Les fenêtres de l'ancien Baron rouge ont retrouvé leur vue sur le fleuve à Beauport, grâce à un fou de la récupération, qui les a acquises moyennant «un pourboire au gars de la pelle mécanique».

Les fenêtres de l'ancien Baron rouge ont retrouvé leur vue sur le fleuve à Beauport, grâce à un fou de la récupération, qui les a acquises moyennant «un pourboire au gars de la pelle mécanique».

Ces belles fenêtres en cèdre rouge auraient été démolies en même temps que tout le restaurant n'eût été de l'intervention impromptue de Gaétan Gariépy, qui venait de s'acheter une vieille maison sur l'avenue Royale. Il n'allait pas laisser une pelle mécanique détruire ces battants à tenons et mortaises, ornés de targettes de métal et de pentures sur gonds en équerre.

L'homme enseigne la charpenterie et la menuiserie à l'École des métiers et occupations de l'industrie de la construction (EMOICQ). Il connaît la valeur de toutes ces choses dont on a tendance à se débarrasser trop facilement. Ne déniche-t-il pas tous ses trésors dans «les déchets monstres du printemps» abandonnés dans les rangs et les villages? Avec leurs carreaux de cinq pouces sur sept, les fenêtres du Baron rouge étaient calquées sur les premières à avoir été fabriquées au Québec. Elles sont reconnaissables à leurs ornements de métal uniques. Après en avoir changé le verre, après avoir gratté et repeinturé le bois, Gaétan Gariépy se retrouve aujourd'hui avec des fenêtres à bon rendement énergétique, qui ne produisent aucune condensation. «Une fenêtre comme ça vaut 2800 $, affirme-t-il. Elles me sont revenues à 50 $.»

Il les a installées à l'arrière, dans «la rallonge» de sa maison, une pièce ensoleillée avec une vue sur le fleuve qui le ravit. «J'ai été élevé dans un rang de Portneuf», confie-t-il. C'est une deuxième nature chez lui d'utiliser des matériaux de récupération. Ses élèves en savent quelque chose...

Hommage

La maison qu'il vient d'acheter à Beauport est un hommage aux vieilles poutres, aux vieilles portes et aux baignoires à vocations multiples. Au sous-sol, en effet, il y a un charmant petit «loft» joliment rénové. Et dans ce «loft», la salle de bains est équipée d'une baignoire sur pattes qui servait d'abreuvoir à vaches, sur la ferme paternelle de Deschambault. «Et auparavant, quand j'étais enfant, c'était mon bain», lance Gaétan Gariépy. Cette salle de bains a déjà été un box à chevaux, ainsi qu'en témoignent des anneaux de fonte derrière la porte. Le plafond est «à hourdis», c'est-à-dire qu'il est isolé avec une maçonnerie légère faite de crin et de mortier qui empêchaient les odeurs de monter. Gaétan Gariépy l'a laissé intact. Pour drainer l'eau qui recouvrait les «six planchers superposés» du sous-sol, il a charroyé «190 sacs de gravelle». «Il y avait une cascade le long d'un mur», raconte-t-il. Sur la petite annonce, pourtant, le vendeur parlait «d'une légère infiltration d'eau».

Les pierres du foyer au gaz viennent de l'ancienne carrière de taille de Saint-Marc-des-Carrières. À côté, la porte à clous de bois date de 1750. Dans l'armoire vitrée, la vaisselle verte remonte aux années 30. «C'était de la vaisselle de pauvres», résume M. Gariépy. Le menuisier se donne quatre ans pour retaper sa maison. Il a la chance d'habiter ailleurs, ce qui lui donne le temps de trouver ses matériaux et de les remettre en bon état. C'est l'histoire de sa vie. «J'ai commencé à 14 ans, raconte-t-il. Je décapais des chaises avec des morceaux de vitre.»