Une nouvelle étape dans la guerre entre Israël et le Hamas a été franchie dans la nuit de vendredi à samedi (heure locale) quand les combats terrestres dans la bande de Gaza ont pris de l’ampleur, privant la population d’accès à l’internet et au réseau cellulaire.

Ce qu’il faut savoir

Vendredi soir, Tsahal a lancé une attaque tous azimuts sur la bande de Gaza. L’internet et les communications cellulaires ont été coupés dans l’enclave palestinienne.

L’assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution réclamant un cessez-le-feu à Gaza, mais sans condamner l’attaque du 7 octobre commise par le Hamas, comme le proposait le Canada dans un amendement.

Une équipe médicale de la Croix-Rouge est entrée vendredi à Gaza.

En parallèle, à New York, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté vendredi en soirée une résolution réclamant un cessez-le-feu à Gaza, une demande rejetée par Israël.

Sans internet ni réseau cellulaire, la bande de Gaza est désormais coupée du monde, un isolement dénoncé par plusieurs organisations internationales. L’offensive terrestre par l’armée israélienne s’est étendue vendredi soir. Le Hamas a rapporté d’importants combats dans plusieurs secteurs du nord et du centre de l’enclave palestinienne. L’armée israélienne n’a pas confirmé avoir officiellement lancé son offensive terrestre.

Vendredi soir, le ciel au-dessus de la bande de Gaza, où s’entassent quelque 2,4 millions d’habitants privés de tout, était rouge et orange, embrasé par les explosions et les couleurs des incendies déclenchés par les frappes, selon des images en direct de l’AFP.

PHOTO AFP TV

Cette image extraite d’une séquence télévisée de l’AFP montre des boules de feu s’élevant au-dessus de la ville de Gaza lors d’une frappe israélienne, le 27 octobre.

« Cette coupure de l’information risque de servir de couverture à des atrocités de masse et de contribuer à l’impunité des violations des droits de la personne », a dénoncé en soirée une responsable de Human Rights Watch, Deborah Brown.

Sur X, tant Médecins sans frontières que l’Organisation mondiale de la santé ont indiqué avoir perdu contact avec leurs employés dans la bande de Gaza.

« Le monde perd une fenêtre sur la réalité de toutes les parties engagées dans ce conflit », a aussi déploré le Committee to Protect Journalists en évoquant les pertes de contact entre les reporters sur le terrain et leurs agences.

« Cessez-le feu » réclamé à l’ONU

Pendant ce temps, à l’Organisation des Nations unies (ONU), une délégation de 22 pays arabes représentés par la Jordanie a fait adopter une résolution requérant un « cessez-le-feu immédiat » et un « accès humanitaire sans entrave » à Gaza, où des centaines de milliers de civils tentent de se mettre à l’abri, tout en étant privés de denrées, de médicaments, d’eau et d’autres produits essentiels.

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Palestiniens examinent les décombres d’un bâtiment à la suite d’un bombardement israélien à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 27 octobre.

La résolution a été adoptée par 120 voix, 14 contre et 45 abstentions. Le Canada s’est abstenu.

« Honte à vous ! », a lancé l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Gilad Erdan, qualifiant cette résolution d’« infamie ».

« C’est un jour sombre pour l’ONU et pour l’humanité », a-t-il ajouté, promettant qu’Israël continuerait à utiliser « tous les moyens » à sa disposition pour « débarrasser le monde du mal que représente le Hamas ».

Tout juste avant, l’ambassadeur du Canada à l’ONU, Bob Rae, avait présenté une résolution visant à condamner l’attaque du Hamas du 7 octobre. « Il y a seulement deux semaines, les terroristes Hamas ont tué 1400 Israéliens, ce qui n’est même pas mentionné par mon ami de la Jordanie », a-t-il lancé au proposeur.

Reconnaissant la souffrance des Palestiniens – qui dénombrent plus de 7300 morts à Gaza – et estimant « qu’il est urgent que notre organisation traite de cette situation humanitaire », le diplomate a ajouté que « le Canada ne peut soutenir le texte tel qu’actuellement proposé ».

L’amendement canadien a obtenu 88 voix pour, 55 voix contre et 23 abstentions. Faute d’avoir obtenu les deux tiers des voix, il a donc été rejeté. Israël, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont voté avec le Canada, tandis que la Chine et la Russie l’ont rejeté.

La Croix-Rouge à Gaza

Pour la première fois depuis le début de la guerre, une équipe médicale de la Croix-Rouge, composée de chirurgiens et de six camions d’aide de première nécessité, est entrée dans la bande de Gaza vendredi.

Le Comité international de la Croix-Rouge s’est félicité de cette « petite dose de soulagement » qui permettra d’« atténuer l’extrême pression exercée sur les médecins et les infirmières de Gaza ».

L’armée israélienne a affirmé que le Hamas se servait des hôpitaux gazaouis comme « centres de commandement et de caches ». Une allégation rejetée par le Hamas.

Si l’arrivée d’une équipe médicale à Gaza a été saluée, elle demeure une goutte d’eau dans un océan de besoins, disent les observateurs.

« On rapporte le passage de 15 à 20 camions par jour alors qu’il en faudrait entre 100 et 150 en continu », rappelle François Audet, directeur général de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires, organisme associé à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

Joint à Paris, où il participe à une conférence de la Croix-Rouge, M. Audet a ajouté que le manque d’essence était aussi criant. « Normalement, le [Plan alimentaire mondial] soutient 26 boulangeries dans le sud de Gaza. Actuellement, seulement trois ont encore un peu d’essence. D’ici 24 heures, la production de pain risque de s’arrêter complètement. »

PHOTO HATEM ALI, ASSOCIATED PRESS

Des femmes préparent du pain près d’une école de l’ONU à Rafah.

Or, un article du New York Times rapportait vendredi, en citant des responsables de pays arabes et occidentaux qui ont requis l’anonymat, que le Hamas aurait accumulé d’importantes provisions d’essence, de nourriture et de médicaments dans les tunnels sous Gaza. Ces provisions visent à tenir face à l’armée israélienne pendant des semaines, voire des mois. Pendant ce temps, la population gazaouie manque de tout.

Risques d’embrasement dans la région

Près de 29 000 personnes ont été déplacées au Liban depuis le début des violences à la frontière avec Israël, selon de nouveaux chiffres publiés vendredi par une agence spécialisée des Nations unies.

L’ambassade des États-Unis à Beyrouth a aussi exhorté vendredi ses ressortissants à « quitter le pays maintenant, tant que les vols commerciaux sont maintenus, en raison de la situation sécuritaire imprévisible ».

Jeudi, des frappes américaines en Syrie ont touché des munitions liées aux gardiens de la révolution iraniens, a affirmé vendredi la Maison-Blanche, selon Le Monde. Cette opération aurait un impact « important » sur les capacités d’attaque des groupes proches de Téhéran dans la région.

L’offensive terrestre a-t-elle débuté ?

L’attaque déclenchée par Israël vendredi soir constitue-t-elle la grande offensive terrestre promise par le gouvernement de Benjamin Nétanyahou depuis le début du conflit ? Cela reste à voir.

Comme d’autres analystes, Rex Brynen, professeur du département de science politique de l’Université McGill et spécialiste du Proche-Orient, estime que les dissensions à l’intérieur du gouvernement de coalition retardent son déclenchement.

« On appuie une opération de grande envergure, mais au-delà de ça, on ne s’entend pas sur ce que ça signifie, comment elle va se faire, comment elle sera menée », a-t-il dit en entrevue à La Presse avant le début des attaques de vendredi soir.

En revanche, M. Brynen croit que le retard est favorable à l’armée israélienne sur le plan militaire. « Plus on retarde, plus ça donne de temps pour se préparer et amasser des renseignements sur les cibles du Hamas », estime-t-il. À l’inverse, sur le plan politique, cela met de la pression sur le gouvernement israélien avec l’addition des appels au cessez-le-feu.

Avec CNN, le Washington Post, The Times of Israel, la UN Web TV, l’Agence France-Presse, le New York Times et Le Monde