Utilisés depuis l’Antiquité, les enduits à la chaux s’inscrivent dans un savoir-faire ancestral et un patrimoine qui s’arriment à un désir d’authenticité bien actuel. Joués du plancher au plafond ou en accents, ils reviennent habiller les décors et y laissent leur empreinte enveloppante.

Le Colisée de Rome et le Panthéon ont été érigés avec un mortier à base de chaux. Le peintre Michel-Ange l’a utilisé comme canevas pour sa monumentale fresque dans la chapelle Sixtine. Répandu dans les anciennes constructions en Europe, il est plus exceptionnel ici. La chaux a néanmoins laissé sa trace sur des habitations patrimoniales le long du Saint-Laurent.

On redécouvre aujourd’hui ce matériau naturel et durable dans la revitalisation de constructions anciennes et intégré à une architecture contemporaine.

La chaux est un dérivé de calcaire liquéfié qui agit comme liant et qu’on associe à des pigments et à des agrégats comme la poudre de marbre, le sable ou la pierre ponce. Puisqu’elle durcit lentement, elle peut être travaillée à la brosse ou à la truelle pour créer différents badigeons et textures qui redeviennent pierre une fois figés, explique la peintre-décoratrice Carole Hili.

PHOTO FOURNIE PAR TOCKAY

Tadelakt réalisé par Tockay

Dans sa forme fluide, la chaux se compare à une peinture très mate, mais entièrement naturelle. Plus consistante, elle crée des finitions des plus brutes aux plus fines — rugueuses, polies ou même miroir – selon la recette et la technique employées. Présent traditionnellement dans les hammams, le tadelakt est une technique en soi qu’on retrouve dans les douches et autres surfaces exposées à l’eau.

Un fini nature

Après des années passées à travailler en Europe, Carole Hili a lancé Tockay au Québec avec l’idée d’offrir des solutions de rechange saines aux revêtements de construction conventionnels. « La chaux est biodégradable et pourrait à la rigueur être mise au compost, dit-elle. Comme son pH est très élevé, elle est également antifongique et antibactérienne, ce qui explique qu’elle ait été utilisée traditionnellement pour désinfecter. » À ces considérations hygiéniques s’ajoutent des propriétés antistatiques et antipoussières, ainsi qu’une faible conductivité sonore et thermique.

La plupart des surfaces peuvent accueillir un enduit de chaux. Le support devra toutefois être préparé en conséquence et selon son usage. Comme elle est poreuse à l’état brut, la chaux tache facilement. On la scelle à la cire ou au savon de Marseille sur un dosseret de cuisine ou dans une pièce très fréquentée.

  • Projet d’Atelier Barda, réalisé par Du Chanvre

    PHOTO FOURNIE PAR ATELIER BARDA

    Projet d’Atelier Barda, réalisé par Du Chanvre

  • Enduit classique par Venosa Interiors

    PHOTO FOURNIE PAR VENOSA INTERIORS

    Enduit classique par Venosa Interiors

  • Tadelakt par Tockay

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    Tadelakt par Tockay

  • Enduit classique par Du Chanvre

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    Enduit classique par Du Chanvre

  • Projet d’Atelier Barda

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    Projet d’Atelier Barda

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Accessibles à l’amateur ? Tout dépend de la complexité du travail. Certains badigeons, et impérativement le tadelakt, utilisé là où il y a risque d’infiltration, gagnent à être réalisés par des professionnels. Le coût d’une application de chaux par un artisan qualifié fluctue considérablement selon le volume et la technique employée, et peut donc être de 6 $ comme de plus de 120 $ le pied carré.

Une matière en mouvance

« Le résultat a quelque chose d’artisanal, de naturel. On sent la main de l’artisan, décrit Anthony Néron, dont l’atelier a fait des matériaux durables sa spécialité. C’est un peu comme comparer un sac à main en vinyle et un en cuir ; le résultat est le même, mais le feeling est différent. Avec la chaux, on obtient quelque chose d’organique dans un décor plus vrai », estime le fondateur de Du Chanvre.

PHOTO FOURNIE PAR DU CHANVRE

L’artisan Anthony Néron, fondateur de Du Chanvre

La chaux a cette façon unique de refléter la lumière qui rend les surfaces vibrantes. Les espaces qui reçoivent une lumière abondante mettent particulièrement en valeur ses reliefs, modulés au fil de la journée. « Elle a quelque chose d’enveloppant, note l’architecte Antonio Di Bacco, d’Atelier Barda. À mon sens, c’est un matériau qui est arrivé à un niveau d’intemporalité. On souhaiterait d’ailleurs qu’il soit compris comme un élément patrimonial et une plus-value dans un environnement, et non pas comme un effet de mode. »

La main de l’artisan

Opter pour ce type de revêtement est une façon de se connecter au passé, mais aussi d’entrevoir son environnement avec un certain engagement. Si on venait à se lasser de son revêtement à la chaux, une nouvelle intervention risque d’être nécessaire pour lisser la surface. « Il y a une espèce de prise de conscience du moment à travers l’utilisation de certaines matières, observe Antonio Di Bacco. La chaux est une façon de laisser son empreinte dans le temps. »

Une manière aussi de créer des décors moins standardisés et plus humains, selon l’artisan Joey Di Venosa, qui a vu les demandes augmenter substantiellement depuis deux ans chez Venosa Interiors. « On capitalise, en quelque sorte, sur un bâtiment anticapitaliste. Ces matériaux sont naturels, puisés dans le sol et appliqués par des artisans passionnés qui sont des travailleurs locaux. De voir que la main de l’artisan est intervenue sur un mur pour le sculpter, il y a quelque chose de l’ordre du beaucoup plus humain. Ça donne une chaleur au décor qui change complètement la relation avec son environnement. »