Plusieurs pays dont les États-Unis ont de nouveau largué jeudi des colis de nourriture à la population palestinienne à Gaza menacée de famine et bombardée sans répit par Israël, les espoirs d’une trêve rapide s’éloignant cinq mois après le début d’une guerre dévastatrice.

Le président américain Joe Biden va annoncer dans son discours sur l’état de l’Union avoir ordonné à l’armée américaine de construire un port temporaire à Gaza afin d’acheminer par la mer davantage d’aide humanitaire dans le territoire palestinien assiégé, selon des responsables à Washington.

Déclenchée le 7 octobre par une attaque sanglante d’une ampleur sans précédent du Hamas contre Israël, cette guerre a fait jusqu’ici 30 800 morts à Gaza en majorité des civils, a indiqué le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien en y dénombrant au moins 83 morts ces dernières 24 heures.

L’offensive israélienne de représailles a aussi provoqué un désastre humanitaire avec 2,2 millions des 2,4 millions d’habitants menacés de famine et environ 1,7 million de déplacés dans le territoire palestinien exigu, selon l’ONU.

« Les enfants meurent ou s’évanouissent dans les rues à cause de la faim et nous ne pouvons rien faire », a dit un bénévole, Bassam Al-hou, lors d’une distribution de repas à Jabaliya, dans le nord de Gaza.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, au moins 20 civils, la plupart des enfants, sont morts de malnutrition et de déshydratation.

Alors que l’aide humanitaire, soumise au feu vert d’Israël, n’entre qu’au compte-gouttes à Gaza depuis l’Égypte, plusieurs pays ont ces derniers jours largué des repas, notamment dans le nord du territoire où l’acheminement de l’aide est quasi impossible en raison des combats, des destructions et parfois des pillages.  

Jeudi, des avions des États-Unis, principal allié d’Israël, de Jordanie, de France, des Pays-Bas, de Belgique et d’Égypte ont participé à une opération de parachutage.

Mais ceux-ci sont insuffisants tant les besoins sont immenses.

L’air et la mer ne peuvent pas remplacer la voie terrestre

L’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza par des largages aériens ou par la mer ne peut « pas se substituer » à la voie terrestre, a insisté jeudi la coordinatrice de l’ONU chargée de l’aide à ce territoire palestinien.

« J’ai parlé de l’importance de la diversification des routes d’approvisionnement terrestres. Cela reste la solution optimale : plus facile, plus rapide, moins chère, notamment parce que nous savons que nous avons besoin d’une aide humanitaire continue pour les habitants de Gaza sur une longue période », a déclaré Sigrid Kaag après une réunion à huis-clos du Conseil de sécurité.

Évoquant les récents largages aériens effectués par les États-Unis et d’autres pays, elle a salué un « symbole de soutien aux civils de Gaza, une preuve de notre humanité partagée ». « Mais c’est une goutte d’eau dans l’océan ».

« L’air et la mer ne peuvent pas se substituer à ce qui doit arriver par la terre », a insisté l’ancienne ministre néerlandaise, nommée en décembre suite à une résolution du Conseil réclamant une aide « à grande échelle » pour Gaza. Même si tout ce qui peut être « en plus, à ce moment critique, est très important ».

Elle a ainsi salué l’annonce américaine de construction d’un port temporaire à Gaza, afin d’acheminer par la mer de l’aide humanitaire, indiquant que d’autres « grands pays » allaient se joindre à ce « couloir maritime » partant de Chypre.

« Les membres du Conseil ont réaffirmé l’importance de répondre aux besoins humanitaires urgents à Gaza par toutes les voies possibles », a déclaré de son côté l’ambassadeur japonais Yamazaki Kazuyuki, qui préside l’instance en mars.

Interrogé sur les principaux obstacles à la livraison de l’aide à la population de Gaza, Sigrid Kaag a insisté pour l’ouverture de plus de points de passages terrestres, notant également le processus compliqué de vérification à la frontière.

« Et avec les combats qui continuent, des gens désespérés, le tissu social déchiré et le non-respect de la loi en hausse, il est de plus en plus difficile pour nous, de l’autre côté, une fois [l’aide] vérifiée, de la recevoir et de la distribuer en toute sécurité », a-t-elle indiqué.

Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU a notamment expliqué que les camions qui arrivent au point de passage de Rafah, à la frontière égyptienne, doivent, après inspection, être déchargés puis rechargés côté Gaza dans des camions souvent plus petits et en nombre insuffisant.

« Jetée temporaire »

Concernant l’annonce prévue de M. Biden, les responsables américains ont précisé que la construction de l’infrastructure, « une jetée temporaire », prendrait plusieurs semaines et ne signifiait pas le déploiement au sol de soldats américains. Les Israéliens en ont été informés, ont-ils ajouté.

L’aide en question d’après ces responsables partira du port de Larnaca à Chypre, le pays de l’Union européenne géographiquement le plus proche de Gaza, où la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est attendue vendredi.

La mobilisation internationale est intervenue après les mises en garde de l’ONU contre une « famine généralisée » à Gaza où les civils sont pris au piège des combats et des frappes israéliennes.

PHOTO IBRAHEEM ABU MUSTAFA, REUTERS

Un enfant palestinien est nourri au biberon à l’hôpital Abu Yousef al-Najjar.

Le 7 octobre, des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque dans le sud d’Israël qui a coûté la vie à au moins 1160 personnes, la plupart des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles.

Environ 250 personnes ont été enlevées et emmenées à Gaza ; 130 otages y sont encore retenus, dont 31 seraient morts d’après Israël, après la libération de 105 personnes en échange de 240 prisonniers palestiniens lors d’une trêve fin novembre.

En riposte, Israël a juré d’anéantir le Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et qu’il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l’Union européenne.

Pas « rompues »

Face au lourd bilan humain de la guerre et à la catastrophe humanitaire à Gaza, les médiateurs – États-Unis, Qatar, Égypte – espéraient arracher un accord sur une trêve associée à une libération d’otages en échange de prisonniers palestiniens avant le ramadan, le mois sacré du jeûne pour les musulmans qui commence en début de semaine prochaine.

Mais leurs discussions pendant quatre jours au Caire ont été suspendues et « doivent reprendre la semaine prochaine », selon le média égyptien progouvernemental Al-Qahera News.

Elles ne sont pas « rompues » et les « divergences s’estompent », a dit l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Jack Lew.

La délégation du Hamas a quitté le Caire pour Doha où est basé le chef du mouvement, Ismaïl Haniyeh. « Les réponses initiales » d’Israël « ne répondent pas aux exigences minimales » du Hamas, selon un responsable du mouvement.

Gadi Eisenkot, membre du cabinet de guerre israélien, a affirmé que le Hamas était soumis à de « fortes pressions » des médiateurs pour faire une « contreproposition ». « Il sera alors possible de prendre position. »

Le Hamas réclame avant tout accord un cessez-le-feu définitif et un retrait des troupes israéliennes de Gaza, ce qu’Israël refuse.

« Pleurer est inutile »

« L’armée israélienne continuera à opérer dans toute la bande de Gaza, y compris à Rafah, le dernier bastion du Hamas », a répété jeudi le premier ministre Benyamin Nétanyahou.  

Pour parvenir à la « victoire totale », Israël a annoncé préparer une offensive terrestre sur Rafah, dans l’extrême sud de la bande de Gaza contre la frontière fermée avec l’Égypte, où sont massés selon l’ONU près de 1,5 million de Palestiniens.

À 3 km plus au nord, les chars israéliens ont quitté cette semaine le centre de Khan Younès, laissant derrière eux d’immenses destructions après des mois de combats et de bombardements aériens.

PHOTO SAMAR ABU ELOUF, THE NEW YORK TIMES

Les chars israéliens ont quitté cette semaine le centre de Khan Younès, à quelques kilomètres au nord de Rafah, laissant derrière eux d’immenses destructions après des semaines de combats.

« Que pouvons-nous faire ? Pleurer est inutile. La tristesse a envahi nos vies », a lancé Jamil Agha, qui a décidé de rester avec sa famille dans ce qu’il reste de sa maison.

Selon des témoins, les combats se poursuivent dans l’ouest de Khan Younès, près de Rafah et à Gaza-Ville (nord) et les frappes israéliennes ont visé plusieurs secteurs du territoire palestinien dont Rafah et Khan Younès.  

En soirée, des sirènes d’alerte aux roquettes en provenance de Gaza ont retenti dans des secteurs du sud d’Israël, a indiqué l’armée.