Plusieurs métiers d'art traditionnels, comme fondeur de cuillère, relèvent depuis longtemps du folklore québécois. Aujourd'hui, si la céramique et la joaillerie survivent professionnellement à l'épreuve du temps, d'autres savoir-faire menacent de disparaître, faute de relève, de formation et d'intérêt.

Antoine Chaudron, président du conseil d'administration du Conseil des métiers d'arts du Québec (CMAQ), fait partie de ces espèces en voie d'extinction. Il est potier d'étain depuis 15 ans. Il a appris le métier par compagnonnage, avec son père Bernard, puisqu'une formation aussi spécialisée n'existe plus au Québec.

 

«Quand mon père prendra sa retraite, je serai le dernier potier d'étain de la province», souligne M. Chaudron avec une pointe d'inquiétude dans la voix. Pourtant, ses oeuvres, très appréciées dans les salons internationaux, ne manquent pas de visibilité. «Je vis bien de mon art», affirme M. Chaudron.

Serge Demers, président du CMAQ, partage sa préoccupation. Il déplore le manque de formations en métiers d'art. Il n'existe qu'une dizaine de formations en métiers d'art à travers la province : joaillerie, construction et impression textile, ébénisterie artisanale, sculpture, lutherie, maroquinerie et verre.

Hormis ces cours, les élèves doivent trouver un maître ou «apprendre sur le tas». «Des artisans doivent même s'expatrier en Europe pour apprendre des métiers spécialisés comme celui de M. Chaudron. Ça coûte cher», souligne le président du Conseil.

Imagination

M. Demers s'inquiète encore plus pour les métiers traditionnels liés au bâtiment. «La situation est dramatique. Il n'existe presque plus de couvreurs spécialisés pour réparer des toitures en cuivre, en étain et en zinc de nos bâtiments historiques», déplore-t-il.

Pour faire vivre leur art, certains artisans doivent faire preuve d'imagination. Dans son atelier de Val-Bélair, Pierre Tardif s'applique à peindre au pinceau les lettres d'anciennes voitures et reproduit à la main des affiches d'époque.

«Jusqu'au début des années 90, j'avais huit employés sur la route. On faisait du lettrage pour les magasins de meubles, de voitures, pour les fast-foods, raconte M. Tardif. C'est fini ce temps-là. Aujourd'hui, toutes les enseignes commerciales sont faites à l'ordinateur.»

Grâce à l'engouement pour son art des passionnées du hot rod, M. Tardif est persuadé qu'il mourra avec un pinceau dans les mains. Mais à cause de l'infographie, il ne croit pas qu'un jeune apprendra à peindre du lettrage à la main. «J'ai moi-même appris sur le tas!»

D'autres artisans continuent de vivre de leur métier, même leurs produits ne sont pas commercialisés. Sylvette Chanel fabrique et répare des Enfant- Jésus de cire pour les crèches depuis 21 ans. Elle n'a jamais manqué de travail ou d'argent. Les commandes viennent tant du Canada que des États-Unis ou de l'Europe.

«Mais je ne rêve pas en couleurs», confie cette artisane. Excepté son petit-fils de cinq ans qui possède une grande dextérité, elle ne voit pas qui d'autre elle pourrait convaincre de reprendre les rennes. Âgée de 69 ans, elle a pourtant commencé à refuser des offres.

Pour transmettre ces savoirs aux générations futures, la Corporation Les Vieux Métiers, à Longueuil, fait la promotion d'une cinquantaine de métiers traditionnels québécois à travers des ateliers et des démonstrations partout au Québec. L'an dernier, les plus populaires ont été la ceinture fléchée, la construction d'un four à pain et la calligraphie.

«Nous ne sommes pas une école», spécifie la directrice, Nicole Deutsch. «Mais au moins, on évite que ces métiers tombent dans l'oubli», conclut-elle.