Le froid et la nuit ont compliqué les recherches dans l’espoir de retrouver des survivants d’un des pires tremblements de terre de l’histoire de la Turquie, qui a dévasté une douzaine de villes dans le sud du pays et le nord de la Syrie tôt lundi matin. Et le bilan continue de s’alourdir d’heure en heure : plus de 4300 morts et 18 000 blessés, au moment de publier.

Ce qu’il faut savoir :

  • La première secousse de magnitude 7,8 est survenue dans le sud-est de la Turquie, à 60 km environ à vol d’oiseau de la frontière syrienne ;
  • Des dizaines de répliques ont suivi, avant un nouveau séisme de magnitude 7,5 dans le sud-est de la Turquie ;
  • Plus de 4300 personnes ont été tuées et des milliers ont été blessées en Turquie et en Syrie ;
  • Plusieurs sites archéologiques ont été touchés en Syrie et notamment la citadelle d’Alep ;
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a décrété un deuil national de sept jours ;
  • En Turquie, près de 5000 immeubles se sont effondrés, selon Ankara ;
  • La communauté internationale a proposé son aide, le soutien s’adresse principalement à la Turquie ;
  • La Turquie est située sur une des principales zones sismiques du globe.

« Je crois que le nombre de morts et de blessés va continuer à grimper, malheureusement, explique Ilhan Tanir, journaliste et analyste turc à Washington. Des milliers de personnes blessées sont toujours sous les décombres et les secours ne sont pas assez nombreux. Peu de journalistes sont sur place, plusieurs sont en train de s’y rendre. »

La catastrophe a fait 2921 morts en Turquie et plus de 1440 en Syrie jusqu’à maintenant.

Plus de 45 pays, dont le Canada, ont offert leur assistance à la Turquie, lundi, alors que des équipes spécialisées dans les recherches d’urgence venues notamment des États-Unis, de France, d’Israël, du Japon, de la Suisse, de la Grèce et du Liban étaient en route pour être déployées dans les zones sinistrées.

M. Tanir note que des voix s’élèvent en Turquie pour demander l’aide de l’armée turque. « L’armée pourrait mobiliser des centaines de milliers de soldats, mais pour le moment, le gouvernement n’a rien annoncé en ce sens. »

Le séisme a frappé près de Gaziantep, ville de plus de 2 millions d’habitants, atteignant 7,8 sur l’échelle de Richter, avec un nouveau séisme de 7,5 en mi-journée lundi.

Les images d’immeubles effondrés et de quartiers entiers détruits rappellent que la Turquie n’était pas prête à subir un tel tremblement de terre, même si le pays est situé dans une zone de forte activité sismique, dit M. Tanir.

« On peut voir que des immeubles n’ont pas résisté, et même des immeubles gouvernementaux, des hôpitaux, des immeubles récents… Il y a beaucoup de corruption dans le domaine de la construction en Turquie. Aussi, cette région est très pauvre et s’est appauvrie ces dernières années. Elle n’était pas préparée à vivre un évènement aussi catastrophique », ajoute l’expert.

Un bilan multiplié ?

Le déploiement des secours a permis d’extraire 7840 personnes des décombres en Turquie, où près de 5000 bâtiments sont complètement effondrés. La pluie et la neige, tombée par endroits en abondance, et la baisse des températures rendent la situation encore plus précaire.

Dans ces conditions, l’Organisation mondiale de la santé a dit s’attendre à un bilan final beaucoup plus élevé.

À Sanliurfa, ville du sud-est turc, au bord d’un grand boulevard, des dizaines de secouristes tentaient dans la soirée d’extraire des survivants d’un immeuble de sept étages réduit à néant, selon ce qu’a rapporté l’AFP.

« Il y a une famille que je connais qui est sous les décombres », a alors lancé Ömer El Cüneyd, étudiant syrien de 20 ans qui habite non loin de là.

« Nous n’avons nulle part où aller, nous avons peur », a déclaré Mehmet Emin Kiliç, rassemblé autour d’un feu au pied d’un immeuble de son quartier avec sa femme, ses quatre enfants et d’autres membres de leur famille.

Les secours se sont acharnés, parfois à mains nues, pour sauver chaque vie qui pouvait l’être, comme cette enfant de 7 ans sortie des ruines à Hatay, en Turquie, sous les yeux de l’AFP, après plus de 20 heures de terreur, le pyjama maculé de poussière.

Pas de victimes canadiennes

Lundi, le gouvernement fédéral canadien a dit n’avoir pas d’information voulant que des Canadiens figurent parmi les morts et les blessés du séisme.

« À ce jour, nous n’avons reçu aucune demande d’aide de la part de Canadiens en rapport avec ces tremblements de terre. Selon la base de données de l’inscription des Canadiens à l’étranger (ROCA), il y a actuellement 7513 personnes inscrites en Turquie, ainsi que 1394 en Syrie et 1319 en Israël », a signalé Charlotte MacLeod, porte-parole d’Affaires mondiales Canada, ajoutant qu’Ottawa était en contact avec le gouvernement turc et était prêt à fournir une assistance.

En 1999, un fort tremblement de terre près d’Istanbul avait fait plus de 18 000 victimes, ce qui avait fortement marqué la nation.

Jean Marcou, directeur des relations internationales à l’Institut d’études politiques de Grenoble et spécialiste de la Turquie, note que les zones touchées comportent plusieurs villes de centaines de milliers d’habitants. « La Turquie est urbanisée : 70 % de la population est dans des zones urbaines, et donc les endroits touchés comptent beaucoup d’habitants. »

M. Marcou estime que la Turquie a les moyens d’aider les gens et que 45 pays ont déjà signifié qu’ils voulaient apporter leur aide. « Pour la Syrie, on a affaire à un État qui est en pleine déshérence et qui ne sera pas apte à réagir de la même manière. Ce sera encore plus difficile pour eux de vivre cette crise supplémentaire. »

« Populations précaires et fragilisées »

Le séisme de lundi a provoqué « une gigantesque catastrophe humaine », lance Henri Habib, professeur de science politique à l’Université Concordia.

M. Habib note que le tremblement de terre a été ressenti jusque dans la bande de Gaza et au Liban. « J’ai parlé à des gens au Liban qui ont été réveillés par les secousses à 3 h 30 du matin. Ils croyaient qu’il y avait une nouvelle explosion comme celle du port de Beyrouth en 2020. »

Il note que la ville d’Alep, en Syrie, a également été touchée par le séisme, après avoir été bombardée pendant des années par le régime de Bachar al-Assad.

La Syrie est déjà dévastée par 11 ans de guerre civile. Les populations sont déjà très précaires et fragilisées, et là, l’un des plus gros tremblements de terre jamais vus dans la région vient d’apporter encore plus de destruction. C’est une catastrophe.

Henri Habib, professeur de science politique à l’Université Concordia

Le professeur Henri Habib note que la Syrie est sous le coup de sanctions de la part de l’Union européenne et des États-Unis, ce qui rend l’importation de pièces de rechange de machinerie lourde difficile, par exemple.

« Est-ce que les sanctions vont être levées ? Ça va être à suivre, car l’aide aux victimes et la reconstruction vont être difficiles s’il y a des sanctions », dit-il, ajoutant espérer que ce malheur puisse resserrer les liens et pousser les gens à travailler ensemble dans la région.

Stefan Winter, professeur d’histoire spécialisé dans l’étude de la Syrie ottomane à l’Université du Québec à Montréal, est souvent allé dans la région au fil des années et note que le travail de secours et de reconstruction en sera un de longue haleine.

« Je devais y aller plus tard cette année avec mes étudiants, mais on va devoir évaluer si ce sera encore faisable », dit-il.

Avec CNN, l’Agence France-Presse et l’Associated Press

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    C’est le nombre minimum de bâtiments détruits en Turquie lors du tremblement de terre de lundi. Au total, 19 574 secouristes ont été déployés dans la région du tremblement de terre pour venir en aide à la population.
    source : Agence turque de gestion des catastrophes et des urgences