grise, pour se fondre au fleuve. Son style brut, industriel, est presque une provocation à l'endroit des coquettes maisons anciennes du village de Kamouraska. Denis Chapleau estime plutôt qu'elle met les lieux en valeur.

 Les travaux ont débuté à l'automne 2005, ils se sont interrompus durant l'hiver, puis ils se sont poursuivis au printemps suivant. Tout ce temps, Denis demeurait dans une roulotte, sur le chantier. «C'est son patrimoine», résume sa conjointe. L'excavation a été difficile. À l'assaut du roc, le marteau-piqueur n'était pas de taille. Il a fallu dynamiter.

 Denis et Michelle ont décidé de louer leur maison de Québec pour s'installer définitivement à Saint-Germain l'été dernier. Dans cet environnement souverain, sans voiture, Michelle se sent parfois un peu «démunie». Parcourir «sept dixièmes de kilomètre» pour aller chercher le courrier, elle n'était pas préparée à ça. Mais elle retrouve son enthousiasme, chaque soir, devant les plus beaux couchers de soleil de la planète.

 

Photo fournie par Croft-Pelletier

Sur le bord du fleuve, à Saint-Germain de Kamouraska, pas besoin d'investir dans la décoration avec pareil panorama. La maison semble s'élever au-dessus des rochers et des flots.