Avec un bilan extrêmement lourd, les funérailles des victimes du séisme dans le sud de la Turquie se font à la chaîne et avec très peu d’intimité.

« On est venus leur dire un dernier au revoir, mais c’était très rapide, ça n’a duré que dix minutes », dit Kemal Göktas, un jeune homme venu assister aux funérailles d’une famille d’amis de sept personnes qui ont toutes péri dans l’effondrement de leur immeuble. Comme lui, des centaines de personnes sont aussi présentes pour des funérailles, dans cette mosquée au nord de Gaziantep.

PHOTO ROMAIN CHAUVET, COLLABORATION SPÉCIALE

Kemal Göktas (à droite) avec un de ses amis

Depuis le séisme, les cercueils défilent presque en continu et les funérailles s’enchaînent les unes après les autres, si bien que cette mosquée est presque débordée. Les responsables ne sont même plus en mesure de savoir combien de personnes ont eu droit à des funérailles. Le rituel, lui, est le même qu’avant. Mais en version accélérée.

Tout commence en contrebas de la mosquée où les obsèques ont lieu, comme le veut la tradition musulmane. Par la suite, les cercueils sont transportés, un à un, sur une terrasse adjacente pour une cérémonie religieuse. Les hommes les portent, suivis de dizaines de femmes qui hurlent de douleur la perte de leurs proches.

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L’émotion se lit sur les visages des proches des victimes du séisme.

La cérémonie religieuse commence alors sous ces pleurs. Face à l’afflux, l’imam ne peut consacrer que quelques minutes à chaque cérémonie, où des cercueils de différentes familles sont présents en même temps. Puis ces derniers sont transportés vers le cimetière adjacent. La peine est immense pour ces centaines de personnes qui après le choc d’une tragédie doivent maintenant partager l’intimité d’un deuil. « C’est tellement triste de voir tous ces morts, les gens n’ont même plus de mots pour parler », dit Kemal Göktas.

Désolation 

Au centre-ville de Gaziantep, l’émotion est aussi présente, mais pour une autre raison. Le célèbre château de la ville, bijou architectural et touristique, a subi d’importants dégâts. Une partie des bastions et des murailles a été complètement détruite. Certains débris et pierres ont même déboulé jusque dans des rues adjacentes.

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Le château de Gaziantep a été fortement endommagé par le séisme de lundi.

Ergün Kaplan, un employé d’un restaurant voisin de ce château, considéré comme l’une des citadelles les mieux conservées en Turquie, a encore du mal à mesurer l’ampleur des dégâts. Il explique n’avoir jamais rien vu de tel dans sa vie et se demande maintenant comment son peuple et sa ville se relèveront de cette tragédie.

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Ergün Kaplan

Plus haut, sur la colline où se trouve le château, des tentes de fortune sont érigées par des habitants qui dormiront, encore ce soir, dehors. Il fait froid, alors ils tentent tant bien que mal de couvrir les trous des tentes avec du plastique pour empêcher l’air glacial d’entrer. Ils allument avec du bois des feux.

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Des sinistrés récupèrent du bois qui servira à allumer des feux pour se protéger du temps froid.

En face d’eux, un petit magasin qui a résisté aux secousses expose sur le trottoir de nombreux poêles à bois. Il faut débourser 1000 livres turques, soit environ 70 $ CAN, pour s’en procurer un. Un prix loin d’être accessible, pour ces gens qui ont tout perdu. Chaque fois qu’un petit camion d’aide s’arrête au bord de la route, les gens se précipitent pour aller chercher du bois et quelques pains traditionnels avant la tombée de la nuit.

Les recherches se poursuivent

Pendant ce temps, de l’autre côté de la ville, les recherches se poursuivent dans les débris de plusieurs immeubles qui se sont effondrés. Même si beaucoup essaient encore de garder espoir vaille que vaille, ils doivent se rendre à l’évidence : les chances de retrouver des survivants sont désormais quasi nulles.

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Jan Campbell-Wood, une bénévole du Royaume-Uni qui aide aux recherches

« Après la fenêtre de 72 heures, il est de plus en plus difficile de trouver des gens. Ce n’est pas impossible, mais c’est de moins en moins le cas », dit Jan Campbell-Wood, une bénévole du Royaume-Uni, qui regarde au loin ces opérations de secours. Déployés depuis mardi dans le sud de la Turquie, les bénévoles apportent de ville en ville de l’aide.

Mais les faibles chances de retrouver des personnes encore en vie lui font dire que les efforts doivent maintenant se concentrer sur l’après. « C’est toujours le chaos au début. Je pense qu’aucun pays ne peut être suffisamment préparé pour faire face aux séismes en si peu de temps. Mais maintenant, nous devons passer à la prochaine étape, celle de s’assurer de répondre à tous les besoins vitaux des gens, comme avoir un toit, de l’eau, de la nourriture et des médicaments. »

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Yigit, parmi les décombres de Gaziantep

Derrière elle, Yigit, un jeune homme, ne cesse de fixer des yeux une voiture sous les décombres. Cette voiture, c’est le dernier lien qui le rattache encore à son grand-père, emporté dans l’effondrement de son immeuble. Depuis lundi, il vient tous les jours ici pour regarder ce véhicule pendant des heures, comme pour lui dire un dernier adieu.