Pour Israël, pas de victoire possible sur le Hamas sans détruire le réseau souterrain qui s’étend sous la bande de Gaza. Le problème, c’est qu’il y a des civils au-dessus… Quel est donc ce vaste réseau de tunnels qui abrite le Hamas et leurs otages, et que redoute tant l’armée israélienne ?

Quelle est l’ampleur du réseau ?

Il faudrait faire partie du Hamas pour connaître les détails de cette inextricable toile souterraine. L’organisation a déjà affirmé que ses tunnels s’étiraient sur 500 km. Par comparaison, le métro de Montréal fait 70 kilomètres et celui de Londres, 400 km. Les tunnels sous Gaza peuvent aller jusqu’à 30 m (ou 100 pieds) de profondeur.

D’où viennent-ils ?

La construction des tunnels a commencé avant qu’Israël retire ses troupes et ses colonies de la bande de Gaza en 2005. Mais le réseau a pris de l’ampleur après l’élection du Hamas à Gaza en 2006. Israël et l’Égypte ayant verrouillé leur frontière avec l’enclave, les souterrains sont devenus la route du trafic pour l’enclave.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Aperçu des tunnels dans la bande de Gaza

Avec le temps, les tunnels sont devenus la base militaire du Hamas et son tremplin pour attaquer Israël.

« Le réseau est ce qui permet au Hamas de se reconstituer après chacun des conflits qui ensanglantent la bande de Gaza depuis 2008 », souligne Alain Pirot, journaliste indépendant, spécialiste des questions de défense et ancien correspondant à Jérusalem.

Où se trouvent-ils ?

Certains, plus rudimentaires, courent sous les frontières israélienne et égyptienne. Les autres se déploient sous Gaza même. Ce réseau, beaucoup plus sophistiqué, est équipé pour de plus grandes périodes d’habitation. « C’est là que se cachent les leaders, ils ont des centres de commande et de contrôle, ils les utilisent pour le transport et les lignes de communication », expliquait récemment à la BBC Daphné Richemond-Barak, autrice du livre Underground Warfare et professeure à l’Université Reichman en Israël. Ces tunnels urbains, entièrement bétonnés, sont pourvus d’électricité, d’éclairage, de rails pour acheminer les denrées et les personnes. Certains sont assez larges pour laisser passer des véhicules.

Pourquoi posent-ils un défi pour Israël ?

La majorité de ces tunnels se trouvent directement sous les zones urbaines. Ils s’étendent sous des immeubles, des mosquées, des écoles et d’autres édifices publics. Cette réalité fait qu’il est pratiquement impossible pour Israël de les bombarder sans mettre en péril la vie des Gazaouis, qui vivent littéralement au-dessus. Selon Alain Pirot, le Hamas aurait même construit l’un de ses QG directement sous un hôpital. « Bon nombre de journalistes internationaux qui ont travaillé là-bas savent qu’un des points névralgiques du réseau de souterrains est sous l’hôpital al-Shifa, le plus grand hôpital de Gaza [qui n’est pas l’hôpital frappé pas une explosion meurtrière, mardi]. J’assume cette information à pleine puissance, parce que j’ai trop souvenir de ces cargaisons de bouteilles d’oxygène qui circulaient dans les rues pour ravitailler les sous-sols en air pur. »

Comment y entrer ?

C’est le grand défi pour l’armée israélienne. Si l’on en croit les déclarations du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, son objectif est de libérer les quelque 200 otages détenus par le Hamas et de mettre la main sur des leaders et combattants du Hamas. Or, cette opération s’annonce suicidaire, car ce piège souterrain risque de se refermer sur des militaires. Explosifs, attaques-surprises, kidnappings, tous les scénarios sont évoqués.

Entrer dans ces tunnels, c’est la peur d’avoir des soldats tués par dizaines.

Alain Pirot, journaliste indépendant

Colin Clarke, directeur de Soufans, un groupe de consultants en sécurité, soutient sur le réseau social X que l’armée israélienne pourrait « envoyer des drones et des véhicules automatisés dans les tunnels, pour les cartographier et localiser les pièges avant que les soldats ne les nettoient ».

Détruire, tout simplement ?

L’autre scénario serait de bombarder le réseau. Israël pourrait envoyer des missiles « bunker busting » (démolisseurs de bunkers) qui pénètrent profondément dans le sol avant d’exploser. Mais cela ne viendra pas sans dommages collatéraux pour la population civile, qui est littéralement prise en sandwich entre les belligérants, sans compter la vie des otages. Mais en fin de compte, l’armée israélienne peut-elle écarter cette option ? Comme l’explique si bien Alain Pirot : « L’objectif d’Israël est de détruire le Hamas. Or, on ne détruit pas le Hamas sans détruire le réseau de tunnels et l’infrastructure souterraine qui existe sous Gaza. »

Une version précédente de ce texte indiquait que La construction des tunnels a commencé avant qu’Israël cesse son occupation en 2005.