Perchée sur un échafaudage en haut d'une église ou travaillant dans une maison d'architecte, Marie-France Kech joue du pinceau pour raviver des trésors patrimoniaux ou faire vibrer son art dans les intérieurs d'aujourd'hui. Portrait d'une peintre-décoratrice entre tradition ancestrale et modernité.

Le métier de Marie-France Kech s'est dessiné progressivement dans sa vie. «J'ai fait une concentration artistique au secondaire, puis les Beaux-Arts à Liège, en Belgique, mon pays d'origine», explique-t-elle. Après ses études, elle se demande comment vivre de son pinceau et découvre le monde du trompe-l'oeil et des peintures murales. «J'ai toujours été intéressée par l'intégration de l'art dans l'environnement», raconte l'artisane, qui se forme alors aux techniques spécifiques à la peinture décorative, dont l'imitation de marbre, de bois, les patines et les trompe-l'oeil.

Lors d'un stage d'échange réservé aux jeunes de moins de 30 ans entre la Wallonie et le Québec, Marie-France voit les possibilités qui s'offrent à elle: «J'avais besoin de changement, je voyais le potentiel pour mon métier ici et je voulais rester à Montréal. Plus le temps avançait, plus l'évolution de mon métier se confirmait.» Un changement qui semble lui avoir réussi puisqu'elle est établie dans l'île depuis 25 ans.

La peintre-décoratrice a créé deux volets pour maximiser le travail : le premier en restauration et le second en décoration.

«Les projets patrimoniaux sont souvent plus longs. Je peux avoir un contrat sur deux ou trois ans, puis plus rien pendant quelques années. J'ai donc développé le côté décoratif afin de combler les vagues.»

«La particularité qui lie les deux côtés, poursuit-elle, est que je me présente toujours avec ma spécificité de la peinture décorative et de la dorure utilisant des procédés traditionnels», précise-t-elle.

Ainsi, elle restaure, retouche ou reconstitue les plafonds travaillés des monuments historiques, les autels des églises et autres richesses du passé.

En déco, Mme Kech utilise les procédés anciens de façon plus artistique. «Quand j'ai commencé, les gens voulaient des finis bois ou marbre, mais les demandes ont changé et j'en suis arrivée au travail de la chaux. C'est une technique traditionnelle et écologique. La chaux est aussi antifongique, antistatique et imperméable; ce produit sain a suscité l'intérêt d'architectes qui ont une vision très moderne et naturelle», raconte l'artisane. Ces derniers ont aussi été séduits par l'atmosphère que cette peinture dégage. Comme la matière est microporeuse, qu'elle ne contient pas de film synthétique ni de pétrole, elle capture la lumière différemment, ce qui induit une chaleur et une vibration particulières. En fonction des produits choisis et des effets souhaités, le travail est exécuté à la brosse, à la spatule métallique, au pochoir... La gamme est très large et personnalisée.

Entre passé et avenir

Quand on pense peintre-décorateur, on a en tête la finesse du trait, la précision du pinceau, la créativité, mais on n'imagine pas nécessairement que l'ouvrage peut être très demandant physiquement. «Parfois, je travaille dans un contexte de chantier avec casque et bottes de sécurité sur des échafaudages. On peut oeuvrer sur de grands murs, dans des voûtes. C'est difficile quand on prend de l'âge. Je donne des cours au CMAQ [Conseil des métiers d'art du Québec], qui s'implique beaucoup pour faire reconnaître le travail des artisans du bâtiment, mais je voudrais aussi développer à titre privé des formations ouvertes à tous pour apprendre aux gens à faire de la peinture décorative», informe la créatrice.

Photo Robert Skinner, La Presse

Les objets anciens retrouvent leur splendeur d'origine grâce au savoir-faire de Marie-France Kech.