(Jableh) Dans la paisible ville côtière de Jableh en Syrie, on enterre désormais les morts sur un terrain agricole : le cimetière local ne suffit plus à accueillir les victimes du séisme meurtrier.

« On ne pouvait pas aider les vivants, on doit au moins honorer les morts », dit Mohammad Daya, 47 ans, présent à l’arrivée de nouveaux corps sur son terrain où il plantait des tomates et des poivrons.

Des pierres tombales blanches, portant des noms hâtivement écrits à la main par les proches des victimes, s’alignent désormais sur ce bout de terre, alors qu’un bulldozer creuse des tombes fraîches.

Le séisme qui a frappé lundi la Syrie et la Turquie voisine a fait plus de 21 000 morts, dont plus de 3300 en Syrie.

La province de Lattaquié sur le littoral méditerranéen, dont fait partie Jableh, a payé un lourd tribut : au moins 506 personnes ont été tuées et 792 blessés, selon les autorités locales.

Plus d’une centaine de bâtiments se sont effondrés dans cette province, contrôlée par le gouvernement syrien.

PHOTO LOUAI BESHARA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un des bâtiments détruits par le séisme

« Je ne me serais jamais attendu à ce que mon terrain devienne un cimetière », affirme Mohammad Daya, les yeux rouges à force d’avoir pleuré, qui se dit prêt à donner un autre champ si cela s’avère nécessaire.

À proximité de ce cimetière improvisé, dans la rue Rihaoui, des dizaines de personnes attendent anxieusement des nouvelles de leurs proches toujours coincés sous les décombres.

Ils dorment en plein air malgré le froid et récitent des prières, espérant un miracle alors que les chances de retrouver des survivants s’amenuisent.

« Les dernières heures »

« Ce sont les dernières heures […] on essaye de travailler aussi vite qu’on peut pour pouvoir trouver des survivants avant qu’ils ne rendent leur dernier souffle », déclare à l’AFP un responsable de la Défense civile syrienne, Jalal Daoud.

Le cap des 72 heures, un délai crucial pour retrouver des survivants sous les décombres selon des experts, est désormais dépassé.

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Opération de recherche

Quinze personnes sont toujours coincées sous les décombres d’un immeuble dans cette rue, selon leurs proches, alors que neuf survivants et plus de 20 corps en ont déjà été retirés.

« L’immeuble est en miettes, c’est comme du biscuit », déclare un secouriste libanais, Ali Safieddine, venu avec des camarades du Liban voisin pour aider les secouristes.

Faute de moyens perfectionnés, « nous crions pour savoir s’il y a des survivants », mais il n’y a aucune réponse, ajoute-t-il, alors que des bulldozers dégagent des blocs de ciment.

Des proches des personnes coincées sous les décombres aident les secouristes à creuser, à l’aide de casseroles ou d’autres ustensiles de cuisine.

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Des secouristes transportent le corps d’une victime retrouvée dans les décombres d’un immeuble.

Les secouristes libanais extirpent un corps des décombres, et des proches accourent, éclatant en pleurs lorsqu’ils reconnaissent un des leurs.

Des secouristes et de soldats russes se trouvent également sur les lieux et contribuent, avec des moyens plus perfectionnés, aux opérations de sauvetage dans un des six immeubles où le travail se poursuit à Jableh.  

La base russe de Hmeimim se trouve à cinq kilomètres seulement de la ville. La Russie, l’un des principaux alliés du président Bachar al-Assad, maintient également une base navale à Tartous, sur la côte méditerranéenne, à une soixantaine de kilomètres plus au Sud.

Jableh a été relativement épargnée par la guerre civile qui entre bientôt dans sa douzième année en Syrie, mais a eu son lot de violences, d’attentats et de fils tués au combat, notamment aux côtés des forces gouvernementales.

Près de l’un des immeubles en ruines, Adam Chaabo attend que des membres de sa famille soient retirés des décombres, un à un.

« Ils ont déjà retiré le père, la mère, la sœur, tous morts, nous attendons le fils, Joud », dit-il.

« On croyait en avoir fini avec les enterrements de masse, maintenant que les batailles se sont calmées. Mais la mort est revenue à Jableh ».